Société

«Dans un village, il y a toujours les petits canards que l'on montre du doigt»

[Épisode 8] Quatre hommes, deux femmes. Entre leurs mains, le sort de Laurent Dejean, accusé du meurtre de Patricia Bouchon. L'heure du verdict a sonné.

Mes Guy et Pierre Debuisson, avocats de Laurent Dejean, à la cour d'assises de Haute-garonne à Toulouse le 14 mars 2019 | Pascal Pavani / AFP
Mes Guy et Pierre Debuisson, avocats de Laurent Dejean, à la cour d'assises de Haute-garonne à Toulouse le 14 mars 2019 | Pascal Pavani / AFP

Temps de lecture: 12 minutes

Et ainsi, un matin, ils se sont retrouvés à juger un homme. Ils sont ouvrier, fonctionnaire, informaticien, à la retraite ou en poste. Ils ont reçu une lettre du greffe, avec le mot «convocation» inscrit en en-tête et en majuscules.

À leur arrivée à la cour d'assises, un numéro leur est attribué. Le président de la cour plonge la main dans l'urne pour tirer au sort. À l'appel de leur numéro et de leur nom, ils se lèvent, traversent l'allée centrale puis passent devant les avocats, qui scrutent le moindre de leurs mouvements.

Peut-être prient-ils, à cet instant, pour entendre quelqu'un crier «Récusé!» et pouvoir se rasseoir. Ou peut-être, au contraire, espèrent-ils monter les marches de l'estrade sans que quelqu'un ne s'y oppose.

C'est comme ça qu'ils sont devenus les six jurés du procès de Laurent Dejean. Deux femmes et quatre hommes, de 41 à 69 ans.

Au terme des débats, une seule question leur sera posée: Laurent Dejean est-il coupable d'avoir donné volontairement la mort, le 14 février 2011, à Patricia Bouchon?

«Je la voyais partout»

Tous les matins, ils sont là. Pour eux, il n'y a pas de réveil en panne, pas d'embouteillages sur le périphérique, ni de métro capricieux. La cloche sonne; ils entrent par la grande porte de la cour d'assises, accompagnés du président Guillaume Roussel et de ses deux assesseures, avant de prendre place sur le fauteuil qui leur a été assigné au début de la session.

Sous la coupole bleu et or construite il y a deux siècles, les jurés sont attentifs. Ils écoutent et observent tout.

Ils sourient un peu quand Christian Bouchon, tentant de se rappeler la date exacte de son mariage avec Patricia, plaisante: «Nous, les maris, on a toujours un peu de mal avec les dates»; ils ont la mine grave quand il explique avoir dû quitter la région: «J'entrais dans un supermarché… Je la voyais partout, c'était ridicule, fallait que ça s'arrête. Alors je suis parti à Aurillac et j'ai ouvert mon propre commerce. Ce n'est pas du tout rentable, mais je travaille pour me protéger de la dureté de ce qui se passe.»

Ils regardent fixement Carlyne Bouchon quand elle raconte: «Ma mère avait une admiration pour mes cheveux. Elle les adorait. Quand elle a disparu, j'ai coupé mes cheveux très courts. Je me disais qu'elle allait revenir et me gronder», et quand elle rit, un peu gênée, en secouant doucement la tête: «Je pensais que ça allait la faire revenir.»

Ils lèvent le stylo de leur cahier quand le frère de Patricia Bouchon professe: «C'est pas parce que c'était ma sœur, mais je trouvais qu'elle avait beaucoup de qualités. Elle était douce, attentive; elle posait beaucoup de questions sur nous, sur comment on allait», et quand la sœur de Patricia Bouchon indique qu'après le drame, elle a choisi de quitter la région parisienne pour s'installer près des siens: «Pour me rapprocher de [Patricia], elle qui me demandait régulièrement: “Pourquoi tu ne viens pas à Toulouse?”. C'était une réponse.»

«Pour moi, ça ne ressemble à personne.»

La mère d'une amie de Dejean, à propos du portrait-robot

Un lundi, ils dévisagent Laurent Dejean, tandis que le portrait-robot est projeté sur le grand écran au-dessus du box des accusés. Il a eu interdiction de se raser pendant le week-end et son avocat, Me Guy Debuisson, l'a sommé de tourner son visage vers eux, pour qu'ils se fassent leur propre opinion.

