Santé

Je mens à mon psy, c'est un peu idiot, non?

Honte, refus de l'échec, mythomanie, mégalomanie, oublis, souvenirs revisités à notre avantage: c'est la liste non exhaustive des motifs qui poussent à ne pas dire la vérité à son thérapeute.

Mentir peut aussi être une décision sensée. | cottonbro <a href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/femme-mentir-porter-illusion-6491487/">via Pexels</a>
Mentir peut aussi être une décision sensée. | cottonbro via Pexels

Temps de lecture: 3 minutes

Dans Ça tourne pas rond, Mardi Noir, psychologue et psychanalyste, revient chaque semaine sur une question ou problématique psychologique.

Il y a environ sept ans, je fréquentais un homme violent verbalement. Un petit costaud, assez paranoïaque, qui avait décidé de s'exiler de Paris pour vivre à la campagne, reclus avec son chien. Pas vraiment beau, pas si vilain. Écorché et brutal. Il représentait de façon caricaturale tout ce qui me plaisait chez les hommes à cette époque. Rien de subtil dans sa manière de faire du mal. C'était direct. Sa violence, même quand elle me concernait, me laissait tranquille. Ça le regardait lui, avant tout.

Je pouvais me rassurer: «C'est un connard misogyne.» Mon ego restait intact: «Ce n'est pas moi, c'est lui le problème.» Un chemin long et fastidieux m'avait déjà fait prendre conscience que je jouissais de ces relations néfastes, voire dangereuses, et, pourtant, je continuais. Il faut croire que mon masochisme en réclamait encore quelques miettes.

Je ne cachais rien des agressions de cet homme à ma psychanalyste et lui confiai même la dernière en date, celle qui me permit de mettre un terme à cette relation. Il avait dépassé toutes les limites et m'avait menacée de mort, par téléphone. Je vous épargne les détails, mais il en avait donné, à la pelle (sans mauvais jeu de mots). Me voilà donc officiellement séparée.


Pourtant, quelques semaines plus tard, il s'est excusé par message, retraçant les chouettes moments que nous avions passés ensemble, le regret de ne plus me voir, le constat qu'il était allé trop loin. J'avais déjà guéri de ce genre de mots, mais je luttais tout de même contre cette petite voix qui me soufflait: «Retourne le voir, juste un peu. Un dernier shoot.» De cela, je n'en ai pas parlé à ma psy. Du moins pas tout de suite.

Protection par omission

Si, comme quelques années avant, j'avais cru sincèrement que l'histoire allait changer et évoluer vers un bonheur à deux –confortable, apaisé, avec cette dose suffisante d'excitation qui nous amène délicatement vers l'orgasme, pour ensuite préparer des cookies et se jeter de la farine au visage–, j'aurais accouru chez ma psy pour lui annoncer la bonne nouvelle! Il a des remords, il ne le refera plus, c'est formidable. Mais je savais qu'il n'y avait aucune chance que ce petit molosse ait une quelconque envie de faire des gâteaux.

Quand je parlais de lui et qu'elle me demandait si j'avais encore des contacts, je répondais par la négative. Je ne dévoilais rien pour protéger le peu de masochisme qui me restait, comme un secret cruel qui ne fait du mal qu'à moi (et un peu de bien aussi). Peut-être par honte, mais pas seulement. Je savais qu'elle ne me jugerait pas. La raison était plus insidieuse. L'acte de parler, d'analyser, de décortiquer, c'est un peu comme une mise à mort du phénomène. Elle se transforme. Elle n'est plus. Sa part bien réelle se symbolise, se met à distance.

L'acte de parler, d'analyser, de décortiquer, c'est un peu comme une mise à mort du phénomène.

C'est absolument salvateur dans bien des situations. Pour ce masochisme que je traînais comme un boulet, la parole fut essentielle et le parcours avait été accompli à 99%. Je voulais jouir de mon pourcent restant. Déjà que la séance me coûte soixante balles, si je ne peux pas me faire un petit plaisir coupable!

Plus sérieusement, il me fallait, à cet instant, maintenir cette ambivalence à vif. Certains anciens fumeurs rangent au fond d'un tiroir leur dernière cigarette, comme un fétiche témoignant d'un double mouvement: «J'ai arrêté, preuve en est cette cigarette que je ne fume pas.» Cependant, son petit nom pourrait tout aussi bien être «au cas où». Après tout, même si ces relations ne me convenaient pas, me rendaient malheureuse, mésestimée, elles faisaient aussi partie de ma vie. Elles racontaient l'une de mes facettes.


