Politique / Société

La semaine imaginaire de Joséphine Baker

Ça a des avantages d'être morte, parce qu'en ce moment, en tant que femme, noire, bisexuelle, mangeant du gluten, mais piégeant des nazis, je ne serais pas forcément en phase avec mon époque.

Cette année, le 30 novembre, c'est surtout la Sainte Joséphine. | Louison
Cette année, le 30 novembre, c'est surtout la Sainte Joséphine. | Louison

Temps de lecture: 4 minutes

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité qui a fait l'actu et imagine son journal de bord.

Lundi 29 novembre

J'ai deux amours. Mon pays, mais pas le lundi. Encore que je ne me plains pas trop, l'avantage d'être morte depuis pas mal de temps maintenant, c'est que ce matin, je n'ai pas eu besoin de me presser dans un RER bondé, plein de gens avec le masque pile trop bas pour servir à quelque chose, mais pile assez haut pour leur éponger la goutte de morve qui leur pendouille du nez.

La bonne nouvelle aussi, c'est que je n'aurais pas à poireauter devant la machine à café pendant qu'un collègue hésite entre un thé au jasmin ou une soupe à la tomate, tout en faisant des blagues plus grasses que ses verres de lunettes sur le doigt d'honneur lancé hier par un presque candidat à l'élection pestilentielle. Non vraiment, ça a certains avantages d'être morte, parce qu'en ce moment, en tant que femme, noire, bisexuelle, mangeant du gluten, mais piégeant des nazis, je peux vous dire que je ne serais pas forcément en phase avec mon époque. Surtout pour le gluten. Même ma ceinture de bananes, j'ose pas vous dire qu'elle était probablement pas bio.

Mardi 30 novembre

J'ai deux amours. Mon pays et le timing. Aujourd'hui, le calendrier vous informe que nous fêtons un prénom super inclusif: André·e. Mais je dois vous confier un scoop. Cette année, le 30 novembre, c'est surtout la Sainte Joséphine. À son actif, pas mal de miracles comme rebaptiser les stations de métro avec un nom de femme, ou encore faire briller la tour Eiffel pile au moment de l'ouverture des portes du Panthéon, comme si c'était le même interrupteur. Je ne sais pas si vous imaginez la taille de la rallonge pour traverser toute la rive gauche, mais même Saint Thomas qui ne croit que ce qu'il voit, ne s'en remettrait pas.

Cela dit, le plus grand miracle n'est peut-être pas à mon actif aujourd'hui: d'un coup, toute une partie de la population française s'est transformée en experte de la question des droits d'auteur et de la propriété intellectuelle.

Comme quoi, un désormais candidat peut passer des heures à expliquer très calmement que les femmes sont une sous-espèce, perdues quelque part entre le ficus et la poupée gonflable, ça passe crème. Mais pour une histoire de copyright, la chantilly devient aigre.

Mercredi 1er décembre

J'ai deux amours. Mon pays et l'alphabet grec. J'avais oublié d'ailleurs qu'il y avait deux O dedans. Là, je pense que je m'en souviendrai assez longtemps. Deux O comme dans «zoo». Mais pas de rhinocéros dans celui-ci, ni ceux qu'on appelait encore des «sauvages» et qu'on montrait à Vincennes quand je débarquais à Paris entre les deux guerres. Non, dans cet Omicron, ce double O, il y a juste une légère lassitude, qui se balade aux côtés d'une profonde angoisse collective, et où gambadent un peu plus loin de nouvelles restrictions et autres annulations en tout genre.

Une petite biodiversité qui est aussi le parfait habitat pour des gens qui sont parfaitement opposés au principe de la vaccination, mais pas trop à celui de l'encombrement des urgences et des reprogrammations d'opérations pourtant importantes. J'ai beau aimer passionnément la France, j'ai quand même du mal avec ce genre de produits régionaux. Le livarot au petit-déjeuner je veux bien, l'andouille trempée dans le café aussi. Mais l'égoïsme à toutes les sauces, j'avoue que ça me reste un peu sur l'estomac.

Jeudi 2 décembre

J'ai deux amours. Mon pays et Britney Spears. Celle à qui on a collé des couettes d'écolière comme on m'avait attaché des bananes à la taille cinquante ans plus tôt, fête aujourd'hui son entrée dans le monde des quadragénaires. Quarante ans, et même pas quarante jours de liberté, c'est quand même fou quand on y pense.

Moi, la liberté je connais, je m'en suis tartinée le corps toute ma vie. Ça donne la peau douce et le cuir épais. La peau douce, c'est très important dans ce monde qui pique, plein de violences, de frustrations et de mecs qui s'appellent Éric et disent bien de la merde. Si j'étais encore vivante, j'aurais 115 ans, ce qui est un peu plus que Britney, mais beaucoup moins que l'idéologie rance de ces hommes dont la mâchoire a tout de la bouche d'égout. Si j'étais encore vivante, je jetterais mes bananes sous leurs bottes et j'irais résister de la meilleure façon possible: en dansant. Comme Britney. Après tout c'est pour ça qu'on a inventé les prothèses de hanches non? Oops, we did it again.

Vendredi 3 décembre

J'ai deux amours. Mon pays et le week-end. La semaine a été longue. C'est pas tous les quatre matins qu'on est panthéonisée, ni qu'on apprend à près de 65 millions de personnes un nouveau terme pour les mots croisés: cénotaphe. Car oui, fidèle à ce que je suis jusqu'au bout, et même après, j'ai pris la liberté de ne pas assister en personne à mon deuxième enterrement. Je suis restée tranquille, dans mon petit cimetière de Monaco, où la compagnie est royale et le prix au mètre carré vertigineux. Mais ce n'est pas parce que je suis loin que je ne vois pas les grosses manœuvres politiques.

Pas besoin d'un sous-marin pour avoir des petits vertiges en pensant aux abysses dans lesquels la conscience politique de Marlène Schiappa patauge actuellement. Pas besoin non plus d'un télescope pour imaginer les sourcils renfrognés d'un François Fillon condamné à de la prison ferme ou ceux d'un Xavier Bertrand, qui écope lui d'un aller simple pour l'oubli. Et pas besoin d'être devant les marches du Panthéon pour savoir que c'est pas demain la veille qu'on y reverra affiché le portrait d'une femme, noire, libre, et qui vous fait d'un sourire le plus merveilleux des doigts d'honneur. Let's dance!

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