Pour le quatrième épisode de sa websérie Voir la vie autrement, Tediber reçoit sur son matelas Félix et Marin Toqué, deux frères dont les phrases, drôles, poétiques et colorées, égayent les rues de la capitale et de ses banlieues.
Poètes typographes
Nantais d’origine et parisiens d’adoption, les frères Toqué ont, en quelques années, imposé sur les murs de la capitale leurs messages à la typographie teintée de poésie. Tagueur durant son adolescence, l’aîné Félix range ses bombes de peinture à la fin du lycée.
Mais la découverte des fresques murales de Diego Rivera à Mexico réactive le virus du Street Art. Après quelques années comme éducateur, le jeune homme, arrivé à Paris, ressort ses pinceaux et embarque alors Marin, son jeune frère, diplômé des Beaux-Arts et étudiant à l’école de Condé, dans ses pérégrinations parisiennes.
Citations, maximes, jeux de mots, les phrases que la fratrie essaime dans la capitale sont un excellent remède à la grisaille et à la morosité. «Ils vécurent enfants et eurent beaucoup d’heureux», «il n’y a pas de problème, seulement des solutions» ou «si tu te sens belle alors t’es toi» sont autant de petites bouteilles jetées à la mer.
Eclectisme géographique
Des messages qui égayent aussi bien des devantures de magasins que des points de collecte de vêtements, la rue Davy dans le dix-septième arrondissement, la cité des 4000 à La Courneuve, la place du Colonel Fabien ou encore le canal Saint-Martin et le quartier République. D’arrondissements en arrondissements, de Paris à sa banlieue, les Toqué colonisent gaiement, avec leur bonne humeur communicative, une multitude de lieux.
Cet éclectisme géographique démontre l’envie farouche des frangins de se réapproprier l’espace urbain quel qu’il soit, de l’embellir, de le colorer et de le positiver. En rendant l’art accessible à tous, en transformant chaque espace qu’ils traversent en cour de récréation, ils inventent une nouvelle forme d’acte politique : créatif, joyeux et éminemment positif.
Un art social
Si les Toqué aiment tagguer les murs de Paris et de sa banlieue, leur démarche ne se résume pas à un exercice artistique solitaire et autocentré. Impliquer les habitants des quartiers qu’ils ravivent est pour eux une évidence et une obligation morale. Inviter les passants à tenir les pinceaux, discuter avec les résidents pour faire aboutir ensemble un projet de fresque, tels sont leurs objectifs.
Cette revalorisation esthétique des espaces où l’art, la couleur et la légèreté sont souvent absents, réinjecte un peu de beauté là où elle s’étiole et de la fierté dans les yeux de ceux qui en sont les témoins.
«La beauté sauvera le monde» disait Dostoïevski dans L’Idiot. Les frères Toqué essaient à leur manière de réaliser cet optimiste programme.