Superstition

Je peux aussi déceler dans ce mensonge un peu de superstition. Si j'avais dit la vérité sur le fait qu'il m'écrivait et que je songeais à remettre ça, je l'aurais peut-être fait. Je craignais aussi de faire des promesses intenables. Promesses à moi-même, car ma psy était silencieuse la plupart du temps: «Il m'a écrit, mais je jure devant tout ce que j'ai de plus cher que je ne succomberai pas à son appel.» Devoir me désavouer par la suite aurait été pire que de mentir.

Au fond, peut-on véritablement mentir à son psy? Le travail s'effectue sur ce qui est dit en séance. Mentir peut aussi être une décision sensée. J'ai annoncé que je ne le verrai plus et je me suis épargnée de lui raconter en détail mes doutes.

Il ne s'agit pas non plus de se casser la figure contre le mur d'une vérité crue et inabordable au moment présent.

Quelques mois après, je lui ai livré la totalité de l'histoire et lui ai spécifié ce que je viens de vous décrire ici. Le pourquoi du comment j'avais menti. Voir s'éloigner mon masochisme dans l'hiver, seul et sans défense, c'était ça le plus dur. Il me tenait chaud et me chantait la berceuse de qui j'étais.

Parfois, nous mentons pour notre bien parce qu'on ne sait pas ce que nous trouverons dans la sincérité. Elle fait peur, nous met tout nu face à nos doutes et nos échecs. Il faut un peu de courage pour ne plus mentir, mais gare à aller trop vite, il ne s'agit pas non plus de se casser la figure contre le mur d'une vérité crue et inabordable au moment présent.

