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Marc Marquez et Valentino Rossi dans un match entre la fougue et l'expérience

Au Mans, Marc Marquez tentera de reprendre l'ascendant face à Valentino Rossi lors du Grand Prix de France. Un duel entre vitesse et endurance.

Marc Marquez et Valentiono Rossi, le 9 novembre 2014 Cheste. REUTERS/Heino Kalis
Marc Marquez et Valentiono Rossi, le 9 novembre 2014 Cheste. REUTERS/Heino Kalis

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D'une saison à l'autre, le Championnat du monde du MotoGP, la catégorie reine appelée 500m3 jusqu'en 2002, est loin de montrer le même visage.

En 2014, le jeune prodige espagnol Marc Marquez, âgé de 22 ans, avait écrasé la compétition en remportant les dix premières courses de l'année pour s'offrir, dans la facilité, un deuxième titre mondial agrémenté de 13 victoires en 18 Grands Prix –un record.

En 2015, après quatre courses, c'est un «jeune homme» de 36 ans, Valentino Rossi, qui mène la danse au Championnat du monde à la faveur de deux succès, au Qatar et en Argentine, alors que se court le Grand Prix de France, dimanche 17 mai, sur la piste Bugatti du Mans. Marc Marquez a dû, lui, se contenter d'un triomphe au Grand Prix des Amériques et entend bien reprendre l'ascendant dans la Sarthe en dépit d'une récente blessure à la main.

Le souvenir du Grand Prix d'Argentine

Marc Marquez-Valentino Rossi, le duel de générations ne manque pas de sel au-delà des rivalités historiques de leurs constructeurs, Honda (Marquez) et Yamaha (Rossi), et de leurs deux pays dans cette discipline à la fois espagnole et italienne au regard des palmarès en moto. Et il a été déjà fortement épicé lors du Grand Prix d'Argentine, le 18 avril.

Tandis qu'il pensait avoir course gagnée, Marc Marquez a vu Valentino Rossi revenir dans son sillage jusqu'à être dépassé dans les derniers kilomètres. Touché dans son orgueil, Marquez, déjà sorti de la piste au Grand Prix du Qatar, a alors pris tous les risques, mais s'est mis à la faute et a fini par chuter et par laisser le Transalpin filer vers la 84e victoire de sa carrière en MotoGP.

«Valentino est Valentino et j'ai toujours dit qu'il était mon idole et ma référence, a commenté le Catalan, un peu vexé. On apprend toujours de lui.»


A 36 ans, Valentino Rossi, personnage charismatique et historique de la moto, vice-champion du monde derrière Marquez en 2014 grâce à deux succès à Saint-Marin et en Australie, en a encore sous la pédale et son métier, qui lui a permis de piéger Marquez avec un soupçon de ruse voire de vice en Argentine, est sans limites.

Les enjeux

Peut-il décrocher un huitième titre de champion du monde dans la catégorie reine (six en MotoGP et un en 500) et égaler ainsi Giacomo Agostini? A-t-il les moyens de s'imposer six ans après son dernier sacre et aux dépens de celui qui pourrait à l'avenir menacer ses records tant Marquez, plus jeune champion du monde de l'histoire en MotoGP à 20 ans en 2013, est un pilote très pressé? Peut-être avec, pour Rossi, d'autres objectifs chiffrés puisqu'il cherche un 10e titre de champion du monde toutes catégories confondues (il a été couronné en 125cm3 en 1997 et en 250cm3 en 1999) et vise la marque record de Giacomo Agostini, vainqueur d'un total de 122 Grands Prix quand Valentino Rossi en est déjà à 110 au gré des catégories.

Marc Marquez, plus jeune vainqueur d'un Grand Prix en MotoGP à 20 ans et 63 jours (record de Freddie Spencer datant de 1982 effacé des tablettes), premier «rookie» à devenir champion du monde depuis Kenny Roberts en 1978 et qui pourrait être le premier pilote auréolé de trois titres consécutifs lors de ses trois premières saisons en MotoGP depuis le même Kenny Roberts (1978-1979-1980), opposera, toutefois, la fringale dévorante de sa jeunesse à l'appétit endurant de son «vieux» rival.

