Politique / France

Charles Pasqua: ses héritiers n'ont pas dit leur dernier mot

Malgré l'image sulfureuse et à l'ancienne, Charles Pasqua continue d'inspirer des jeunes qui voient en lui un modèle en politique. Ils racontent leurs anecdotes avec l'ancien ministre de l'Intérieur.

Charles Pasqua au tribunal à Paris pour l'«Angolagate» le 6 octobre 2008. REUTERS/Benoit Tessier
Charles Pasqua au tribunal à Paris pour l'«Angolagate» le 6 octobre 2008. REUTERS/Benoit Tessier

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C'était le dernier des gaullistes, et sa mort prouve que le gaullisme a encore de beaux restes en 2015. De Christian Estrosi à Gérald Darmanin, en passant par Sébastien Huygues, Isabelle Balkany et Nicolas Sarkozy, tous ont rendu hommage à l'ancien ministre d'État et grand Résistant. 

 

Des jeunes pousses, à droite, n'hésitent pas à revendiquer son héritage, bien au-delà des Hauts-de-Seine, son fief, qu'il avait transformé de bastion communiste en département le plus riche de France. 

Il y a quelques jours encore, le président du Sénat Gérard Larcher, recevant le Prix du 18 juin de l'Amicale gaulliste dont faisait partie Charles Pasqua, avait des mots bienveillants pour l'ex-ministre de l'Intérieur«Dans son discours, Gérard Larcher a largement rendu hommage à Pasqua, qui nous faisait l'honneur de sa présence», raconte ainsi à Slate Rudolph Granier, président des jeunes gaullistes de l'Union des Jeunes pour le Progrès (UJP), présent ce jour-là au Sénat. 

«Il a dit que c'était une référence majeure, un vrai rocher, une manière de se comporter y compris quand la tempête souffle. En le regardant, il a prononcé cette maxime émouvante: "Les amis, c'est comme les étoiles: c'est pendant la nuit qu'on peut les compter".»

Il y a une certaine nostalgie de la politique à la Pasqua, avec ses zones d'ombres

Rudolph Granier

Au téléphone, alors qu'il a appris quelques heures auparavant le décès de Charles Pasqua, Rudolph Granier poursuit:

«Je suis triste même si, pour moi, c'était le gaullisme de mon grand-père. Mais c'est surtout la prééminence du politique sur le reste. C'est le politique qui décide et agit. Il y a une certaine nostalgie de la politique à la Pasqua, avec ses zones d'ombres. Après mon discours pour le Prix du 18 juin, il m'a pris par le bras et m'a dit "Vous vous souvenez lorsqu'on s'est vus, il y a trois ans? Oui, je m'en souviens", ai-je répondu. "Je vous avais donné la définition du gaullisme et vous l'avez reprise ce soir." Cette définition, c'était l'ordre et le mouvement. C'est pour ça qu'il désignait Florian Philippot et le Front national comme des usurpateurs, même s'ils lui ont rendu hommage!»

«Il incarnait la sincérité des convictions, le vrai militantisme, une certaine idée du peuple»

Certains ont des souvenirs plus éloignés. Nadine Morano en tête, qui raconte une scène d'il y a bientôt vingt ans: «Pour ma première campagne cantonale en 1998, je voulais absolument une photo avec Pasqua pour mon document de campagne, confie l'ancienne ministre, jointe par Slate. J'avais appelé pour faire une photo avec lui. Gentiment, il m'avait accueilli dans le département des Hauts-de-Seine, on avait parlé, on avait fait une jolie photo...»

Pour de jeunes militants comme Morano, dans les années 1980, Pasqua était une véritable star, malgré le scandale qui entoura la mort de Malik Oussekine, pendant les manifestations contre la loi Devaquet en 1986. «J'étais en fac de droit à l'époque et je me souviens des premiers meetings, c'était absolument énorme», poursuit Nadine Morano:

«Du vrai délire. On hurlait son nom car c'était un grand ministre, mais surtout un grand homme. C'était un modèle.»

Modèle de politique, et d'une génération, qui rechignait aux discours policés écrits par les communicants: «À chaque fois qu'il y avait des cours de média-training pour bien parler à la télévision, je pensais à lui», ironise Nadine Morano, qui vante la gouaille, l'humour et la faconde de ce fils de bergers corses, qui avait débuté comme représentant chez Pernod-Ricard. Elle conclut:

Pasqua, lui, était loin d'être formaté!

Nadine Morano

«Je trouvais que ces exercices de com' étaient du formatage. Et Pasqua, lui, était loin d'être formaté! Il incarnait la sincérité des convictions, le vrai militantisme, une certaine idée du peuple. Quand il parlait, en une seconde on savait que c'était lui.»

«En dehors de son côté rocailleux sympathique, amical et tendre, il aura marqué des responsables politiques à droite, a jugé François Baroin, quelques heures après la mort de ce parrain du RPR. Pour moi, c'était un monument. Avec courage et audace, il avait donné une vraie ligne au mot de la sécurité sur la place publique. Il avait eu cette phrase incroyable: "Il faut terroriser les terroristes".» 

Mais parmi ses combats, il n'y a pas que la lutte contre le terrorisme qui est restée dans l'actualité. Thierry Solère, député LR des Hauts-de-Seine et mécaniquement classé parmi ses «héritiers», se souvient des applaudissements «nourris» lors du Congrès fondateur des Républicains, en mai dernier, où il était aux premiers rangs. 

Il a raconté sur I-télé, lundi soir, la discussion qu'il avait alors eue avec lui: 

«Il m'avait dit que la compétition est inhérente à la vie politique mais qu'il faut la gérer. Il disait que la primaire était un bon moyen. L'homme ou la femme providentielle pouvait très bien sortir de la primaire.»

Une primaire que Pasqua défendait déjà en 1995. À l'époque, c'était pour éviter le duel fratricide qui opposa Chirac et Balladur. Vingt ans après, Pasqua est mort, mais les choses n'ont guère changé à droite.

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