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Ne dites plus «homophobe», dites «gayciste»

Le terme «homophobie» signifie une peur irrationnelle. Mais les homophobes n'ont pas peur des gays, sinon ils les fuiraient. L'homophobie est plutôt une idéologie, comme le racisme

<a href="http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Homophobie-icon-utilisateur.png">Icône de l’homophobie</a> | By YoshiNoirMC (Own work) via Wikipedia <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0">License by</a>
Icône de l’homophobie | By YoshiNoirMC (Own work) via Wikipedia License by

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Décrivant une «peur» au lieu d’une idéologie ou d’un préjugé, le terme «homophobie» ne décrit pas correctement la réalité, et devrait être remplacé par un autre mot. C’est l’idée du journaliste John Sherman, qui a écrit un billet sur le sujet chez nos confrères de Slate.com, intitulé «Pourquoi le mot gaycisme devrait remplacer le mot homophobie» («Why Gaycism Should Replace Homophobia»). Il propose le mot «gayciste» (gaycist, en anglais), déjà utilisé par une partie de la communauté homosexuelle aux Etats-Unis, alors qu’il semble totalement absent en France.

Homophobie, selon lui, appartient à une famille de mots qui décrivent plutôt, justement, ce qu’on appelle précisément des phobies, soit des peurs ou craintes irrationnelles comme l’arachnophobie, l’hydrophobie, l’agoraphobie, et toute une liste parfois assez étonnante de peurs comme la paraskevidékatriaphobie. Des peurs concrètes en somme, alors que que pour homophobie (tout comme pour l’islamophobie ou la transphobie), l’emploi du mot «phobie» est utilisé au sens figuré, et non littéral. «Si les gens avaient littéralement peur des homosexuels, nous nous porterions bien mieux», souligne John Sherman. Sous-entendu: car les homophobes nous fuieraient....

C'était aussi l'argument employé par l'agence de presse Associated press, qui avait décidé en novembre 2012 de faire disparaître le terme de son manuel de style, mais dans un but apparemment différent: celui de ne pas stigmatiser les «homophobes» comme malades. «L'homophobie particulièrement, ça ne va pas. C'est attribuer une maladie mentale à quelqu'un, et ça suggère que nous avons des informations que nous n'avons pas. Ça ne semble pas correct. A la place, on utilisera des termes plus neutres: anti-gay, ou quelque chose de ce genre [...] Nous voulons être précis et justes et neutres dans notre langage.»

«La Westboro Baptist Church n’a pas peur des gays, elle les hait»

Les mots en -isme relèvent en revanche plutôt de systèmes de croyances fortement structurées, de préjugés très ancrés socialement voire d’idéologies, ce qui paraît être le cas de l’homophobie qui repose sur l’idée qu’il existe deux genres naturellement différents, avec des caractéristiques immuables, «complémentaires» et forcément hétérosexuels. Les études de genre ont cependant largement montré qu’ils étaient en grande partie historiquement et socialement construits. Des historiens, comme John Boswell, ont largement analysé la permanence de relations homosexuelles à travers les siècles. La psychanalyse a la première dégagé l’homosexualité d’une «tare» ou d’une maladie, en en faisant un choix possible, au même titre que l’hétérosexualité, opéré par le nourrisson.

En ce sens, tout comme le racisme repose sur la croyance dans des races impossibles à trouver, l’homophobie s’appuie aussi sur une fausse conception du genre et de la sexualité. «A tout le moins, le terme homophobie paraît trop faible», argumente John Sherman:

«La Westboro Baptist Church [une organisation religieuse particulièrement virulente contre le mariage homosexuel, ndlr] n’a pas peur des gays, elle les hait».  

Des alernatives: hétérosexisme ou… binarisme

Dans l’histoire sémantique, il existe un cas où une phobie a laissé la place à un -isme, ajoute le journaliste freelance: le terme négrophobie n’est plus utilisé, et on lui préfère le mot de racisme, qui possède un sens plus général. Un terme aurait pu faire office de remplaçant d’homophobie: hétérosexisme. «Mais malheureusement, il n’a jamais vraiment été adopté», regrette John Sherman, qui dès lors prône l’utilisation de «gaycisme».

On pourra cependant lui objecter d’une part que le mot gaycisme invisibilise totalement les lesbiennes. Et d’autre part que les mots racisme comme hétérosexisme ont l’avantage de pointer vers les croyances qui sous-tendent la haine des noirs (ou des autres personnes issue de la «diversité») comme la haine des homosexuels. Ce qui n’est pas le cas de gaycisme, qui renvoie purement et simplement à l’objet de la haine (les gays). Peut-être faudrait-il trouver un mot plus simple qu’hétérosexisme, mais qui renvoie tout de même au système de croyance sous-jacent, sans invisibiliser les lesbiennes. Binarisme? Lecteur, si tu as des idées, elles sont bienvenues dans les commentaires.

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