Épisode 6Je mens à mon psy, c'est un peu idiot, non?
«La psychothérapie peut-elle faire plus de mal que de bien?»
«Peut-on ne jamais accepter la mort de ses parents?»
«Comment la psychanalyse pense-t-elle les transidentités?»
«Devenir mère doit-il forcément en passer par quelque chose d'aussi éprouvant?»
«Comment faire pour accepter de ne pas avoir eu de jeunesse?»
«L'amour se sépare-t-il du désir?»
«Quid du stade du miroir dans les contrées sans eau ou avant son invention?»
«Quel intérêt aurais-je à chercher un statut de victime d'inceste?»
«J'ai dû prendre l'ascenseur avec ma psy, j'ai cru crever»
«Gérard Depardieu a été en psychanalyse pendant vingt-huit ans. À quoi ça a servi?»
«J'ai rêvé que j'avais un rapport sexuel avec mon psy»
«Je n'ai plus d'amis. Suis-je trop intransigeante? Pas assez intéressante?»
«Les psys culpabilisent-ils de prendre des congés?»
«En psychanalyse, que veut dire l'expression “le sujet est divisé par le langage”?»
«Qu'est-ce que la psychanalyse a à dire de l'homosexualité?»
«Que dire du concept de la “mère crocodile” de Jacques Lacan?»
«Être bilingue peut-il changer notre personnalité?»
«Dois-je lire Freud ou Lacan pour m'aider à m'analyser?»
«Comment s'arrêter sans s'effondrer?»
«Est-ce que la perversion narcissique est une pathologie?»
«Si un psychanalyste détecte les traces d'une maladie mentale chez un patient, doit-il le lui dire?»
«Comment parler à ma psy de ce qui ne va pas dans nos séances?»
«Je fais un rêve récurrent: celui de l'inceste entre mon père et moi»
«Peut-on être en couple dans son inconscient avec un parent?»
«Est-on condamné à être le toxique d'un autre?»
«Une psychanalyse en langue étrangère peut-elle être efficace?»
«Mon psy remarque-t-il mes changements physiques?»
«Comment devenir psychanalyste?»
«J'ai peur de prendre conscience que mon entourage est toxique»
«Ai-je tort de mélanger l'amour et le respect?»
«Un psy qui n'a pas vécu de moments difficiles peut-il être un bon psy?»
«J'ai été contactée par un chasseur de têtes mais je ne sais pas quoi faire»
«Ça m'a choquée qu'on enseigne l'aliénation parentale aux professionnels de la justice»
«L'école me demande de tester mon enfant chez un psychologue»
«J'ai le sentiment d'avoir du mal à me connecter à mon désir»
«Je suis tombé amoureux de ma psy»
«Est-ce que savoir pourquoi on souffre, c'est forcément guérir?»
«J'ai l'impression que l'analyse participe à la recrudescence des symptômes»
«Quelle est la différence entre la jouissance et l'angoisse?»
«J'ai l'impression de m'être annulée pour mon conjoint et cela surgit dans nos disputes»
«Je suis un homme et j'ai eu des relations sexuelles avec ma mère, de mon enfance à mon adolescence»
«À quoi sert le transfert entre un patient et son psychothérapeute?»
«Je crains que mes collègues découvrent les traces de mon passé»
«Je ne vois plus la différence avec ce que pourrait apporter le développement personnel ou la pensée positive»
«J'ai repéré que mon psy n'avait plus d'alliance depuis quelque temps et cela me tracasse»
«Je me questionne sur les limites de la psychanalyse»
«Comment savoir si je suis influencée par mon enfance ou s'il se fout de ma gueule?»
«Je ne me rappelle pas ce que je raconte en séance»
«J'ai confiance en ma psy mais je suis gênée par l'écart socioculturel entre nous»
«J'ai récemment été envahie d'envie face au succès de mes amis, une émotion dont j'ai honte»
«J'ai l'impression que tout ce que j'ai appris en master de psychanalyse est vain depuis que j'ai commencé à voir un psy»
«Mon père est une sous-merde, j'ai peur que son modèle m'empêche de trouver un mec bien»
«J'ai un gros problème d'hygiène corporelle, comment recommencer à prendre soin de moi?»
«Que faire de la sensation de jalousie quand mon copain parle ou rigole avec des femmes?»
«Depuis toujours, je suis attirée par des hommes que je ne peux pas avoir. Comment sortir de ce schéma?»
«Si la mère n'est pas cette personne de confiance absolue, c'est qui alors?»
«Au sujet de l'euthanasie, je m'interroge: est-ce réellement nécessaire d'en arriver là?»
«Je suis une personne introvertie, en décalage avec la société. Vais-je trouver ma place?»
«Est-ce qu'on est toujours soi-même quand on prend des antidépresseurs?»
«Je fréquente mon supérieur hiérarchique qui vit avec sa compagne et contrôle ce que je fais»
«Mon psy m'écoute-t-il vraiment?»
«Mon copain est meilleur ami avec son ex et j'ai du mal à le vivre»
«Mon compagnon souffre d'un trouble psychique grave et je ne me sens pas soutenue»
«Est-ce OK de ne pas aimer sa propre mère?»
«Mon amie ne sort qu'avec des hommes violents et elle se sent coupable. Comment l'aider?»
À quoi ça sert de voir un psy quand on est vieux?
Pourquoi les lapsus sont-ils si importants en psychanalyse?
Pourquoi les psychanalystes donnent-ils leur avis sur le monde (et doit-on les écouter)?
Pourquoi mon psy a-t-il un divan sur lequel je ne m'allonge jamais?
Risque-t-on de divorcer après une psychanalyse?
Les psys psychanalysent-ils leur entourage?
Faut-il prendre des notes sur ce qu'on compte dire à son psy?
Faut-il voir un psy quand on est en burn-out?
Peut-on être ami avec son psy?
Les consultations de psy à distance sont-elles moins efficaces?
Mon psy me rend-il dépendante de lui?
Parler à ses proches de ce qu'on dit (sur eux) en thérapie: bonne ou mauvaise idée?
Comment savoir si on a choisi le bon psy?
La durée d'une séance chez le psy a-t-elle une importance?
Qu'est-ce que mon psy prend en notes pendant ma séance?
Est-ce que je choisis une psy femme ou un psy homme?
Faut-il avoir un problème pour aller voir un psy?
Pourquoi dit-on qu'il ne faut pas prendre de décisions importantes au début de son analyse?
Pourquoi chez le psy, c'est toujours la faute des parents?
Je n'arrive pas à regarder mon psy quand je lui parle, c'est grave?
Pourquoi ne pourrait-on pas avoir le même psy que son mec, ses parents, ses potes?
Mon psy est mort, faudrait que je lui en parle
J'ai honte de voir un psy et d'en parler autour de moi
Comment et quand arrête-t-on une psychanalyse?
Faut-il soigner son langage devant son psy?
Pourquoi les psychanalystes ramènent tout au sexe?
Mon psy voit-il un psy?
Pourquoi mon psy accorde-t-il tant d'importance à mes rêves?
Quand faut-il emmener son enfant chez le psy?
Peut-on et pourquoi changer de psy?
Que faire si on tombe amoureux de son psy?
Psychiatre, psychologue, psychanalyste: quelle différence? Qui choisir?
Comment convaincre un proche de consulter un psy?
Je mens à mon psy, c'est un peu idiot, non?
La psychanalyse est-elle sexiste?
Est-on obligé de payer son psy en liquide?
Je fais des rêves vraiment dégueulasses, ai-je un problème?
La première fois que j'ai eu un aperçu de l'intimité de ma psy, ce fut durant sa grossesse
«Moi les hommes, je les chasse»

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