Société

«Je pensais que le démembrement n'était compatible qu'avec certains profils»

[Épisode 3] En garde à vue dans le cadre de la disparition de la famille Troadec, Hubert Caouissin ne va rien épargner aux officiers de police judiciaire. Huit heures durant, il raconte avec minutie, sans interruption, ce qu'il est advenu des corps de ses victimes.

La police mène des recherches près du domicile des Caouissin à Pont-de-Buis, le 9 mars 2017. | Fred Tanneau / AFP
La police mène des recherches près du domicile des Caouissin à Pont-de-Buis, le 9 mars 2017. | Fred Tanneau / AFP

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Les propos rapportés dans cet épisode de la série Le bruit des autres relatant l'affaire Troadec peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes.

Hubert Caouissin n'avait jamais pris un P.-V. de sa vie.

Dans la voiture menant à la ferme de Pont-de-Buis, Laurent Landrin et son coéquipier de la PJ de Brest se lancent un regard discret. Sur la banquette arrière, Hubert Caouissin leur raconte, menottes aux poignets, l'histoire de la région. Il leur parle de l'église et du château du Bot. «Il occupait sans cesse l'espace sonore», se souvient l'enquêteur Landrin. Depuis la veille, vendredi 24 février 2017, Hubert Caouissin est en garde à vue pour assassinat et «il ne montre aucune angoisse, rapporte encore l'enquêteur. C'est comme s'il était auxiliaire de justice et qu'il allait nous aider en nous racontant l'histoire de la famille.»

***

N'ayant pas de nouvelles de sa sœur Brigitte, Martine avait immédiatement pensé: «C'est quand même pas cette histoire d'or?» Elle l'avait évoquée auprès des policiers lors de son signalement pour disparition inquiétante: il y a de ça quelques années, Brigitte lui avait confié les accusations d'Hubert Caouissin.

Brigitte était mariée avec Pascal Troadec. Pascal avait lui-même une sœur, Lydie. Lydie Troadec avait pour conjoint Hubert Caouissin. Ce dernier reprochait à Pascal et Brigitte d'avoir volé de l'or appartenant à la famille. L'affaire avait créé un tel bazar que Pascal Troadec ne voyait plus sa sœur ni sa mère Renée.

Les enquêteurs avaient donc naturellement voulu entendre Hubert Caouissin et Lydie Troadec. Ils s'étaient rendus à leur domicile de Plouguerneau. Sur place il n'y avait, indique l'enquêteur Landrin, «pas de signe de vie». La maison était vide; le jardin, en friche. Mais les résultats de la CAF livraient une autre adresse: celle d'une ferme à Pont-de-Buis, au lieu-dit Le Stang.

Les enquêteurs avaient alors effectué une «visite de sécurité» chez Marie-Françoise, la mère d'Hubert Caouissin, qui habitait aussi Plouguerneau. Suivie d'une autre visite chez Renée Troadec, la mère de Pascal et Lydie, à Guipavas. Hubert Caouissin n'ayant pas de téléphone portable, ils avaient demandé à Renée de laisser un message sur celui de sa fille Lydie. À 21h, Lydie Troadec avait rappelé sa mère. Avec Hubert, ils devaient se rendre tout de suite au commissariat de Brest, avait dit Renée. Elle garderait le petit pendant ce temps. Peu avant 22h, Hubert Caouissin et Lydie Troadec se garaient sur le parking du commissariat de Brest à bord de l'Audi A4 d'Hubert.

À son arrivée, Hubert Caouissin ne présente «aucune trace de coup –ni sur le corps ni sur le visage–, juste deux toutes petites égratignures sur le front, à peine visibles, qu'il attribue au jardinage». Lydie Troadec affirme ne plus adresser la parole à son frère depuis 2014 et l'avoir croisé pour la dernière fois en août 2015, lors de la fête familiale annuelle à Spézet. Elle le soupçonne d'avoir dérobé des lingots d'or découverts par leur père dans son immeuble à Brest. Cela expliquerait comment le train de vie de Pascal et Brigitte Troadec a «considérablement changé».