Les jurés voient-ils une ressemblance? Peut-être sont-ils en train de penser, comme cet ami de Dejean auditionné par les gendarmes: «À l'époque [le portrait-robot] ne m'avait rien dit. Mais maintenant que je le revois et que nous avons parlé de Laurent…», ou bien se laissent-ils aller à cette idée, à l'image de la mère de cette amie de Dejean, que «pour moi, ça ne ressemble à personne».

Ils noircissent des pages entières, quand les gendarmes se succèdent à la barre, notant les nombreux axes de l'enquête et ses détails les plus pertinents.

«C'est compatible»

Le directeur d'enquête Frédéric Aüllo refait devant la cour la chronologie telle que rapportée par les époux Schnedler, qui ont tout entendu le 14 février 2011 au matin: 4h40, l'agression; 5 heures, la voiture remontant l'impasse à toute vitesse.

Il termine par cette phrase: «Vingt minutes: pleurs, excuses, décompensation, chargement du corps dans le véhicule. C'est compatible.»

«Ce qui m'a convaincue, ce sont les échecs consécutifs de remises en liberté.»

Carlyne Bouchon

Les jurés comprennent-ils que c'est de ça dont il s'agit, depuis le départ? Non pas de la certitude de la culpabilité de Laurent Dejean, puisque rien ne le relie directement au meurtre, mais de la certitude de ce qu'il aurait pu faire. Que c'est «compatible», plausible.

Sont-ils d'accord avec Carlyne Bouchon, quand elle leur soutient: «Ce qui m'a convaincue, ce sont les échecs consécutifs de remises en liberté»? Ils ignorent sûrement que Laurent Dejean n'a fait aucune demande de remise en liberté durant ses deux premières années de détention.

Considèrent-ils eux aussi que tout de même, si Laurent Dejean est détenu depuis quatre ans, ce n'est pas pour rien, que jamais la justice n'attendrait d'eux, des novices, de jouer les héros et d'arrêter un système judiciaire en marche? Ont-ils placé toute leur confiance en la justice, comme la justice a placé la sienne en eux?

Dans la grande salle des délibérés, un sachet de madeleines entamé et quelques gobelets de café vides sur la table, se disent-ils que la nuit, finalement, toutes les Clio sont grises?

Lors de son exposé à la barre, la directrice d'enquête Véronique Chaudriller évoque l'homme à bord de la Clio, ce matin-là: «Un témoin capital, qui ne se manifestera jamais.» Elle appuie: «Ja-mais.»

Remarquent-ils que Nicolas Gélis a changé plusieurs fois de version, que ses horaires sont variables, que son vocabulaire fluctue au fil des auditions –la Clio «série 1» se transformant en «première génération», le regard «fou» en «psychotique»? Et si oui, quelles conclusions en tirent-ils? Cela a-t-il de l'importance pour eux ou au fond aucune, au regard du dossier?

Il y a aussi cette audition où Laurent Dejean, déjà placé sous tutelle, lance aux enquêteurs que c'est impossible, qu'il n'a jamais fait ça de sa vie. «Fait quoi?», demandent les enquêteurs. «Charger un corps dans une voiture pour le mettre…», répond-il. «Où?» «Dans un puits.»

Les jurés rapprochent-ils ces propos de ceux inscrits dans un autre procès-verbal, celui où Laurent Dejean dit avoir vu deux galets de Garonne manquant dans l'impasse et émet l'hypothèse que le tueur ait pu les utiliser comme armes pour frapper Patricia Bouchon?

«C'est un procès un peu sensible»

L'un des jurés questionne l'expert psychiatre, le Dr Franck: la schizophrénie paranoïde peut-elle entraîner des pertes de mémoire? «Non, pas des troubles de la mémoire, cela fait plutôt partie de la neurologie, assure le spécialiste. Mais des faux souvenirs, des croyances fausses, oui.»

Croient-ils Laurent Dejean, à ce moment-là, malade au point de tuer une femme faisant son jogging, mais assez sain d'esprit pour cacher le corps? Au contraire, voient-ils Laurent Dejean si peu sensé qu'il en vient à s'enfoncer tout seul?

