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Vider l’historique de son navigateur peut valoir vingt ans de prison aux États-Unis

L’interprétation d’une loi américaine datant de 2002 permet de condamner à postériori un internaute pour la suppression d’un historique internet ou de toute autre trace informatique.

Un utilisateur de navigateur Internet | Reuters/Bobby Yip
Un utilisateur de navigateur Internet | Reuters/Bobby Yip

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Nation

Dans une tribune au New York Times datée du 4 juin 2015, Edward Snowden, l’ancien employé de la National Security Agency (NSA), se félicitait des progrès en matière de régulation d’Internet dans plusieurs pays; dont les États-Unis. Deux jours plus tôt, l’hebdomadaire américain The Nation révélait pourtant l’utilisation d’une autre loi liberticide: la loi Sarbanes-Oxley.

Votée en 2002, elle avait été mise sur pied pour lutter contre les dérives financières des entreprises et les empêcher de détruire des documents pouvant servir aux enquêtes. Or cette loi a vu son champ d’action étendu.

L’hebdomadaire prend l’exemple de Khairullozhon Matanov, un ancien chauffeur de taxi proche des frères Djokhar et Tamerlan Tsarnaiev, tous deux responsables des attentats du marathon de Boston de 2013. Arrêté en 2014, il est alors sous le coup de quatre chefs d’accusation, trois concernant des mensonges faits à la police et un pour avoir supprimé des vidéos sur son ordinateur et nettoyé son navigateur, pour lequel la peine maximale est de vingt ans. 

Autre exemple avec David Kernell, étudiant de l’université du Tennessee arrêté en 2010 pour avoir accédé au compte Yahoo de Sarah Palin, colistière de John McCain lors des élections présidentielles de 2008. Après avoir trouvé des informations sur Internet permettant de réinitialiser le mot de passe de cette dernière, il accède à son compte Yahoo et y télécharge des photos avant de désinstaller Firefox et de nettoyer son ordinateur. Il est condamné en 2012 en vertu de la loi Sarbanes-Oxley.

Contrôle des données numériques

Ce qui gêne, c’est l’interprétation de la loi, qui interdit quiconque ayant des raisons de penser qu’il peut faire l’objet d’une enquête policière de supprimer des données informatiques. David Kernell pensait-il faire l’objet d’une enquête pour avoir accédé à un compte Yahoo? Mystère.

Selon Hanni Fakhoury, avocat membre de l’Electronic Frontier Foundation, une organisation de défense des libertés sur Internet, le problème est l’entêtement des autorités fédérales à vouloir contrôler les données numériques:

«Dans le fond, le message du gouvernement, c’est “on veut créer un mécanisme qui permet d’autoriser le contrôle des données de n’importe qui, car, un jour, pour on ne sait quelles raisons, il faudra que l’on puisse avoir accès à ces données”».

Un exemple montre tout de même qu’il n’est pas possible d’adapter la loi Sarbanes-Oxley à toutes les sauces. C’est celui d’un pêcheur qui avait jeté un lot de poissons par-dessus bord après qu’un agent fédéral lui avait interdit de le faire. Dans ce cas précis, la Cour suprême a décidé en février 2015 que le recours à la loi Sarbanes-Oxley n’était pas possible. Reste qu’il est beaucoup plus courant de supprimer l’historique de sa navigation en ligne que de rejeter du poisson en mer, ce qui pourrait bien multiplier les tentatives de recours à cette loi. 

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