Après une saison trop écrasée par la supériorité de Marc Marquez, à la tête déjà de quatre titres mondiaux puisqu'il s'est imposé aussi en 125cm3 en 2010 et en Moto2 (ex-250 cm3) en 2012, Michel Turco, journaliste à Moto-Revue et qui couvre tous les Grands Prix à travers le monde, se réjouit de cette redistribution des cartes et de l'avènement de ce match attendu au sommet, mais préfère relativiser les quatre premières courses de cette saison 2015.

«D'un côté, Rossi a eu tout pour lui quand, de l'autre, Marquez a eu un peu de malchance sur une moto plus difficile à piloter que celle de l'Italien, souligne-t-il. En finissant deuxième du dernier Grand Prix d'Espagne derrière Jorge Lorenzo et malgré sa main cassée, Marquez a tout de même montré qu'il restait l'homme à battre

Le même amour de la moto

Il n'empêche... Comme en surf avec Kelly Slater, toujours fringant en dépit de ses 43 ans, Valentino Rossi, qui entend poursuivre son aventure sportive jusqu'à la quarantaine, s'est remis sur la trajectoire idéale après notamment deux saisons délicates chez Ducati, en 2011 et 2012, et il sera difficile de l'en faire dériver.

«Ce qui fait la différence, c'est votre motivation, a dit celui qui porte éternellement le n°46 sur sa moto lors du récent Grand Prix d'Espagne dans des propos relayés par l'AFP. Evidemment, on peut préférer rester à la maison, sans prise de risques, mais j'aime beaucoup la course et la vie que je mène à travers le monde avec mon équipe. La victoire a toujours un goût aussi particulier. C'est un plaisir de se battre pour la décrocher.»

Comparer Rossi et Marquez, c'est un peu placer deux hommes devant le même miroir à quinze ans d'intervalle. L'un et l'autre vivent la moto avec la même fièvre, la même rage de la perfection, et évoluent avec bonheur dans leur milieu comme des poissons (pilotes) dans l'eau à la différence d'anciens champions du monde comme l'Australien Casey Stoner et l'Américain Freddie Spencer qui ont écourté leurs carrières respectives parce qu'ils n'étaient pas prêts à tout sacrifier à la moto. Les très expressifs Rossi et Marquez, toujours aimables l'un envers l'autre, font partie de la même «famille» dans une discipline qu'ils ont contribué et contribuent à faire évoluer. Mais Rossi reste la figure tutélaire des paddocks. «Il contrôle tout alors que c'est le système qui continue de contrôler Marquez», juge Michel Turco.

Stylistiquement, Rossi est plus classique dans sa manière de piloter que Marquez qui se déhanche beaucoup sur sa moto, mais le jeune Espagnol, qui est «entre le danseur de ballet et le lutteur» selon les mots d'un journaliste britannique, fait école. Son incomparable sens de l'équilibre lui permet ainsi de «poser» ses coudes dans les virages des circuits.

«Tous les très grand pilotes apportent quelque chose à la moto en termes de nouveauté et Marquez n’échappe pas à la règle et au gré des avancées technologiques du matériel, estime Philippe Monneret, ancien vainqueur des 24h du Mans moto et longtemps consultant pour Eurosport. Et ce qui est extraordinaire, c’est que Rossi, malgré tous ses lauriers, a appris un nouveau style de pilotage pour le contrer.»

Preuve de sa soif de connaissance et de son envie de demeurer au sommet, Valentino Rossi a fini, en effet, par «copier» Marquez. «Je me penche maintenant plus à l'extérieur de la moto afin de moins contraindre les pneus sur l'angle maximal, avait-il admis en 2014. Un peu comme Marc le fait, mais pas pareil parce que mes jambes sont trop longues pour cela.» (NDLR: Marquez mesure 1,68m pour 59kg et Rossi 1,82m pour 67kg)

Dans cette lutte entre les anciens et les modernes, la marge est étroite comme sur le fil d'un rasoir d'une course où une touchette, comme en Argentine, peut faire basculer un Grand Prix. Rossi aime le circuit du Mans, Marquez un peu moins, mais les deux ont une obsession commune qui les oppose frontalement en dépit de leurs relations courtoises: la première place. «Rossi sait que Marquez est son successeur et il s’éclate à lui compliquer la tâche», sourit Philippe Monneret.

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