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Fuck la fête des mères: maman veut un whisky!

Laissez tomber les fleurs et les chocolats: votre mère mérite mieux. Et rien ne vous interdira de relire cet article avant la fête des pères.

REUTERS/Thomas Peter
REUTERS/Thomas Peter

Temps de lecture: 3 minutes

On va tout se dire: je voue une sainte horreur aux fêtes gravées dès les réglages usine dans mon smartphone, et suis allergique aux Journées, nationales ou inter-, décrétées en faveur d’une cause qu’on peut s’empresser d’oublier les 364 jours qui précèdent et suivent.

Oh, rassurez-vous, je n’y coupe pourtant pas. Enfant, pas eu moyen de dégoûter ma propre mère à coups de colliers de nouilles vernies– vicieusement encouragée en cela par l’institution scolaire. A l’adolescence, mon speech tout en bravitude pour en finir avec les fêtes prétendument pétainistes s’est heurté à un froncement de sourcils maternel compliqué à interpréter, qui m’a remise dès l’année suivante sur le droit chemin d’Interflora. Je ne suis pas certaine de comprendre, aujourd’hui encore, pourquoi les mères se gavent d’une journée spéciale en rab du 8 mars (youpi!), mais bon, sur un malentendu et un coup de fil le jour J, je laisse filer ce combat.

Cette année la pression est trop forte. Depuis des semaines, les communiqués s’entassent dans ma boîte mails pour signaler à mon attention ces excellents whiskies, rhums, cognacs, gins, etc, parfaits cadeaux pour la Fête… DES PÈRES. Pas. Un. Jour. Sans. Et maman? Elle boira du parfum, à en croire les mêmes emails envoyés par les bureaux de presse. Alors dimanche, réparons cette injustice. Laissez tomber les chocolats, les fleurs ou le Shalimar, et offrez du whisky à votre mère. Mieux: sortez des sentiers battus pour piocher parmi ces bouteilles méconnues qui ne vous jetteront pas sur la paille. Et pour la fête des pères? On parlera parfums.

1.L’Islander sauvage: Ardbeg Perpetuum (47,4%)

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Une envolée de tourbe saline, un tourbillon de fumée d’une classe folle qui fait voler la cendre à peine tiède, un fruité profond, une touche de résine goudronnée et comme l’ombre de sous-bois dans le lointain. Voilà pour le nez. La bouche, elle, vous claque un patin en forme d’aller simple pour l’infini. Vive et profonde, intense et mouvante, variations sur les mêmes notes. Perpetuum (après Quindecimus de Compass Box, la 2e bonne raison de ne pas abandonner le latin à l’école) est bien plus que la nouvelle édition limitée de la rebelle d’Islay: c’est l’Ardbeg qui contient tous les Ardbeg, le whisky qui lance un pont entre l’histoire et l’avenir, celui qui marque les 200 ans d’une distillerie culte. Le flacon qui réussira à vous faire pardonner tous les piteux poèmes d’enfance gravés aux crayons de couleurs sur des cartes home made au mépris de l’orthodoxie orthographique. «Bone fète, maman, je t’aimme.» [1]!

  • 90€. Exceptionnel.

2.Le Highlander revampé: Aberfeldy 12 ans (40%)

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Médaillé aux World Whisky Awards 2014, ce rejeton de Dewar’s ne manque pas de caractère sous ses manières bien élevées. Un nez très parfumé, fruité et épicé, à la rondeur miellée, et une bouche gourmande et ronde, à la vivacité d’agrumes posés sur caramel et fondus dans une pointe de tourbe. Petit bonus: il a été joliment repackagé à la rentrée dernière.

  • 31 €. Raffiné.

3.Le Viking silencieux: Scapa 16 ans (40%)

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Pépite méconnue (qui ne devrait plus le rester longtemps– mais chut!, on y reviendra) nichée dans les îles Orcades, les plus septentrionales de l’Ecosse, en terres vikings, la distillerie Scapa élabore sur sa paire d’alambic (dont un atypique Lomond) un malt doux, subtil, plein de finesse, aux arômes de tarte tatin soufflée par la bruyère, et piquée de miel et de gingembre. Pour la Fête des pères mères, on le trouve en coffret avec deux verres : avec un peu de chance, maman acceptera de trinquer avec papa. ±67€ le coffret. Subtil.

4.Le French lover: Hedgedog (45%)

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Il pourrait presque remplacer le müesli du matin. Car ce mignon hérisson (edgehog, en anglais) né dans le village éponyme à la distillerie de Monsieur Bathazar, dans l’Allier, mélange maïs bio, seigle, malt, blé et sarrazin. Vieilli en fûts de chêne français puis logé dans d’anciens tonneaux de cognac, il pointe son nez nerveux, très proche des ryes américains et séduit d’une caresse soyeuse pleine de douceur, müesli, caramel, gingembre confit sur une allonge un peu boisée. On attend avec impatience la suite, puisque ce Frenchie a été repris il y a quelque temps par un jeune homme plein d’idées.

  • 42 €. Made in France.

5.L’inconnu qui a un grain: Girvan Patent Still No.4 Apps (42 %)

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Ce N°4 vise sans complexes les jeunes et les amateurs de cocktails, pas les connaisseurs. Vous me direz, ça fait un peu cher l’appeau à scotch pour détourner maman de la vodka, et vous n’aurez pas tort: mais dans un juste combat tous les moyens sont bons. Il s’agit d’un whisky de blé (et non d’un single malt), distillé en colonne par Girvan (l’une des distilleries de Grant, avec Glenfiddich ou Balvenie), sorti de l’alambic à 94° avant réduction et vieilli en fûts de bourbon de premier remplissage. Très frais, léger, vert, herbacé, il fait fizzer les agrumes sur un fond de vanille. Parfait servi en highball (allongé d’eau pétillante sur glace topé d’une tranche de fruit) pour rafraîchir l’été ou en martini (2 mesures de Girvan pour 1 de Martini blanc, 2 traits de bitter orange) pour décoiffer mom.

  • 60€. Absolute beginner.

1 — Note à mes amies mères dingues de whisky tourbé (elles se reconnaîtront): à part envoyer des textos dirigistes à vos mômes, je ne peux pas faire plus que pointer cette bouteille en tête de liste, les filles! Retourner à l'article

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