Interrogé sur le sujet, Hubert Caouissin confirme. Il leur parle du dossier monté pour le transmettre à Tracfin, le service de renseignement pour la lutte contre les circuits financiers clandestins. Il leur parle de Pascal et Brigitte Troadec, d'ordinaire «très radins», qui ont des nouvelles voitures, font des travaux, et envoient des cartes postales de leurs voyages. Il leur parle, enfin, de sa sensibilité aux ondes à basse fréquence, de l'arrêt de travail qui s'en est suivi, et des situations stressantes qu'il préfère éviter depuis.

Voilà comment, ce samedi 25 février 2017, l'enquêteur Landrin s'est retrouvé dans une voiture, direction Pont-de-Buis, à écouter un Hubert Caouissin «très volubile».

Une perquisition a été autorisée. Les enquêteurs saisissent les ordinateurs et les téléphones, fouillent les hangars de la propriété et l'Opel Corsa de Lydie Troadec. Ils parcourent les 26 hectares de la ferme, à la recherche de monceaux de terre fraîchement retournée. R.A.S. Ils constatent la présence de «ronciers monstrueux» dans lesquels il est impossible de plonger la main. Ils tentent de s'aventurer au-delà d'un chemin bordant la propriété. Mais leurs bottes s'enfoncent dans la vase. Les conditions météorologiques ne permettent pas d'aller plus loin.

L'enquêteur Landrin précise: «Le seul moment d'angoisse que j'ai vu [chez Hubert Caouissin], c'est quand on lui a annoncé la levée de sa garde à vue: un sanglot très vite réprimé, d'une durée d'une seconde et demie.» Faute d'éléments, Hubert Caouissin et Lydie Troadec sont libérés.

Le soulagement sera de courte durée.

«Il m'est arrivé un truc de fou mais je peux pas en parler»

Dimanche 5 mars 2017, à 6h45 du matin, le jour ne s'est pas encore levé. Dans la bruine nocturne, les officiers de police judiciaire frappent à la porte de la ferme de Pont-de-Buis. Au saut du lit, Hubert Caouissin et Lydie Troadec sont arrêtés. À la maison d'Orvault où a disparu toute la famille Troadec, un verre a été découvert dans l'évier de la cuisine. Lui-même présentait, à la surface, un ADN masculin inconnu. Lors de sa première garde à vue quelques jours plus tôt, un prélèvement d'usage avait été réalisé sur Hubert Caouissin. Les résultats venaient de tomber: l'ADN du verre correspondait au sien.

Lydie Troadec savait pour le verre. Des mois plus tard, elle confiera à un expert psychiatre y avoir vu «un acte manqué»: «Je n'arrivais pas à le croire, vu ses connaissances. Je lui ai dit “Tu es stupide”», expliquera-t-elle au psychiatre. Hubert Caouissin, lui, reconnaîtra devant la cour d'assises: «Très honnêtement, si je m'en étais rendu compte avant, je serais allé le chercher.» Mais son ADN sera également décelé dans la Peugeot 308 de Sébastien Troadec: sur le bouton de réglage du chauffage et sur le plastique du rétroviseur intérieur.

Quand il le retrouve dans son bureau de la PJ de Brest, l'enquêteur Landrin observe le suspect. «Hubert Caouissin n'a pas le même visage: il a le visage brûlé, le nez qui pèle», expose-t-il.

Stéphanie, employée sur la base de sous-marins nucléaires à l'île Longue, se souvient aussi de l'autre visage de son collègue Hubert Caouissin. Au retour des vacances de février 2017, il ne se garait plus dans l'enceinte de l'arsenal. Son visage était brûlé, il disait avoir eu un retour de flamme dans sa cheminée; il s'était rasé la tête et les sourcils. Hubert Caouissin était «énervé» et «euphorique», lâchant parfois à ses collègues: «Il m'est arrivé un truc de fou mais je peux pas en parler.» À Stéphanie, il a répété cinq fois la même histoire: qu'il faisait des rêves prémonitoires, qu'il avait rêvé d'une berline noire «dans laquelle il y avait des morts» et que pour cette raison, il n'aurait jamais de voiture noire. Stéphanie s'était inquiétée. Elle savait, pour le burn out d'Hubert. Elle avait signalé son comportement bizarre à leur supérieur hiérarchique.

