Monde

Une romancière américaine regrette de s'être opposée à la remise du prix PEN à Charlie Hebdo

Jennifer Cody Epstein, signataire de la pétition s’opposant au choix du PEN Club de remettre un prix à Charlie Hebdo, est revenue publiquement sur cet émargement hâtif.

À San Francisco, le 8 janvier 2015 | REUTERS/Stephen Lam.
À San Francisco, le 8 janvier 2015 | REUTERS/Stephen Lam.

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Free Thought Blogs, The Guardian

Le 6 mai dernier, Gérard Biard, le rédacteur en chef de Charlie Hebdo, se rendait sur scène lors d'un gala, à New York, pour recevoir le prix PEN, sous une standing ovation.

Mais si la salle semblait d'accord avec ce choix, un peu plus de 200 écrivains s'y étaient opposés en signant une lettre où ils s'en dissociaient. Dans cette lettre, publiée par The Intercept, s'ils insistaient sur la tragédie des événements du 7 janvier, ils expliquaient que pour eux, le PEN Club «ne fait pas seulement part de son soutien à la liberté d'expression [avec ce prix], mais il valorise également le sélection de contenus offensants: des contenus qui intensifient les sentiments anti-islam, anti-Maghreb et anti-arabes déjà très présents dans le monde occidental».

Aujourd'hui, l'une de ces 204 signataires estime qu'elle a eu tort de se joindre à cette plainte.

Satire

Sur son blog, Ophelia Benson a repris la lettre qu'a envoyée Jennifer Cody Epstein aux organisateurs de la pétition:

«Au cours de la dernière semaine, je me suis retrouvée à [...] me poser de nombreuses questions, et j'en suis arrivée à la conclusion que ma décision –même si elle était bien intentionnée– était mal informée et (pour être honnête) mauvaise. [...]

 

Ma conclusion découle principalement du fait que, à l'époque où j'ai signé la pétition, je crois que j'avais fondamentalement mal compris la mission et le contenu de Charlie Hebdo. Les images controversées –quoique sans doute de mauvais goût, offensantes ou même pas particulièrement bien dessinées– venaient de la satire, pas de la haine. C'est une différence cruciale et profonde: si l'on défend la liberté d'expression, il ne peut y avoir aucune réserve. [...]

 

(Je pense aussi qu'il est intéressant de noter que j'ai fait l'erreur de croire que Charlie Hebdo s'en prenait particulièrement à l'islam. Or, comme le montre Michael Moynihan dans son article du Daily Beast, le magazine a eu de plus de couvertures anti-chrétiennes qu'anti-islam dans la dernière décennie.

 

En tant qu'écrivaine, dont le travail est en grande partie fondée sur des recherches diligentes et prudentes, je suis réticente à admettre que, dans ce cas, je n'ai pas fait assez de recherches avant de mettre mon nom dans le cloud. Malheureusement, c'est la conclusion à laquelle je suis arrivée, et j'ai estimé qu'il était mieux de le faire savoir publiquement plutôt que de prétendre hypocritement que non.

 

C'est pourquoi j'aimerais que l'on supprime mon nom de la pétition, tout en vous remerciant vous et tous les autres signataires pour l'opportunité que m'a offerte votre lettre à lutter avec une question centrale –si ce n'est épineuse– qui nous touche tous en tant qu'écrivains.»

Le geste a été salué par l'écrivain Salman Rushdie, a remarqué, de son côté, le Guardian. L'auteur des Versets sataniques, qui avait défendu Charlie Hebdo face à ces accusations, estime qu'elle fait une chose honorable en admettant son erreur à propos de Charlie Hebd, et se demande si d'autres vont la suivre.

 

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