Que pensent-ils du Laurent Dejean qu'ils ont face à eux depuis deux semaines? De son regard parfois effrayant, de sa bouche pâteuse, de ses sempiternelles digressions? À qui pensent-ils avoir à faire?

Ont-ils retenu cette remarque de l'expert psychiatre: «On pense souvent que les gens peuvent jouer les malades, que c'est facile, mais ce n'est pas tout à fait vrai. Généralement, les gens malades essaient de faire comme s'ils étaient en bonne santé»?

L'ont-ils associée à la toute première parole de l'accusé, qui à la question: «Que pensez-vous de cette affaire pour laquelle vous êtes jugé aujourd'hui?» réplique: «Je pense que c'est un procès un peu sensible», comme s'il était hors du temps, des réalités, et du box?

Y ont-ils songé, quand Me Pierre Debuisson leur a relaté ce soir où, après une journée d'audience à la cour d'assises, il a salué son client: «On se voit demain», qui lui a rétorqué: «D'accord, mais où?».

Dans ses conclusions, le Dr Franck a du mal à retenir –ou ne pas retenir– une altération du discernement au moment des faits: finalement, cela revient à émettre une hypothèse (le trouble mental) sur une autre hypothèse (la culpabilité du meurtre).

Il accorde que c'est une possibilité, que le ciel n'était pas serein pour Laurent Dejean. Mais «la personne qui a commis les faits n'était pas désorganisée. Elle camoufle le corps. Nos patients, quand ça leur arrive, ils sont perdus. Même chez eux, c'est le bazar». L'expert est hésitant; voient-ils plus clair que lui, après avoir côtoyé Laurent Dejean durant tout ce temps?

«Tout le monde a une conscience, non? J'essayais de ne pas mélanger inconscient et conscient.»

Laurent Dejean

À cette époque-là, Laurent Dejean entendait une voix de femme. Le président de la cour insiste sur ce point, «une voix de femme», et l'accusé reconnaît que oui, c'est une maladie.

Dans sa logorrhée caractéristique, il précise que ses hallucinations ne sont pas tant visuelles qu'auditives: «J'entendais des voix, et comment dire… Tout le monde a une conscience, non? J'essayais de ne pas mélanger inconscient et conscient. Ça m'embêtait, ça m'embêtait, mais je savais que ce n'était pas réel. Les voix peuvent dire des ordres, des méchancetés, mais je sais que ce n'est pas vrai.»

En audition, sa sœur Martine atteste qu'à l'été 2011, les voix disaient à Laurent de tuer toute sa famille, et que «cela l'inquiétait beaucoup».

Le Laurent en crise est irrationnel, mais le Laurent «normal», comme dirait sa mère Maria, n'aurait-il pas pu lui aussi commettre un meurtre?

Laurent Dejean souffrait encore de sa rupture avec Natacha et nous étions un 14 février, le jour de la Saint-Valentin. Patricia Bouchon était blonde comme Natacha; elle courait la tête couverte, avec une capuche ou un bonnet, mais elle était blonde comme Natacha.

Après tout, un puzzle n'a pas besoin d'être assemblé pour tenir dans une boîte.

«Je veux parler de votre dignité»

Un matin, tout le monde peut le sentir: le vent a tourné. Non qu'il y ait eu un quelconque sens bien défini jusque-là, mais dans la nuit, quelque chose a basculé. Rien n'a bougé, et pourtant, un changement à peine perceptible a traversé le banc des jurés.

L'un d'entre eux demande à Laurent Dejean s'il est droitier ou gaucher. On comprend qu'il a gardé en mémoire les propos du légiste signalant des coups sur la face gauche. Il est droitier: c'est compatible.

Un autre juré s'interroge: si Laurent Dejean avait si peur de se faire attraper avec sa Clio blanc glacier sans carte grise, pourquoi continuer à rouler avec dans Bouloc, alors même que des gendarmes se trouvaient à chaque coin de rue? C'est absurde.

«Dans la sincérité de leur conscience», les jurés cherchaient-ils à confirmer les incohérences psychologiques et les incertitudes matérielles du dossier, ou faisaient-ils appel à leur raison pour se forger une intime conviction?