Dans le bureau de l'enquêteur Landrin, Hubert Caouissin est calme. Il sait que cette seconde garde à vue signe la fin de tout. Alors, il veut bien parler de ce qu'il a fait. Durant huit heures, il raconte. Avec minutie, sans s'arrêter. Le procès-verbal comprend dix-sept pages de déclarations spontanées, dont dix pages sans aucune question des enquêteurs.

Il raconte le magot dérobé par Pascal Troadec. Il raconte ses allées et venues au 24, rue d'Auteuil à Orvault, muni d'un stéthoscope pour écouter au mur. Il raconte la nuit du 16 au 17 février: son entrée par le garage, la coupure du disjoncteur de la maison, et la peur qui rugit dans sa cage thoracique. Il raconte la bagarre, une bagarre où il aurait été seul contre tous, comme dans un film où il incarnerait la victime de terribles oppresseurs. Puis Hubert Caouissin se met à raconter l'après.

«Je lui ai dit que c'était eux qui avaient commencé»

En rentrant chez eux à la ferme de Pont-de-Buis, Hubert avait demandé à sa compagne, Lydie, d'acheter des sacs noirs de 130 litres. Il ferait croire à un cambriolage de la maison des Troadec pendant leurs vacances. Il fallait retourner sur place pour récupérer les documents de la famille, les ordinateurs, et un des véhicules. Le soir même, à 20h, ils avaient donc couché leur fils de 8 ans avant de prendre la route pour Orvault. En pénétrant dans la maison, Hubert Caouissin avait vu tout le sang. Il avait d'abord chargé les corps dans le coffre de la voiture de Sébastien.

Maître de Oliveira, l'avocate de la famille de Brigitte Troadec, veut savoir: pourquoi ne pas avoir laissé les quatre corps dans la maison d'Orvault? «C'est une énorme erreur... répond simplement Hubert Caouissin. J'aurais voulu que ça n'existe pas. Ce qui s'est passé à Orvault ne devait pas exister.»

Le plus difficile fut le transport du corps de Brigitte Troadec. Hubert Caouissin lui a mis un foulard sur la tête. Il ne voulait pas voir son visage. Le foulard est tombé, Hubert s'est mis à pleurer. Il lui a parlé: «Je lui ai dit que c'était eux qui avaient commencé, que je voulais juste protéger ma famille. Elle m'a dit qu'elle aussi.» Il est conscient que Brigitte ne pouvait pas lui répondre. C'était une discussion à sens unique: «Je lui ai demandé de m'aider. J'ai plié ses jambes et je l'ai mise dans le coffre.» Il se souvient de la main de Sébastien. Sur sa tête, Hubert Caouissin a placé un sac plastique pour ne pas le voir non plus. Il a pleuré en le mettant dans le coffre lui aussi. Pour Charlotte, il a pleuré «assez longuement». Pour Pascal, il n'a pas pleuré: «Je lui ai demandé pardon. C'était sincère.»

À l'enquêtrice Laurence François qui l'entend lors de sa deuxième garde à vue, Lydie Troadec explique que pendant ce temps, elle attendait dans leur voiture, dans une rue à proximité, munie d'un talkie-walkie. Elle pense y être restée une heure et demie –en réalité, probablement cinq ou six heures. Elle ne se rappelle plus. Il faisait froid. Elle s'est un peu endormie.

Le lendemain, elle s'est promenée avec le petit durant trois heures, pendant qu'Hubert «s'occupait des corps». Elle n'a vu aucun d'entre eux. Hubert lui avait dit que «ce n'était pas beau». Elle a pensé qu'il les enterrait.

«Je ne peux pas mettre dans le feu quelque chose de mouillé»

Là, deux jours après le quadruple meurtre, Hubert Caouissin a eu une «pensée automatique»: «Il faut tuer l'homme pour sauver le père.» Les nuits de février sont froides, alors il a remis la chaudière de la ferme en route. Ce simple geste est apparu comme la solution: il allait brûler les corps. À chacun des membres de la famille, il a posé une taie d'oreiller sur la tête; et à même le sol du hangar, derrière la Peugeot 308 de Sébastien, il a déplié une bâche. À propos de cet instant-là, il raconte: «J'ai plein de sens qui sont éteints. Je ne sens plus le froid et je ne sens plus les odeurs non plus.» Il s'est mis à les découper. Sébastien fut le premier.

