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Classement des dictateurs: Nazarbaïev reprend la première place

Réélus le week-end dernier à la tête de leur pays respectif, le président du Kazakhstan et son collègue du Soudan Omar El-Béchir font partie du club fermé des chefs d'Etat élus avec plus de 90% des voix.

Noursoultan Nazarbaïev, le 27 avril 2015. REUTERS/Mukhtar Kholdorbekov.
Noursoultan Nazarbaïev, le 27 avril 2015. REUTERS/Mukhtar Kholdorbekov.

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Dimanche 26 avril, deux dirigeants ont été réélus à la tête de leur pays avec des scores écrasants: le Soudanais Omar Al-Béchir et le Kazakh Noursoultan Nazarbaïev. Mais quels sont les chefs d'Etat les mieux élus du monde? Petit top 10.

10.Idriss Déby (Tchad)88,7%

En 2011, Idriss Déby a été réélu pour un quatrième mandat de président du Tchad dans un fauteuil, avec 88,7% des suffrages exprimés. Le secret de la longévité de cet ancien pilote de l’armée dans les hautes sphères du pouvoir tient justement à la chose militaire. Les troupes tchadiennes, fortes de 70.000 hommes et bien équipées, font figure de première puissance africaine en ce domaine. Le Tchad est d’ailleurs régulièrement mis à contribution en tant que gendarme de l'Afrique, comme récemment au Mali ou encore en Centrafrique. Si Déby est encore là, c’est aussi grâce à la France, grâce à qui il a échappé à un renversement en 2005 et 2006. Les prochaines élections auront lieu en avril 2016. Idriss Déby n’a pas encore annoncé ses intentions.

9.Bachar el-Assad (Syrie)88,7%

En juin 2014, au beau milieu d’une guerre civile très meurtrière qui a déjà fait plus de 210.000 morts selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, s’est tenu un spectacle surréaliste en Syrie: la tenue d’une élection présidentielle. Sans surprise, Bachar el-Assad l’a remporté avec 88,7% des votes. Le fils d’Hafez el-Assad, lui-même dictateur de la Syrie de 1971 à sa mort en 2000, a défait une opposition composée de deux candidats qui n’ont pu faire mieux que 7,5% cumulés. En 2007, il avait déjà été reconduit dans ses fonctions à l’issue d’un simple référendum: 97% des votants avaient prolongé son mandat de sept ans. Personne ne peut prévoir où la Syrie et Bachar el-Assad en seront en 2021.

8.Islom Karimov (Ouzbékistan)90,39%

Belle remontée cette année pour Islom Karimov qui, réélu en 2007 avec «seulement» 88% des voix, n’arrivait que dixième dans notre classement précédent. Cet homme, qui a dirigé la république socialiste et soviétique d’Ouzbékistan en 1990 avant de prendre en main les rênes de l’Ouzbékistan indépendant après 1991, a passé son enfance dans un orphelinat.

Un tableau qui n’a pas attendri l’OSCE en 2015 au moment de sa large victoire avec plus de 90% des voix. Ses observateurs ont dénoncé les limitations imposées aux médias dans la couverture de la campagne, mesures qui ont apporté un «clair avantage au candidat sortant». Ils s'en sont aussi pris à la candidature même de Karimov, car la Constitution ouzbèke plafonne normalement à deux le nombre de mandats à la tête de l’Etat.

7.Pierre N'Kurunziza (Burundi)91,6%

Le 26 avril, des troubles à Bujumbura, la capitale du Burundi, ont fait trois morts. La raison de la manifestation? La volonté du président Pierre N’Kurunziza de se lancer pour la troisième fois à l’assaut de la fonction présidentielle. Inconstitutionnel, selon ses opposants, et une transgression des accords d’Arusha, qui avaient permis de clore la longue guerre civile burundaise.

Si les choses s’enveniment, la tenue du scrutin, fixée a priori au 26 juin 2015, pourrait être menacée. Lors de la précédente élection, en 2010, l’ancien prof de sports avait recueilli 91,6% des voix. La participation, elle, s’était établie autour de 76% des votants. Des chiffres à faire pâlir d’envie n’importe quel homme politique… sauf que, cette année-là, N’Kurunziza était le seul et unique candidat. A noter qu’il est le chef de file d’un parti baptisé le Conseil national de défense de la démocratie-Forces de la démocratie (CNDD-FDD).

6.Paul Kagamé (Rwanda)93%

En 2000, le vice-président Paul Kagamé, de la communauté tutsie, parvient au sommet d’un Etat meurtri par le souvenir du génocide perpétré par les Hutus. C’est d’abord le Parlement qui l’élève à la magistrature suprême, avant qu'il ne reçoive l’onction du peuple trois ans plus tard avec 95% des voix. En 2010, il est réélu avec 93% des suffrages enregistrés.

