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Vous n'êtes pas intéressés par les JO de Sotchi? À défaut, vous pouvez vous rabattre sur le cinéma, car le septième art s’est inspiré des sports d’hiver et des compétitions olympiques pour tisser des drames, des comédies ou des romances.
Si les films prenant place dans les stations de sports d’hiver sont légion (Les Bronzés font du ski, La Première étoile ou plus récemment Avalanche Sharks), le monde olympique est cependant moins présent sur grand écran. Les décors, les cascades, le besoin de figurants et les négociations avec le comité olympique pour avoir le droit d’utiliser le sigle sont autant de raisons qui freinent sans doute les productions.
Mais la rareté n’étant pas l’ennemie de la qualité, les pépites cinématographiques citées ici ont réussi à dramatiser (ou à «humoriser») ce monde clos, si médiatisé et pourtant si mystérieux. Retour sur ces olympiades cinématographiques, réelles ou imaginaires, de Grenoble à Montréal, par ordre chronologique de sortie des films en salle.
Grenoble 1968: La Descente infernale
Sorti en 1969, La Descente infernale (Downhill Racer) met en scène David Chappellet (Robert Redford), jeune recrue de l’équipe américaine de ski, tête brûlée égoïste mais skieur talentueux, choisi pour représenter son pays lors des JO de Grenoble.
Initialement porté par Roman Polanski, le projet échoit à Michael Ritchie (qui réalisera Votez McKay en 1972), le Polonais étant impliqué dans la pré-production de son premier film hollywoodien, Rosemary’s Baby. Déclinant l’offre de Polanski de tenir le rôle principal de ce long-métrage pour s’impliquer dans La Descente infernale, Redford décide de suivre l’équipe américaine lors des JO de Grenoble afin de s’imprégner au mieux de l’ambiance des courses et des conditions de vie des sportifs.
S’étalant sur les mois qui précèdent le début des JO (diverses sélections, nationales et internationales, pour obtenir le sésame olympique), le film ne s’éternise pas sur la psychologie du héros, préférant les ellipses et les non-dits –ses relations avec son père et sa petite amie sont lapidaires– pour se concentrer sur une mise en scène de la glisse impressionnante pour l’époque. La caméra embarquée (on imagine la lourdeur du dispositif, pourtant invisible à l’écran à une époque où la GoPro n’existait pas encore) fait qu'on attend fébrilement le début des épreuves afin de pouvoir dévaler les pistes avec les compétiteurs.
Si on assiste à de nombreuses courses intermédiaires, on comprend que tous les efforts de l’équipe sont tournés vers les JO, point d’orgue de La Descente Infernale —des images d’archives, mêlées à des prises de vue des acteurs, sont d'ailleurs présente lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux.
Finalement médaillé d’or de la descente masculine, David Chappellet n’aura pas droit à son podium, à la remise du trophée ni à l’hymne américain, le réalisateur ayant préféré clore son film sur la chute du dernier adversaire sérieux du skieur. Pas de cérémonial ni de patriotisme donc, mais se dégage du premier film de Ritchie une maîtrise de l’image sportive, immersive et redoutablement impressionnante.
Calgary 1988/Albertville 1992: Le Feu sur la glace
Dans les années 1990, le traitement dramatique des JO périclite un poil au profit d’une nouvelle veine: la comédie romantique. Ainsi, en 1992, Paul Michael Glaser (le Starsky de la série seventies à succès) passe pour la troisième fois de l’autre côté de la caméra et réalise Le Feu sur la glace (The Cutting Edge), sur la collaboration improbable entre une patineuse artistique détestable qui vire tous ses partenaires et un hockeyeur inapte à jouer après un accident.