«Vous les aimiez, les enfants?», demande la présidente de la cour d'assises de la Loire-Atlantique. Hubert Caouissin grimace. Une toux aussi brève que soudaine secoue sa poitrine, comme s'il buvait la tasse, les poumons noyés par les larmes. Il semble avoir expectoré sa tristesse mais très vite, il retrouve sa respiration. La main sur le front, il soupire: «Bien sûr que je les aimais.»

Aux enquêteurs et aux juges d'instruction, Hubert Caouissin n'épargnera aucun détail du démembrement du corps de Sébastien: «J'ai coupé les chairs avec le couteau et après, j'ai séparé la colonne vertébrale toujours avec le couteau. [...] Il fallait mettre l'articulation de l'épaule à jour, la voir. C'est ce que j'ai fait. J'ai enlevé ce qu'il y avait autour: la peau d'abord, les muscles ensuite. [...] J'ai inséré le couteau entre la partie concave et la partie convexe et j'ai fait le tour.» Il précise: «Au moment où j'ai inséré le couteau, il y a un peu d'air qui est entré dedans. Cela a fait du bruit, je me rappelle que ça m'avait marqué.»

Par la suite, il a procédé de la même façon pour Brigitte, Charlotte, et Pascal. Puis il s'est rendu compte que «les muscles sont mouillés». Or, dit-il, «je ne peux pas mettre dans le feu quelque chose de mouillé». Tout ce qui était mouillé a donc été entreposé dans des sacs de grains, puis éparpillé à la main dans les ronciers de la propriété.

À la barre de la cour d'assises, le docteur psychiatre Daniel Zagury énonce: «Quand j'étais jeune expert, je pensais que le démembrement n'était compatible qu'avec certains profils: de grands psychopathes, des schizophrènes, etc. Mais l'expérience m'a montré autre chose.» Face aux jurés, le docteur Zagury l'admet: Hubert Caouissin ne peut ignorer l'effet de tels propos sur ceux qui l'entendent. L'enquêteur Landrin a lui-même qualifié les huit heures de garde à vue face à Hubert Caouissin d'«éprouvantes» pour ses hommes. «Les sujets pervers donnent des détails pour provoquer une gêne, pour jouir de cette gêne», nuance l'expert psychiatre. Avec Hubert Caouissin, poursuit-il, «on n'est pas là-dedans. Il dit ça sans chercher le trouble ou la gêne. C'est pas par perversion, c'est... autre chose. C'est une dynamique délirante.»

«Avoir les têtes dans le dos me donnait l'impression qu'elles me poursuivaient»

La nuit suivante, après avoir couché le petit, Hubert et Lydie avaient à nouveau fait trois heures de route pour rejoindre Orvault. Cela ne plaisait pas du tout à Lydie, de laisser son fils seul à la ferme, mais elle tentait de se rassurer en se disant qu'il n'était pas vraiment seul: Heidi, sa chienne, veillait sur lui.

Au 24, rue d'Auteuil, c'était presque devenu une habitude maintenant, Lydie attendait Hubert dans sa voiture garée dans une rue adjacente. Ils communiquaient par talkie-walkie. Les appareils avaient été achetés l'année précédente, en 2016. Quand l'un ou l'autre était dans les champs de Pont-de-Buis, il emportait toujours avec lui un des talkies. «Vu le contexte avec Pascal et Brigitte, indique Hubert Caouissin aux enquêteurs, on avait peur que quelqu'un soit payé pour venir nous tuer.»

Ce samedi 18 février 2017, Hubert Caouissin avait entrepris un grand nettoyage de fond en comble. Il avait retiré les draps, embarqué les brosses à dents et les brosses à cheveux, et essuyé toutes les traces avec une bassine d'eau et du Saint-Marc. Il avait découpé la housse du matelas de Charlotte imbibé de sang. Ç'avait été un travail harassant. D'épuisement, il s'était assoupi quelques heures dans le lit de Pascal et Brigitte.

Le lundi suivant, il avait fait un grand feu sur le terrain. Il y avait lancé les linges rougeâtres, les affaires personnelles des victimes, et enfin leurs têtes, qu'il avait failli oublier, cachées dans un sac dans le hangar. Mais le feu n'avait pas eu raison des crânes. Hubert avait donc décidé de s'en débarrasser à la plage de la Palue et de laisser la marée faire son œuvre.