Depuis, il mène plus que jamais le Rwanda d’une main de fer. Les dernières élections législatives ont d’ailleurs été marquées par de nombreuses pressions sur l’opposition. En 2017, il pourrait bien (tenter de) rempiler, si l’on en croit Courrier international.

5.Omar El-Béchir (Soudan)94,5%

Omar El-Béchir a pu se friser la moustache au matin du 27 avril en entendant le chef de la commission électorale annoncer: «Le nombre de voix obtenues par le candidat Omar Hassan Ahmed Al-Béchir, du Parti du Congrès national, est de 5.252.478, soit 94,5%.» Le dirigeant de 72 ans, à la tête du Soudan depuis 26 ans et le putsch de 1989, peut donc se maintenir au pouvoir.

Mais l’ancien général triomphe sans gloire tant il a vaincu sans péril. En face de lui, pas moins de treize candidats, c’est vrai, mais tous quasiment inconnus, les leaders de l’opposition ayant préféré se retirer en signe de protestation. Les chancelleries occidentales avaient critiqué le scrutin, estimant nulles ses chances de s’avérer démocratique. Des critiques que Béchir a balayées d’un revers de main comme des propos «colonialistes». L’homme est sous le coup d’une instruction internationale pour les massacres du Darfour.

4.Teodoro Obiang Nguema Mbasogo (Guinée Equatoriale)95,4%

En trente-six ans, Mbasogo ne s’est toujours pas dégoûté du pouvoir. En 2009, il a même été réélu en Guinée-Equatoriale avec le très beau score de 95,4%. C’est toutefois moins que son précédent succès avec 97% des voix.

L’ONG Humans Rights Watch, elle, prête surtout attention au cas de tortures en prison et de disparitions commodes d’opposants. Jeune homme, le futur dictateur s’était initié au maniement des armes en Espagne. A la tête des troupes de la Guinée Equatoriale dans les années 70, il renverse son oncle en 1979. Pourtant, Teodoro Obiang Nguema Mbasogo a le sens de la famille. Sa mauvaise santé le force à penser à la suite, et la suite, ce pourrait bien être son fils Teodoro Obiang Nguema Mangué, actuellement deuxième vice-président du pays.

3.Abdel Fattah al-Sissi (Egypte)96,9%

96,9% des suffrages validés, forcément, ça force le respect. Mais si on se penche plus attentivement sur la victoire du militaire égyptien qui a renversé le président démocratiquement élu, Mohammed Morsi, en juillet 2013, on s’expose à une déception. Seulement 46% des Egyptiens se sont déplacés jusqu'à leur bureau de vote en mai 2014.

Il faut croire que les électeurs du candidat des Frères musulmans, désormais emprisonné, n’ont pas cru au caractère démocratique de la démarche. Mais qu’on se rassure, le maréchal Abdel Fattah est «pour la démocratie, mais pas pour l’instant», comme il l’aurait confié au président de la République François Hollande il y a quelques mois.

2.Gurbuganly Berdimuhamedow (Turkménistan)97,14%

Vous ne le connaissiez peut-être pas, mais il arrive pourtant en deuxième position de ce palmarès: le turkmène Gurbuganly Berdimuhamedow, réélu avec 97,14% des voix en 2012. Le personnage a un côté éminemment flamboyant. Il a même pris, en 2010, le titre officiel d’«Arkadag», c’est-à-dire de protecteur de la nation. En 2011, ne reculant devant aucune outrance, il a également inauguré un «Palais du Bonheur» de 60.000m2 à sa gloire. 

1.Noursoultan Nazarbaïev (Kazakhstan)97,7%

Nazarbaïev ressemble à ses confrères chefs d’Etat du Caucase. Il a fait ses gammes dans les officines du parti communiste local quand l’URSS jetait ses derniers feux, a lui-même conduit la transition politique à la chute de celle-ci et n’a pas lâché le pouvoir depuis.

Il vient même d’être réélu à la présidence du Kazakhstan le 26 avril avec près de 98% des voix, lors d'un scrutin marqué par une forte participation (95%). A 74 ans, il a promis au peuple kazakh de garantir la stabilité sociale et la prospérité économique d’un pays dont la fortune est fondée sur le pétrole. Depuis l’indépendance, le Kazakhstan a réussi à s’assurer de forts revenus sur cette base mais cette année, la croissance a été ralentie par la faiblesse du rouble du grand voisin russe. Ce qui n'empêche pas que Nazarbaïev ait réussi à faire encore mieux que son score de 95,5% obtenu en 2011.

En 2011 comme en 2015, les experts européens ont critiqué les modalités du scrutin. Des reproches qui glissent sur la peau de l’animal, si on en juge par ce tweet du journaliste du New York Times Andrew Roth:

Ne font pas partie de ce classement les monarchies, les pays où le président est élu par le Parlement et ceux où il est élu par le parti au pouvoir. Les chiffres sont extraits de la base de données électorale ElectionGuide.

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