Société

L'année (même pas) imaginaire de 2020

Si j'étais une année bien facile à écrire, j'ai surtout été bien pénible à vivre sur 366 jours (bah ouais, tant qu'à faire autant être bissextile).

Vingt-vingt, un ami qui ne nous voulait pas du bien. | Kelly Sikkema <a href="https://unsplash.com/photos/CjdsgW4cVSU">via Unsplash</a>
Vingt-vingt, un ami qui ne nous voulait pas du bien. | Kelly Sikkema via Unsplash

Temps de lecture: 7 minutes

Chaque samedi, Louison se met dans la peau d'une personnalité (ou presque) qui a fait l'actu et imagine son journal de bord. Édition spéciale pour la pire année du siècle.

Avouez que vous ne m'aviez pas vu venir. Sous mes airs sympatoches d'année «vingt-vingt», surnom qu'on pourrait donner à son copain Vincent, celui qui est toujours partant pour un baby-foot ou une petite mousse quand c'est pas vraiment encore l'heure de l'apéro, eh bah non, j'ai plutôt pris l'allure de votre pire cauchemar. Je vous ai bien eus, hein. Si j'étais une année bien facile à écrire, j'ai surtout été bien pénible à vivre sur 366 jours (bah ouais, tant qu'à faire autant être bissextile).

Janvier

Franchement, j'ai commencé fort, j'avoue que même moi j'ai douté un peu de ma stratégie. Certains auraient attendu au moins mi-février pour faire cramer par centaines des koalas. Mais pas moi. Je me suis dit, «Écoute vingt-vingt, sky is the limit, est-ce que 2015 avait attendu mars pour être une année de merde? Nan, dès le 7 janvier c'était déjà l'enfer, alors vazy, donne tout.» Du coup, j'ai aussi cramé pas mal de kangourous.

Après le méchoui de marsupiaux le 2, pouf, dans l'inspiration du moment, dès le 4, petite menace de troisième guerre mondiale grâce à mon allié de toujours: Donald. Pas le canard, l'autre. On a encore tellement de choses à vivre tous les deux pour sa dernière année de mandat. Oui je sais SPOILER ALERT.

Février

Bon, j'ai senti qu'effectivement j'avais peut-être un tout petit peu trop chargé la mule, et que même si j'en ai encore pas mal dans ma besace, il fallait un peu rafraîchir et alléger tout ça pour le mois de février. Surtout que j'ai un gros programme pour mars.

Je me suis donc dit: «Mon petit vingt-vingt, il te faut un truc un peu ouf, mais sans faire cramer les versions vivantes des peluches de mômes.» Et là j'ai eu un flash et je me suis dit: «Et si un candidat à la mairie de Paris envoyait des photos de sa kékette avec son téléphone?» Ça pour sûr, même 2015 n'y aurait pas pensé à sortir cette carte là, si vous me passez l'expression. Et comme j'étais dans un bonne lancée, et histoire de bien montrer à toutes ces féministes que 2020 ne serait définitivement pas l'année la plus #MeToo du siècle, j'ai donné le César du meilleur réalisateur à Roman Polanski.

Mars

Mozart a eu sa Flûte enchantée, Picasso son Guernica et Garou son duo avec Céline Dion. Désormais c'est à mon tour d'aller à la rencontre de mon plus grand moment, de cet instant qui me fera rentrer dans le Panthéon de la consécration: le discours du président Macron du 16 mars.

Il ne l'avouera jamais, mais c'est moi qui lui ai suggéré de mettre le mot «guerre» dans son texte. Et bim, dans ta face l'année 1914, et boum, dans les dents, 1939.

Quand je pense à tous ces gens qui sont en train de commencer à organiser leurs grandes vacances, à ces athlètes qui continuent de s'entraîner pour les Jeux olympiques, ou mieux, à tous ces couples qui comptent se marier et postillonner devant deux cents personnes… Ils ne savent pas encore que notre histoire n'en est qu'à ses balbutiements. Attestation, pénurie de masques, allocution présidentielle toutes les soixante-douze heures… Si février avait un jour de plus cette année, le mois de mars, lui, va avoir un ressenti de trente-deux semaines.

