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La belle empathie de Luz, dans la peau des frères Kouachi

Le dessinateur a représenté dans son album «Catharsis» les frères Kouachi en mioches qui se disputent pour lui prendre le crayon.

Une des planches de «Catharsis», le nouvel album de Luz | Avec l'aimable autorisation de Luz-Editions Futuropolis
Une des planches de «Catharsis», le nouvel album de Luz | Avec l'aimable autorisation de Luz-Editions Futuropolis

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Le Monde, Arrêt sur images, Libération

Cela peut apparaître comme un paradoxe au premier abord mais, pour le fin connaisseur du personnage, il n’en est rien. Luz, le dessinateur de Charlie Hebdo rescapé de la tuerie de janvier dernier, s’est tout le temps moqué de l’Église catholique. Pourtant, il applique scrupuleusement l’un de ses préceptes, si tant est que ce précepte puisse être estampillé du sceau de la religion: le pardon. «Vous avez entendu qu’il a été dit œil pour œil et dent pour dent, mais moi je vous dis de ne pas résister aux méchants, si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre!» aurait dit Jésus selon l’évangile de saint Matthieu. C’est précisément ce que fait Luz dans son album à paraître, Catharsis.

Dans le dessin ci-dessus, on voit Luz lors de sa première année à Charlie Hebdo en 1992. Il est alors âgé de 20 ans, «T-shirt rayé moche, cheveux longs et lunettes rondes, toujours puceau, et un bouc avec trois poils au menton». Il parle à deux mioches: les frères Kouachi. Attirés par le crayon, ils se disputent ensuite pour prendre la place du dessinateur.

«Popopo! On va pas se bastonner pour un dessin, les enfants!»

Finalement, ce n’était donc que ça… Une chamaillerie de gosses. «Nous avons tous été des dessinateurs de petits bonshommes durant notre enfance, nous avons tous griffonné sur des bouts de papier. Cette idée de l’innocence qui est en chacun de nous, y compris chez les gens qui nous ont tués (sic), m’obsède», explique Luz dans une interview au Monde.

«Ex-enfant»

Le futur ex de Charlie Hebdo, qui vient d’annoncer qu’il allait quitter le journal en septembre, en vient même à imaginer, avec une quasi tendresse pour les tueurs, avoir croisé les assassins de ses amis dans une intervention scolaire…

Dans le premier numéro post-attentat, le «numéro vert» comme il l'appelle, le caricaturiste était déjà revenu sur cette idée «d'ex-enfant» qu'on a tous été tueurs y compris.

«Quand on est gosse, on dessine tous des petits bonhommes rigolos pour comprendre le monde bizarre des adultes et sonder le sien. On a tous été des gosses, on a tous dessiné un jour

Amor fati: la mansuétude de Luz est aussi christique que nietzschéenne. Un exemple rare dans une époque qui aime à demander des comptes, des sanctions. «Luz ne dessinera plus Mahomet», commente quant à lui Daniel Schneidermann, mais cette «désertion» est une «victoire sur soi» et un «courage» bien plus grand que celui de dessiner Mahomet.

Bientôt donc, Luz ne sera plus Charlie Hebdo, mais il sera toujours Charlie. «Quand je vois ma tronche sur Internet pour illustrer n’importe quel sujet, [...] je me regarde et je me dis: encore lui? Je me saoule de ma présence médiatique autant que je saoule les autres», se désole-t-il dans une (autre) interview à Libération, lassé de ce «faux kaléidoscope de [lui]-même». S’il quitte le navire, explique-t-il au fond, c’est pour rester l’enfant qu’il redevient lorsqu’il dessine et qu’il ne parvient plus à retrouver sous cette pression médiatique.

Luz a peut-être perdu l'innocence, il n’écrira plus jamais, comme il le dit, «avec de l’encre sympathique». Mais une chose est sûre, il n’a pas perdu l’empathie.

 
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