Si le film débute lors des JO de Calgary (1988) où le personnage masculin est blessé, il se concentre sur la préparation du couple pour les JO suivants, à savoir les Jeux d’Albertville (1992). À la différence de La Descente infernale, qui ne montrait que la cérémonie d’ouverture et le défilé des athlètes, Le Feu sur la glace passe par toutes les figures imposées olympiques. La flamme a bien évidemment son plan, les affiches de Calgary et d’Albertville (ainsi que les logos de chacun) sont en bonne place aussi. Quant aux cinq anneaux, symbole de la célébration mondiale du sport, ils squattent quasiment toutes les séquences.
Années 1980/1990 obligent, le duel final oppose le couple américain (amoureux, cela va de soi) au duo russe (le pays rafleur de médailles toutes disciplines confondues), même si cette confrontation, contrairement à ce qui se passe dans d'autres films, n’a aucune signification politique.
Alors qu’on s’attendrait à une fin victorieuse (du sport et de l’amour), le film laisse le spectateur sur sa faim, proposant l’ultime baiser des amoureux comme conclusion. Gagnent-ils la médaille d’or? Personne ne le saura. Encore une fois, le podium et les hymnes sont occultés.
Calgary 1988: Rasta Rockett
L’année suivante, le cinéma reste à Calgary pour une autre comédie olympique, sans la romance cette fois. Avec Rasta Rockett (Cool Runnings), on suit le parcours héroïque de l’équipe jamaïquaine de bobsleigh.
Ratant de peu sa sélection en équipe nationale d’athlétisme, Derice est désespéré, jusqu’à ce qu’il découvre qu’il peut réaliser son rêve (gagner une médaille d’or olympique) en changeant de discipline. Il embringue trois amis à lui et, chapeautée par un Américain retraité sur l’île, ancien médaillé de bobsleigh, la joyeuse bande de rastas met les voiles vers Calgary.
Produit par Disney, qui a du sentir la bonne affaire dans cette histoire vraie, Rasta Rockett joue à fond sur l’incongruité de la situation (des Caribéens s’adonnant à un sport nordique) et l’exotisme des quatre personnages dans un monde sportif majoritairement blanc. Leurs dreadlocks, leur peur du froid et leurs bonnets multicolores sont autant d’occasions de souligner leurs différences, et le gouffre culturel entre eux et les habitués des JO de produire le rire.
Malgré quelques libertés prises quant à la réalité factuelle de l’épopée jamaïquaine, le film se clôt sur la défaite de l’équipe et le panache qu’ils y ont mis. Alors que leur bobsleigh se retourne dans le dernier virage, signant leur élimination, ils se relèvent et, fièrement, portent l’engin sur leurs épaules jusqu’à la ligne d’arrivée toute proche.
Liesse en Jamaïque et à Calgary car, si échec il y a, il demeure sportif: l’esprit olympique (l'important c’est de participer) et la foi incroyable qu’ils ont mis à défendre leur rêve emportent le morceau. Cette fois, c’est le rêve olympique qui est donc mis en scène, rendant célèbre par la même occasion ce sport jusque là peu médiatisé.
Lake Placid 1980: Miracle
En 2004, alors que se préparent les JO de Turin, Hollywood tourne son regard vers un des exploits les plus marquants de l’histoire du sport américain, la victoire des hockeyeurs face à la redoutable équipe russe en 1980 à Lake Placid, le «Miracle sur la glace». Dans Miracle de Gavin O’Connor, Kurt Russell campe l’entraineur américain qui a transfiguré l’équipe nationale de hockey, plutôt habituée à jouer les seconds rôles.
Encore une fois produit par Disney, qui a l’air d’apprécier les histoires vraies ayant trait à l’univers olympique, le film propose une chronique des huit mois qui ont précédé l’ouverture de ces XXIIIe jeux d’hiver jusqu’à la victoire.
Si l’environnement olympique se révèle omniprésent dans la dernière partie de Miracle (flamme olympique, logo, affiches, retransmissions télé, podium et hymne!), le film met surtout en scène la bataille symbolique que se livraient alors l’Ouest et l’Est.
