Avec une dotation de 36 milliards de dollars (soit plus que le PIB de la Côte d'Ivoire), Harvard est l'université la plus riche du monde. Pourtant, les milliardaires américains adorent donner leurs millions à cette institution. Et si ce n'est pas Harvard, ils choisissent souvent de faire des cadeaux à Yale, deuxième du classement.
Le manager de hedge funds, John Paulson, qui est devenu richissime en pariant sur la chute du marché immobilier américain en 2008, vient de léguer 400 millions de dollars à la faculté d'ingénierie et de sciences appliquées de Harvard. Le mois dernier, le financier Stephen Schwarzman a donné 150 millions de dollars pour un nouveau centre culturel à Yale.
Ces choix ont été très critiqués dans la presse et sur les réseaux sociaux: «Attention, si les milliardaires ne se mobilisent pas, Harvard n'aura plus que 30 milliards de dollars», a tweeté le journaliste du New Yorker Malcolm Gladwell.
If billionaires don't step up, Harvard will soon be down to its last $30 billion.
— Gladwell (@Gladwell) June 3, 2015
Gladwell, qui ne tweete quasiment jamais d'habitude, était particulièrement remonté contre John Paulson:
«Il avait le choix entre aider les pauvres ou donner à l'université la plus riche du monde 400 millions de dollars dont elle n'avait pas besoin. Très bon choix John!»
It came down to helping the poor or giving the world's richest university $400 mil it doesn't need. Wise choice John! http://t.co/2bFmuTy397
— Gladwell (@Gladwell) June 3, 2015
«Le prochain projet de John Paulson: faire du bénévolat chez Hermès sur Madison avenue.»
Next up for John Paulson: volunteering at the Hermes store on Madison avenue. Let's make this a truly world class retail outlet!
— Gladwell (@Gladwell) June 3, 2015
Un article de Vox rappelle qu'en 2013, 53% des étudiants en première année à Harvard venaient de famille aisées dans lesquelles les parents gagnaient plus de 125.000 dollars (112.000 euros) par an. Quant au centre de recherches sélectionné par Paulson (qui sera d'ailleurs rebaptisé à son nom), il comprend des domaines comme la robotique ou l'informatique, qui reçoivent déjà beaucoup d'argent privé, mais aussi public, notamment du Département de la défense, ainsi que des millions venant d'autres philanthropes.
«Ca n'aide pas les gens qui ont besoin d'aide, et c'est obscène que Paulson obtienne une énorme déduction fiscale pour ça», écrit Dylan Matthews sur Vox.
Des consultants financiers ont calculé qu'avec la somme de 400 millions de dollars, Paulson aurait par exemple pu payer deux ans d'université pour 63.877 Américains, ou acheté des filets anti-malaria pour 119.760 enfants.
En mai, la donation de Stephen Schwarzman à Yale avait également lancé un débat similaire, notamment parce que le centre culturel —qui sera renommé Schwarzman Center— semblait plutôt inutile dans une université qui a déjà plusieurs théâtres de qualité. Sur Slate.com, Alison Griswold soupçonnait Schwarzman de ne pas vraiment penser aux besoins des étudiants, mais de surtout vouloir un espace à son nom dans un lieu de prestige.