À l'heure des plaidoiries, Me Guy Debuisson s'inquiète: «Je ne veux pas que vous vous disiez: “Cet avocat, il nous prend pour des cons!”». Mais il tient bon: «Vous ne pouvez pas condamner sans certitude.»

«Vous ne pouvez pas, un jour, alors que vous êtes à la plage, penser qu'un type est dans une cellule de 3 mètres sur 3.»

Me Guy Debuisson, avocat de Laurent Dejean

Il leur parle des jurés qui ont condamné Patrick Dils, de ceux qui ont reconnu Marc Machin coupable, du scandale Baudis-Alègre, quand le politique Dominique Baudis fut accusé à tort de viols, meurtres et actes de barbarie sur la base de faux témoignages.

L'avocat leur rappelle que ce n'est pas à eux de sauver l'enquête et de combler les vides, que l'intime conviction n'est pas un ciment qui viendrait combler les fissures et les interstices. Et il les prévient: «Vous ne pouvez pas, un jour, alors que vous êtes à Hossegor sur la plage en train d'entendre les goélands passer au-dessus de vos têtes, penser qu'un type est dans une cellule de 3 mètres sur 3.»

Me Guy Debuisson jure que ce qu'il veut, c'est trouver la vérité. Il se retourne alors vers les parties civiles et leur adresse un sourire.

Tout le long de ce procès hors norme, personne n'a pu l'ignorer: il émane de Christian et Carlyne Bouchon une dignité qui force le respect, dépourvue de ressentiment et de toute soif de vengeance. «Monsieur Bouchon, tous les matins, vous venez me saluer, me serrer la main, lance Me Debuisson à l'époux de la victime. Je veux parler de votre dignité. D'autant plus que je vous soupçonnais, j'ai dit: “C'est peut-être le mari”, vous vous en souvenez?» –c'était il y a longtemps.

«Je n'y crois pas le moins du monde»

Lors de sa déposition à la barre, Christian Bouchon avait précisé: «La justice, quand vous êtes victime, vous avez l'impression que c'est très lent. Des années!» «On oublie des choses, avait-il continué. Regardez, aujourd'hui je suis là, et je ne vous ai pas parlé des marches blanches, alors que c'était très important. Ça s'épluche, c'est normal. Huit ans pour en arriver là.»

Huit ans ont tout changé, mais les feuilles ont continué à tomber des arbres aux premières gelées et les fleurs à s'ouvrir au printemps suivant. Le monde a continué à se lever et à se coucher de la même façon.

L'avocat général David Sénat finit par l'admettre: «Huit ans après, ce sont des faits qui gardent une extraordinaire acuité dans le public, parce qu'on est au cœur de l'ordre public quotidien. On y est toujours. Rien n'a changé. La question reste actuelle, on peut se projeter dedans. Quelqu'un qui fait son jogging, c'est la vie quotidienne de tout le monde, l'expression de la liberté individuelle.»

En 2011 comme aujourd'hui, le meurtre de Patricia Bouchon demeure «un crime d'une grande lâcheté, commis par surprise, à l'aube, le soir ou la nuit, mais dans la pénombre, au détriment d'une victime hors d'état de faire face à tant de cruauté».

«J'ai l'impression que cette affaire a été faite au plus facile.»

Corinne, sœur de Laurent Dejean

Corinne, la sœur de Laurent Dejean entendue en visioconférence depuis Lyon, commence sa déposition: «Je voudrais dire deux petits mots. Je voudrais dire toute notre compassion pour la famille de madame Bouchon. C'est toute une tragédie qui a frappé ce petit village de Bouloc où j'ai grandi. Je n'aurais jamais cru que ça arriverait.»

«Dans un village, il y a toujours les petits canards que l'on montre du doigt, fait-elle assez vite remarquer. J'ai l'impression que cette affaire a été faite au plus facile. Avec tout le respect que je dois à la famille de madame Bouchon, je n'y crois pas. Je n'y crois pas le moins du monde.»

Elle décrit ce frère très sensible, «notamment avec tout ce qui concerne la santé»: sa propre fille, la nièce de Laurent, est tombée malade toute petite et il en a été «très affecté».

