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Dans Ça tourne pas rond, Mardi Noir, psychologue et psychanalyste, revient chaque semaine sur une question ou problématique psychologique.
Plein de raisons peuvent amener à consulter quand on a un certain âge: le deuil, les pertes cognitives douloureuses pour l'ego, le vide de la retraite, la maladie, la solitude, les traitements palliatifs... Cependant, la question n'est pas sans intérêt. Freud a évoqué l'âge des patients dans plusieurs textes, notamment dans ceux traitant des contre-indications au démarrage d'un travail psychique.
À 50 ans, il estimait que l'âge limite d'entrée en analyse se situait autour de la cinquantaine. À 80 ans passés, il préconisait la psychanalyse pour tous les âges, sauf pour les sujets très âgés. Le père de la psychanalyse n'avait sans doute pas tellement envie de s'allonger lui-même sur le divan, puisqu'il posait à chaque fois la barrière de l'âge en fonction du sien.
Être vivant, mais dans l'attente
Ceci dit, et toujours dans cette idée des sujets envisagés au cas par cas, il est aberrant d'imaginer qu'une vieille personne ne puisse pas bénéficier d'un travail psychique, quel qu'il soit. Il n'y a pas d'âge pour se représenter un excès d'excitation désagréable, pour faire des liens, pour évoquer son passé, ses envies et sa façon singulière d'être au monde. L'inconscient, de toute façon, n'a pas d'âge et est indifférent au temps.
De plus, la mort, même si on la conçoit théoriquement, est irreprésentable. Elle est, comme dirait Lacan, «un acte de foi». On y croit dur comme fer, on y est obligé, ça soulage de savoir qu'il y a une fin à tout ce merdier, mais en est-on si certain? Je le vois bien, mes parents sont âgés, handicapés, malades chroniques, la mort rôde. Elle n'est pas déniée, seulement, elle n'a pas de matérialité. Enfonçage de portes ouvertes, bonjour: tant qu'on n'est pas mort, on est vivant.
Vivant certes, mais comme en attente. Il y a chez certains sujets âgés une sorte de sas pre-mortem. Installés dans le canapé, un verre de whisky à la main devant «C dans l'air», en bas de contention, il souffle un vent d'à-quoi-bon dans le salon. Matin, café, toilette de chat pour ceux qui y parviennent encore, carottes râpées Bonduelle, côtelettes d'agneau, une tache de gras sur la chemise, le ventre grossissant devenant une sorte de table d'appoint, sieste, c'est déjà l'heure d'«Affaire conclue» ou de «Ça commence aujourd'hui» avec Faustine Bollaert, le whisky, «C dans l'air», le dîner, le dodo.
Il est possible d'améliorer le présent
Premières observations: où caser le psy dans cet emploi du temps militaire? Et qu'est-ce que ça va changer –les années sont derrière soi? Qui est cette bonne femme qui me pose des questions? Où suis-je? Ramenez-moi à la maison!
Sans doute qu'à 80 balais, en fauteuil roulant, l'idée n'est pas de changer de métier pour enfin devenir hôtesse de l'air et voyager à travers le monde. Il y a «Pékin Express» pour ça. Mais si la vie est trop dure, pesante, pénible, il est toujours possible d'améliorer le présent, d'être à une place à peu près supportable, à peu près satisfaisante, dans laquelle on ne rajoute pas des obstacles en pagaille.