Avril

Le printemps est dehors, et c'est bien le seul. Le monde entier est confiné, et toutes les années qui m'ont précédée en sont bouche bée. En astrologie chinoise, nous sommes depuis janvier sous le signe du rat, mais le vrai animal totem pour 2020, c'est l'oiseau, dont on redécouvre les merveilleux chants grâce au silence qui règne partout.

Et puis bien sûr, le chien à sortir le long d'un kilomètre de pâtés de maisons et pas plus d'une heure bien sûr. Ils réfléchiront à deux fois, ces crétins qui abandonnent leur toutou sur une aire d'autoroute au premier jour des vacances. Jour après jour, enfermés chez eux sauf pour aller acheter du papier toilette. Une vie de chien, sans chien. Face à face avec leur condition humaine, pas le livre bien sûr, eux leur truc c'est plutôt les puzzles de 1.000 pièces. Me sentant d'humeur un peu cruelle, j'ai même ajouté à leur punition, une frénésie pour le pain fait maison, et une pénurie de farine. Allez, déjà 100.000 morts du Covid dans le monde, on lâche rien.

Mai

«Le mai, le joli mai, en barque sur le Rhin»… On a beau être une année de merde, rien n'empêche d'avoir aussi l'âme poétique. C'est pourquoi, dans un élan magnanime, j'ai décidé qu'il était temps de rouvrir les librairies. Je crois que les gens vont finir par s'entretuer s'ils continuent à faire des puzzles, et j'ai quand même encore sept mois à tenir, donc autant garder encore un peu en vie les humains.

Aucune envie de m'en reprendre aux koalas, j'en fais encore des cauchemars. C'est donc décidé, le 11 on pourra racheter des livres. Et des slips. Mais toujours pas s'asseoir en terrasse pour profiter du soleil printanier, d'un café trop cher, et d'une discussion impromptue avec son voisin de table. Faudrait tout de même pas oublier que je suis une année de merde, hein.

Juin

J'arrive presque à mi-parcours et je dois reconnaître que je ne pensais pas être déjà si fière. Quand je vois ces gens qui se battent pour avoir des masques juste à côté de ceux qui se battent pour ne pas en porter, ça me donne envie de sabler un flacon de chloroquine. Les autres années se sont tellement moquées de moi, disant que jamais un virus n'allait me permettre d'atteindre mon objectif, que ça faisait au moins cent ans que plus personne n'utilisait cette technique, que j'avais trop la tête dans le passé, qu'il fallait vivre avec son temps.

En fait, il fallait juste un rebranding de qualité. Grippe espagnole, ça faisait trop position de Kamasutra avec la goutte au nez. Covid-19, c'est simple, efficace, moderne même. C'est tellement tendance que je regrette presque d'avoir eu une pudeur de gazelle et de n'avoir pas plutôt opter pour «Covid-20». Mais pour autant, je ne suis pas inquiète, personne n'oubliera pour autant mon nom.

Juillet

Je crois que les gens ont compris qu'ils passaient une année de merde, quand ils se sont rendus compte que le remaniement post-élections municipales avait été un véritable pic d'enthousiasme intérieur. Quand on frétille en découvrant la page Wikipédia de Jean Castex, c'est effectivement pas très bon signe. Même moi, alors que c'était mon idée, j'avoue, j'ai frissonné.

Enfin, c'est peut-être aussi quand j'ai vu que Gérald Darmanin était ministre de l'Intérieur, et que définitivement, je serai plus l'année du recyclage de vieux slip en masque pas homologué, que celle des progrès pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Août

Allez c'est les vacances, je me repose un peu.

Nan je déconne.

Vous aimiez Beyrouth? Dommage.

Et un conseil, ne vous attachez pas trop à Juliette Gréco non plus.