Dès le générique, où apparaissent pêle-mêle Nixon, Carter ou Apollo 17 (référents culturels forts pour les Etats-Unis), on comprend l’importance du contexte politique. Et cet angle ne se dément pas tout au long du film, à travers des flashs info relatant la prise d’otages de l’ambassade américaine de Téhéran, des banderoles exhortant l’URSS à quitter l’Afghanistan ou encore la présence d’un message radiophonique de Jimmy Carter, alors président.
Miracle met ainsi le doigt sur l’importance géopolitique des JO et l’enjeu stratégique d’une victoire contre les Russes. Après la bataille spatiale, la victoire des hockeyeurs aux JO de Calgary a une fois de plus souligné la suprématie américaine. La guerre froide aujourd’hui enterrée, la confrontation États-Unis/Russie des JO de Sotchi aura sans doute un goût moins patriotique, mais la dimension symbolique est encore de mise.
Montréal: Les Rois du patin
Une fois n’est pas coutume, c’est à des Jeux olympiques imaginaires que nous convient Les Rois du patin (Blades of Glory) en 2007.
Produit par Ben Stiller, le film se veut une pochade comique sur l’univers du patinage artistique. On y suit le parcours de Charles «Chazz» Michael Michaels (Will Ferrell) et James «Jimmy» MacElroy (Jon Eder), ennemis jurés en patinage individuel, qui, à la suite d’une altercation qui les bannit à jamais des patinoires, décident d’unir leurs forces et de se présenter aux compétitions en couple.
Jouant sur tous les préjugés accolés à ce sport (costumes ridicules, musique vieillotte, manque de virilité…), Les Rois du patin enchaîne des séquences absurdes et hilarantes où les portés deviennent sujets à controverses homosexuelles. Le foutage de gueule généralisé autour du patinage explique sans doute l’absence du sigle olympique (les anneaux entrecroisés remplacés par un symbole étrange) et l’invention de la ville hôtesse (Montréal), le comité olympique n’ayant peut-être pas suffisamment d’humour.
N’en demeure pas moins que le long-métrage aligne les scènes indispensables à tout film olympique (scènes sportives, flamme, remise des médailles et montée sur le podium) mais sur le mode comique. Tout y est exagéré (principalement les costumes) et inconcevable, comme la figure finale de la présentation du duo, la danse du lotus, qui s’est soldée par une décapitation lors d’une précédente tentative en Corée du Nord (!)
Bonus: Cortina d’Ampezzo et Rien que pour vos yeux
Un top olympique ne serait pas complet sans la présence de l’espion le plus sportif de sa Majesté: James Bond. Si Rien que pour vos yeux (1981) ne se déroule pas lors d’une compétition olympique, le héros y dispute en moins de neuf minutes la plupart des épreuves possibles.
Alors qu’il skie tranquillement à Cortina d’Ampezzo, petit village italien qui a accueilli les JO en 1956 et bénéficie donc de toutes les installations, 007 est canardé par un tireur de biathlon. Ni une, ni deux, il échappe à son poursuivant en slalomant comme un champion entre les sapins, emprunte un téléphérique pour rejoindre la piste de saut à ski et exécute une prestation impeccable. Mais toujours chassé (par des hommes à moto cette fois), il termine sa course dans un couloir de bobsleigh, ski aux pieds. Alors qu’il se pense hors de danger, il retrouve une amie à la patinoire et doit en découdre avec des hockeyeurs.
Après le succès médiatique des JO de Lake Placid (1980), les producteurs de James Bond se sont dit qu’il serait de bon ton de surfer sur cet intérêt en incluant des scènes de sports d’hiver dans le nouvel épisode. D’où cette virevoltante séquence où James se fait les JO tout seul, comme un grand. Une des caractéristiques des films de Bond (les cascades) trouve ici son expression parfaite. Et olympique!
Ursula Michel