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Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected].
C'est une légende qui a la croûte dure: se tailler une bonne part de fromage avant d'aller se coucher provoquerait des cauchemars à la pelle. Monstres, contrôles de maths, invasion d'araignées... le genre de mauvais rêve dont on se souvient le lendemain.
Cette croyance populaire, vieille de plusieurs décennies, est-elle totalement fausse ou cache-t-elle une part de vérité? Le fromage peut-il vraiment vous faire passer une sale nuit? Explication.
L'industrie du fromage en sueur
Quand une légende répandue met en garde contre la consommation de fromages, on se doute que l'industrie fromagère fait légèrement la moue. Associer leurs produits à des nuits pénibles n'est certainement pas bon pour les affaires! Agacé par ces suppositions de comptoir, le British Cheese Board, sorte de lobby fromager d'outre-Manche, a décidé de réaliser en 2005 la première (et unique) étude sur le sujet. Histoire de démêler le vrai du faux –du moins, surtout le faux.
L'objectif semble clair: montrer qu'il n'y a aucun lien entre fromage et rêves tordus. L'organisation a donc rassemblé 200 personnes et leur a proposé de consommer 20 grammes de fromage une demi-heure avant d'aller se coucher pendant une semaine. Les participants devaient ensuite décrire leurs rêves.
Sur les 67% de participants qui ont déclaré se souvenir de leurs rêves ces nuits-là, aucun n'avait fait de cauchemar, rapporte Science Alert. Ce n'était donc pas la peine d'en faire tout un fromage? Pas si vite! Les cobayes ont tout de même noté quelques détails croustillants sur leurs rêves lors de cette expérience.
Étrangement, les rêves des participants semblaient être influencés par le type de fromage qu'ils avaient consommé avant de dormir. Par exemple, 85% de ceux ayant eu un morceau de Stilton –un fromage anglais– ont raconté avoir fait des rêves complètement fous, mêlant peluches, crocodiles végétariens et soldats armés de chatons. Rien que ça.
Chez les consommateurs de Red Leicester, les rêves semblaient plus doux, avec une touche de nostalgie. Le cheddar quant à lui transportait les participants dans un monde rempli de célébrités. Bien qu'amusants, ces résultats, tout autant que cette étude, sont à prendre avec des pincettes.
La recherche est largement biaisée et les résultats n'ont pas été contrebalancés par un groupe témoin n'ayant pas consommé de fromage, nuance la BBC. Qui plus est, les cobayes n'ingurgitaient que 20 grammes de fromage. Comment, lorsqu'on en mange dans un repas, peut-on en déguster si peu? Autant d'éléments qui font qu'aujourd'hui, cette étude –qui reste la seule sur le sujet– est surtout présentée comme un outil marketing.
Pas de quoi nous décourager pour autant! Si l'on ne peut compter sur les études réalisées sur ce sujet, un simple coup d'œil à la composition du fromage peut nous éclairer sur son lien avec notre sommeil.
Tryptamine et licornes
Une hypothèse pointe du doigt un élément chimique présent dans les fromages, principalement dans les bleus: la tryptamine. Comme l'explique Maxiscience, les dérivés de la tryptamine sont connus pour avoir de nombreux effets psychotropes et hallucinogènes. De quoi nous défoncer à chaque tartine de roquefort au point de rêver d'une invasion de licornes sanguinaires? Peu probable, ajoute le média scientifique, tant cet élément chimique est présent en faible quantité. Chou blanc, donc.
Un autre composant de ce produit laitier interpelle cependant les scientifiques: le tryptophane. Cet acide aminé est utilisé par notre corps pour produire de la sérotonine, une molécule qui contribue à réduire notre niveau de stress, à stabiliser notre humeur et à mieux nous endormir. Manger beaucoup de fromage avant d'aller au lit pourrait donc augmenter notre niveau de sérotonine, ce qui pourrait influencer nos rêves. On est loin du cauchemar inoubliable, mais au moins, une piste est établie entre ce produit laitier et la qualité des rêves.
Bilan: aucune étude scientifique ne prouve pour l'instant que s'enfiler du comté ou du brie à la chaîne vous fera faire des cauchemars particulièrement intenses. Et si c'était justement là, dans la quantité de fromage que l'on ingurgite, que le bât blesse?
Manger des repas lourds et riches en matières grasses tard le soir peut facilement provoquer une indigestion, responsable d'un sommeil agité. Le fromage est particulièrement lourd et difficile à digérer, et le temps que votre corps réussisse à l'absorber, il vous maintient un peu éveillé. Votre sommeil est ainsi perturbé et vous vous réveillez plus souvent. Tout est réuni pour faire des cauchemars.
Une théorie d'autant plus plausible que le fromage en France est consommé à la fin des repas: le midi, mais aussi le soir. Ce ne serait donc pas le fromage en soi mais plutôt la quantité que l'on en consomme avant de dormir qui pourrait perturber notre sommeil. Et ceci est également valable pour la viande. Toutes nos excuses, cher camembert!