Le chemin pour s'y rendre est escarpé. Au-dessus du Finistère, la Lune s'était faite plus brillante. Hubert Caouissin devait traverser la forêt. «Cela m'a beaucoup perturbé parce que j'avais le sac dans le dos, dira-t-il aux enquêteurs. Le sac me tapait régulièrement dans le dos. Le fait d'avoir les têtes dans le dos me donnait l'impression qu'elles me poursuivaient.» Dans les moments les plus pénibles, le refrain entendu à la radio le soir du quadruple meurtre lui revenait en mémoire. Il la laissait faire. «Ça me berçait», précisera-t-il aux jurés. Dans une petite cavité près de la Palue, Hubert Caouissin avait pris un bâton de bois vert et poussé à l'eau ce qu'il restait de Pascal, Brigitte, et de leurs deux enfants Sébastien et Charlotte.

La présidente de la cour d'assises regarde un instant le box des accusés par-dessus ses lunettes. D'une voix imperturbable, elle pose la question: «Au final, il en reste quoi, de Pascal, Brigitte, Sébastien et Charlotte?» Les mains derrière le dos, Hubert Caouissin baisse le menton. Il laisse passer un long silence, avant de murmurer: «Pas grand-chose.»

Du crime, ne subsistait alors que l'arme. En se rendant à leur première garde à vue au commissariat de Brest, Hubert avait demandé à Lydie de jeter un objet qui se trouvait à ses pieds, sous le siège passager. Elle avait ouvert sa fenêtre et par-dessus le pont de l'Iroise qui enjambe le fleuve de l'Élorn, jeté un objet lourd et noir. Le pied-de-biche de 108 centimètres.

Hubert Caouissin voulait être normal. Il voulait être comme avant, et que rien de tout ça n'ait existé. 379 morceaux –excepté le cœur de Pascal Troadec– seront découverts dans les ronciers de Pont-de-Buis. Les bijoux appartenant à la famille, eux, seront extraits de la vase. Les crânes, en revanche, ne seront jamais retrouvés. En prison, une conversation téléphonique entre un codétenu d'Hubert Caouissin et sa femme est enregistrée et versée aux débats:

J'étais en train de parler à l'autre là, tu sais... Troadec.
– Encore?
– Oui, et elle n'est pas finie cette enquête. Surtout qu'ils cherchent pas au bon endroit.
– C'est pas vrai?
– Si, il me dit «ils cherchent pas au bon endroit
».

Hubert Caouissin hausse les sourcils: «Qu'est-ce que je pourrais dire d'autre? se défend-il. S'ils trouvent pas, c'est qu'ils cherchent pas au bon endroit... Je ne sais pas, j'ai tout dit.» Avant d'ajouter: «C'est une interprétation du détenu aussi, attention. Le niveau intellectuel n'est pas très fort.»

«J'aurais dû me pendre sans rien dire à personne»

Dans les jours suivant la destruction des preuves, Hubert et Lydie se claquemurent à la ferme de Pont-de-Buis. Le petit, qui d'ordinaire a droit à un quota limité d'écrans, passe des journées entières devant BFMTV. Il est chargé de faire «le guetteur d'informations».

Le 2 mars 2017, il voit son père avec une corde. «J'avais tout préparé, relate Hubert Caouissin. J'aurais dû me pendre sans rien dire à personne. Je regrette.» Mais son fils, dit-il, est «un moulin à questions». Il se décide à lui parler: «Il fallait que je lui explique, sinon il n'aurait jamais compris.»

Hubert explique au petit qu'en portant le nom Caouissin, il serait sali. Qu'il deviendrait un paria. Que tout le monde lui tournerait le dos. Que c'est son père qui a fait tout ce dont ils parlent à la télé. Il a tué son oncle Pascal, et sa tante Brigitte, et ses cousins Sébastien et Charlotte. Ils sont désormais «en tout petits morceaux». Son papa est un monstre. Sa maman, elle, a juste aidé un peu. Elle a nettoyé son pantalon gris et les taches de sang dans la voiture de Sébastien.

Le petit se met à pleurer. Ce n'est pas ce que voulait Hubert Caouissin. Il ne voulait pas que le petit pleure et le regarde comme ça. Alors, il lui demande: «Est-ce que tu préfères un papa mort ou un papa en prison à vie?»

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