«J'ai très peur d'une erreur judiciaire», murmure Corinne. Le président de la cour la coupe: «Madame, madame! Nous avons tous très peur des erreurs judiciaires.»

Au terme de sa plaidoirie, Me Guy Debuisson se retourne vers les jurés. Il mentionne le vote blanc, cette possibilité qu'il leur reste. Et l'avocat termine par une supplique: «Je vous en conjure, ayez le courage du doute.»

«La cour a répondu oui...»

Le 29 mars 2019, huit ans jour pour jour après la découverte du corps de Patricia Bouchon, les jurés partent dans la salle des délibérés.

Que se disent-ils, derrière la lourde porte en bois gardée par deux policiers, ce matin où il fait si beau? Relisent-ils leurs notes, font-ils des schémas sur le trajet emprunté par Patricia Bouchon le 14 février 2011? Échangent-ils quelques banalités, pour alléger un instant le poids de leur responsabilité?

Parlent-ils de ce fameux doute, et de la place qu'il a pris au dîner depuis qu'ils sont devenus jurés? Repensent-ils à l'adage «Mieux vaut un coupable en liberté qu'un innocent en prison», le retournent-ils dans leur tête jusqu'à réaliser que l'adage ne dit rien sur les fous, et qu'il ne leur reste plus qu'à décider en leur âme et conscience?

À 14h30, après trois longues heures de délibéré, les jurés sont prêts. La cloche sonne. Ils reviennent sans leur carnet.

Le président Guillaume Roussel commence: «Monsieur Dejean, à la question: “L'accusé est-il coupable, le 14 février 2011, d'avoir donné volontairement la mort à Patricia Bouchon?”, la cour a répondu oui...»

Le public pousse un cri. La fin de la phrase du président se perd dans la stupeur assourdissante et le chaos général. Quelques personnes croient entendre un «oui à l'unanimité». Est-ce seulement possible? Cela constituerait une violation du secret des débats, l'unanimité revenant à rendre publique la décision de chacun des six jurés.

Alors dans le doute, cela n'est pas certain, il n'existe aucune preuve si ce n'est des témoignages épars dans l'assemblée, dans le doute, oui, comment savoir que c'est bien ce qu'il s'est passé?

Laurent Dejean lui-même semble incapable d'entendre ce qui vient après ce «oui». La cour retient une altération de son discernement en raison de ses troubles psychiques et pour cette raison, le condamne à une peine de vingt ans de réclusion criminelle.

Son regard se perd dans le vide. Il est complètement sonné.

Christian Bouchon et sa fille Carlyne embrassent leur famille et leurs avocats, se serrent fort dans les bras, vraiment fort, et les larmes roulent sur leurs joues. Justice est rendue, c'en est terminé.

«Lolo? Lolo! T'inquiète pas, tu vas faire appel!»

Aabid, ami de Laurent Dejean

Tandis que Laurent Dejean se lève pour partir, ses amis s'approchent du box des accusés. Il ne les voit pas. En prison, il n'a jamais voulu les voir; maintenant, il n'y parvient plus.

Aabid s'avance, un policier lui fait signe de s'arrêter où il est. Il obéit et lui crie: «Lolo? Lolo! T'inquiète pas, tu vas faire appel!» Au son de la voix de son ami, Dejean se retourne vers lui. Pour lui demander de la prévenir, ou de prendre soin d'elle, il hurle en retour: «Ma mère! Ma mère!»

Au début du procès, Carlyne Bouchon observait, à propos de sa mère Patricia: «Malgré mon âge, j'ai encore besoin d'elle. Ce qui me permet de tenir, c'est de suivre ses traces, suivre sa volonté et la force qu'elle avait.» En cette après-midi de mars, elle essuie ses yeux trempés de soulagement.

Une fois la porte de la grande salle refermée, Laurent Dejean s'effondre, seul sur son banc. Là où les sanglots sont à la fois invisibles et trop gros, il pleure et pleure encore.

Le policier qui l'a escorté tout au long du procès plonge la main dans la poche de son uniforme et lui tend un mouchoir. Alors en le prenant, Laurent lui prend aussi la main, et la serre très fort.

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