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Rappelez-vous, en janvier 2014, la série de Nic Pizzolatto créait l’événement. True Detective réinventait la série télévisée et le polar, l'on criait au génie: l’ambiance créée dans la Louisiane profonde, les talents d'écrivain de Pizzolatto, la caméra de Cary Fukunaga et bien sûr le jeu d’acteurs bluffant de Matthew McConaughey et Woody Harrelson. La première saison raflait alors plusieurs Emmy Awards.
L’attente était donc énorme pour cette nouvelle saison, qui a débuté le 21 juin sur HBO et que OCS a diffusée le lendemain. Le challenge était de taille puisque chaque saison est indépendante: la saison 2 propose de nouveaux personnages (interprétés par Colin Farrell, Rachel McAdams, Vince Vaughn, Taylor Kitsch, etc.), une nouvelle intrigue (mais toujours centrée autour d'un meurtre) et de nouveaux décors (une ville fictive proche de Los Angeles).
Cette année encore, la presse est quasiment unanime mais cette fois pour montrer sa déception. Les médias semblent même vouloir vous décourager la regarder la suite, comme l’a relevé Reader. Vox.com, qui a vu les trois premiers épisodes, estime que la saison 2 est «définitivement un drame que l’on a vu de nombreuses fois par le passé», une série policière comme une autre. Le site rivalise même de mauvaise foi en publiant la liste des 31 moments les plus ridicules du premier épisode. Le New York Times va plus loin en moquant l’aspect presque comique de la surenchère de ses acteurs et Variety estime qu’elle est tout juste regardable. Bon nombre de critiques reprochent aussi le manque de surprises flagrant dans ce début de saison.
Mais comment pourrait-on être surpris par une série dont le but est justement de recommencer, de repartir à zéro? Le principe même de la série policière n’est-il pas justement de conserver un même schéma meurtre-enquête-résolution et de proposer des enquêteurs torturés par l’alcool ou des problèmes familiaux?
Saison 1 trop brillante
Puisque la mode est aux comparaisons, oublions un instant cette nouvelle saison pour regarder ce qui a fait le succès de son illustre aînée. Car le vrai problème de True Detective, c’est aussi d’avoir été trop brillante lors de la première saison. D’avoir proposé tout ce mysticisme fascinant, invoqué à travers le tueur en série et son antagoniste, le détective interprété par Matthew McConaughey. D’avoir proposé des images captivantes des bayous, terres morbides de la Louisiane, un État qui commence à peine à être exploré par le cinéma (Mud, de Jeff Nichols, avec McConaughey là encore) et la télévision (la saison 3 d'American Horror Story). C’était le projet très personnel de Nic Pizzolatto, qui a d’abord été romancier et qui connaissait parfaitement la Louisiane pour l’avoir déjà exploré dans son roman Galveston.
Mais si l’on épure un peu la première saison, si on lui retire sa photographie, les dialogues illuminés de Matthew McConaughey et les décors parfois glauques de la Louisiane, il reste en son cœur une enquête policière assez classique: une femme est tuée selon un rituel visiblement sataniste mais les enquêteurs (qui ne s’aiment pas, évidemment) vont vite découvrir qu’ils ont affaire à un serial-killer bien plus dangereux qu’on ne le croit. D’ailleurs, qui se souvient de commentaires élogieux sur l’intrigue policière de la première saison? Difficile de se souvenir des cliffhangers, ces moments où la série bascule.
Tout oublier et recommencer à zéro
Certains reprochaient à True Detective version McConaughey sa lenteur, ses scènes parfois caricaturales ou ses dialogues ultra-verbeux
On peut dire sans crainte que les critiques et les fans ont avant tout été fascinés par l’audace esthétique et philosophique de la première saison. Et cette année, c’est justement ce qui faisait les forces de la cuvée 2014 qui a été supprimé. On a enlevé Matthew McConaughey (longtemps cantonné au rôle du beau gosse dans les comédies romantiques mièvres, il avait déjà entamé un comeback fracassant après Dallas Buyers Club) pour proposer des acteurs parfois moribonds à Hollywood (Colin Farell, Taylor Kitsch et Vince Vaughn). On est parti à Los Angeles et ses environs, un endroit que tout le monde connaît tant la culture populaire s’en est inspiré (L.A. Confidential, de Curtis Hanson, Chinatown, de Polanski, ou les romans noirs de James Ellroy, de Michael Connelly…), mais que Nic Pizzolatto maîtrise beaucoup moins. Et on a perdu le metteur en scène Cary Fukunaga, qui a tenu la caméra pendant toute la première saison (chose rare à la télé) et a marqué les esprits grâce à un plan séquence époustouflant de six minutes. À la place, on retrouve Justin Lin, réalisateurs de plusieurs Fast & Furious, dont on ne peut légitimement pas attendre le même niveau que son prédécesseur.
De manière générale, les séries dites «en anthologie» (indépendantes les unes des autres) connaissent les risques qu’il y a à se réinventer chaque année. On aimera moins tel personnage, l’histoire sera moins captivante, le dénouement est décevant… Ce qui sera peut-être le cas avec cette nouvelle saison. N'empêche, il reste sept épisodes, et il suffit parfois d’un coup de génie pour relancer une saison. Il ne faudrait pas oublier que certains reprochaient à True Detective version McConaughey sa lenteur, ses scènes parfois caricaturales ou ses dialogues ultra-verbeux. Ce qui ne les empêche pas aujourd'hui de lui lancer des fleurs à tout va. Peut-être faut-il juste arrêter de considérer True Detective comme un objet mystique et fascinant qui doit être conservé et préservé, oublier son brio, et laisser sa chance au petit nouveau. Rendez-vous dans sept épisodes.