Septembre

La rentrée littéraire cette année est pleine d'œuvres plus ou moins confinées. Je suis déjà une muse alors qu'il me reste quatre mois pour marquer les esprits. Quelle consécration. Pour autant, il faut savoir aussi saluer le travail des autres, rendre à César ce qui est à sa salade, et si j'ai réussi à faire de ce mois de septembre une bonne source d'anxiété bien contagieuse, même avec un masque, c'est aussi grâce à ma collègue 2015.

En effet, alors que les jours commencent à raccourcir, et les températures à fraîchir, le procès des attentats de janvier s'ouvre. L'instant est forcément historique et forcément traumatique aussi. Surtout quand une nouvelle attaque a lieu devant les anciens locaux de Charlie Hebdo. Les vieux pots, les meilleures soupes. Quoiqu'il a un drôle de goût ce potage.

Octobre

J'ai peut-être un tout petit peu trop forcé sur la dose pour ce dixième mois, je le concède.

Un couvre-feu, un attentat d'une rare violence et un nouveau reconfinement, ça faisait probablement un poil beaucoup. Que voulez-vous, parfois, on est sur une lancée, un peu comme quand Gérald Darmanin décide de faire la guerre aux boulettes de shit alors que les français se prennent dans les dents une crise économique sans précédent. Ou quand Marlène Schiappa décide de se transformer en femme de droite. Ou quand Roselyne Bachelot décide de ne pas sauver la culture. L'élan, quoi.

Mais comme j'ai aussi un cœur, et que la musique de U2 résonnant dans la cour de la Sorbonne me l'a pincé et pas qu'un peu, je promets de me rattraper le mois prochain.

Novembre

Donald Trump ne fera pas un deuxième mandat. Évidemment, en tant qu'année de merde, je ne peux pas dire que la nouvelle m'enchante. J'avais déjà en tête des visions de guerre civile à coup de nuggets et autres réjouissances du même genre, mais je me suis dit qu'il fallait taper fort au niveau de la bonne nouvelle, et ne pas prendre le risque de lasser et perdre mon public. Exit donc le 45e président et onzième plaie d'Égypte. Enfin, pour être précis, la cérémonie d'investiture de Joe Bidden aura lieu le 20 janvier et ce sera donc une mission pour ma future collègue de 2021. Libre à elle de faire pleuvoir des sauterelles pendant l'hymne national si l'envie lui prend.

Cela dit, chassez le naturel il revient au galop, déso.

Si vous n'aviez pas envie d'être encore un peu plus déprimé par mes œuvres, j'espère que vous n'habitez pas du côté de la place de la République, qui grâce à mon imagination sans limite et à la police nationale, porte pas super bien son nom en ce moment.

Décembre

Il est déjà temps de nous quitter, mais aucune raison de ne pas terminer cette année sur un bouquet final qui ferait passer le spectacle pyrotechnique du Puy du Fou pour un barbecue sous la pluie. Hors de question de se dire au revoir sans y mettre les formes, faut du panache, que diable.

Déjà, j'ai un peu allongé la liste des gens qui ne verront pas 2021. Et je ne parle pas de Valéry Giscard d'Estaing, de John le Carré ou de Caroline Cellier, mais plutôt des 300.000 morts du Covid aux États-Unis, ou les plus de 60.000 de l'Hexagone. Alors bien sûr, vous allez me dire que maintenant qu'il y a un vaccin, je ferais mieux de ne pas trop la ramener, mais n'oubliez pas que j'ai toujours un coup d'avance, et qu'avec 2021 on a bossé main sale dans la main sale sur un concept win-win assez révolutionnaire qui promet de belles choses pour la suite: mutation du virus et accroissement du mouvement antivax.

Bim.

Génie.

L'esprit d'équipe c'est super important.

Allez, je dois vous laisser. Je vous souhaite un bon réveillon, j'ai hâte de vous voir faire le décompte à 19h59, ou mieux, de vous entendre vous souhaiter une bonne année 2021.

Rhaa les cons.

Bisou.

Épisode 31L'année (même pas) imaginaire de 2020
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La semaine imaginaire d'Elon Musk
La semaine imaginaire de la République
La semaine imaginaire de Jean-Luc Mélenchon
La semaine imaginaire du candi-dent Macron
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La semaine imaginaire de la guerre
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