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Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected].
Les spéculations sur la santé vacillante de Vladimir Poutine ne sont pas nouvelles. Cancer, opérations, longues absences... Depuis le début de la guerre en Ukraine, ces rumeurs –pour l'heure invérifiables– sont reparties de plus belle. Une seule chose est sûre: le chef d'État russe de 69 ans passera un jour l'arme à gauche, comme tout le monde.
Jusqu'ici, rien de bien anormal. Sauf que contrairement à ce qui serait le cas pour tout un chacun, sa mort aura de multiples conséquences en Russie, mais aussi à l'international –surtout si elle survenait brusquement aujourd'hui. Tout le monde n'a pas la lourde responsabilité d'une guerre sur les épaules.
De l'invasion de l'Ukraine à l'isolement du pays, la gestion des brûlants dossiers que Poutine laissera derrière lui au moment de sa mort reviendrait alors à son successeur. Un successeur dont on peut d'ores et déjà esquisser l'identité.
Un Premier ministre... et un favori
«Je préfère ne pas répondre à de telles questions», avait lancé le chef du Kremlin en octobre 2021 au sujet de son éventuel dauphin. Et pour cause: si sa santé ne lui fait pas défaut, le dirigeant russe pourrait bien rester au pouvoir jusqu'en 2036, grâce à une loi récemment adoptée lui permettant d'effectuer encore deux autres mandats supplémentaires. Un scénario qu'une lourde maladie contraignante, ou même la mort, ne pourrait que chambouler. Dans ce cas, la Constitution du pays prendrait alors le relais.
Deux scénarios sont prévus. Si Vladimir Poutine venait à être temporairement empêché de diriger, l'article 92 de la Constitution russe prévoit que l'intérim serait alors assuré par le Premier ministre –en temps de paix comme en temps de guerre. Dans le cas d'un empêchement permanent du président, le Premier ministre assurerait là encore l'intérim, mais pour une durée de trois mois maximum, laps de temps durant lequel des élections pour élire le nouveau chef d'État devraient être organisées.
Dans les deux cas de figure, c'est donc le Premier ministre de la Fédération de Russie qui se verrait pour un temps propulsé sur le devant de la scène. En l'occurrence, il s'agit aujourd'hui de Mikhaïl Michoustine, à ce poste depuis janvier 2020. Assez pour faire de lui le véritable dauphin de Vladimir Poutine sur le long terme? Pas vraiment.
Bien que l'homme de 56 ans bénéficie d'une belle cote de popularité auprès des Russes, cela ne fait pas de lui le «successeur» désigné, estime dans un thread Twitter Anna Colin Lebedev, spécialiste des sociétés post-soviétiques (Russie, Biélorussie, Ukraine) et maîtresse de conférences en sciences politiques à l'université Paris-Nanterre.
Mikhaïl Michoustine ne disposerait en effet pas d'une réelle base dans le pouvoir politique, complète The Daily Mirror. Sans ambition, sans véritable pouvoir et quelque peu éloigné du cercle des militaires, il ne serait ainsi pas en mesure d'être le futur homme fort du pays, conclut le quotidien britannique. Du moins, comparé à un autre politique russe et véritable bras droit de Poutine: Nikolaï Patrouchev.
Patrouchev en embuscade
C'est un nom qui est régulièrement évoqué pour la succession naturelle de Vladimir Poutine. Nikolaï Patrouchev, l'actuel secrétaire du Conseil de sécurité russe, a en effet de sérieux atouts qui jouent en sa faveur.
Il jouit tout d'abord d'une excellente complicité avec le chef d'État. Né la même année, dans la même ville (Saint-Pétersbourg, alors appelée Leningrad), Patrouchev a suivi les mêmes études que Poutine et est lui aussi passé par la case KGB, les services de renseignement de l'URSS post-stalinienne. Outre ces troublantes ressemblances, ils partagent surtout une même vision: celle de la place prépondérante que la Russie doit occuper dans le monde, notamment face à Washington et au bloc occidental.
Avec autant d'atomes crochus, il n'y a rien d'étonnant à voir le secrétaire du Conseil de sécurité s'imposer depuis plusieurs années comme le principal conseiller du président, aux côtés d'une autre figure, Sergueï Choïgou, le ministre russe de la Défense. Les deux hommes auraient ainsi été parmi les premiers à être mis dans la confidence de l'intention de lancer l'invasion de l'Ukraine. Une preuve de confiance de la part de Vladimir Poutine.
Faut-il s'attendre à un total changement de politique, notamment en Ukraine, si un homme tel que Nikolaï Patrouchev se retrouvait avec les rênes du pays entre les mains? Rien n'est moins sûr, tant il est une sorte de clone poutinesque. Selon les renseignements américains, ce serait même lui qui aurait murmuré à l'oreille du chef d'État pour l'inciter à poursuivre son avancée chez le voisin ukrainien.
Si tout semble aujourd'hui faire de Nikolaï Patrouchev le grand favori, la réalité est en vérité bien plus opaque. Dans l'hypothèse où Poutine devrait se retirer définitivement, nul doute que les différents clans politiques du pays se bousculeraient sans retenue pour tirer leur épingle du jeu. De quoi rebattre les cartes du pouvoir, sans pour autant changer radicalement de cap.