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Après leur défaite, des nazis ont constitué une armée secrète

Albert Schnez, en 1968, avec le président allemand Heinrich Lübke. <a href="http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bundesarchiv_Bild_183-G1024-0205-007,_Bonn,_Albert_Schnez,_Heinrich_L%C3%BCbke.jpg">Via Wikimédia Commons.</a>
Albert Schnez, en 1968, avec le président allemand Heinrich Lübke. Via Wikimédia Commons.

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Der Spiegel, Süddeutsche Zeitung

À partir de 1949, près de 2.000 anciens officiers de la Wehrmacht et de la SS ont travaillé secrètement à la constitution d'une armée anticommuniste capable de mobiliser 40.000 hommes en cas d'invasion soviétique ou de guerre civile, rapporte Der Spiegel cette semaine.

L'histoire de cette armée de l'ombre, dont l'existence n'avait jusqu'à présent jamais été rendue publique par les autorités allemandes, dormait depuis plus d'un demi-siècle dans les archives du BND, le service des renseignements allemand. Jusqu'à qu'un historien, Agilof Kesselring, qui menait des recherches sur l'histoire du BND, soit tombé par hasard sur un dossier de 321 pages étiqueté sous un nom trompeur: «Assurances». Der Spiegel a pu avoir accès à son contenu.

Cette armée secrète voit le jour en 1949 sous l'égide de l'ancien colonel nazi Albert Schnez, dans la région de Stuttgart. Ses membres, recrutés parmi les anciens officiers de l'armée nazie, veulent doter l'Allemagne désarmée et démilitarisée d'une troupe prête à agir face à la menace communiste. On est alors au début de la guerre froide, rappelle Der Spiegel:

«Les débats tournaient toujours autour de la question: que faire si les Russes ou leurs alliés est-allemands débarquent? La République fédérale n'avait toujours pas d'armée, et les Américains avaient retiré beaucoup de GI en Europe après 1945.»

Les têtes pensantes de cette troupe recrutent des fonds auprès des entreprises allemandes et passent des accords avec des entreprises de livraison pour pouvoir disposer rapidement de véhicules en cas de conflit. Les documents du BND prouvent que les services secrets allemands ont eu connaissance de l'existence de cette armée dès 1951. Albert Schnez, qui avait des relations haut-placées au ministère de l'Intérieur et comptait par ce biais pouvoir fournir sa troupe en armes, a même été jusqu'à proposer un partenariat aux services secrets allemands.

Le chancelier au pouvoir, Konrad Adenauer, ne fit étrangement rien pour dissoudre cette armée. «Reculait-il face au conflit avec les vétérans de la Wehrmacht et la Waffen-SS?», se demande Der Spiegel. Adenauer ordonna aux services secrets de «prendre en charge et surveiller le groupe», tout en sachant que si jamais les Alliés avaient vent de son existence, cela compromettrait le processus d'intégration de la République fédérale à l'Ouest et le projet de constitution d'une armée légale.

En 1955, la Bundeswehr fut créée, et l'armée d'Albert Schnez devint tout à coup superflue. Les documents du BND ne permettent pas de savoir quand fut-elle réellement dissoute. Profitant de sa proximité avec le pouvoir, Albert Schnez sortit de l'ombre pour entrer dans la nouvelle armée allemande, où il fut promu au grade de général de brigade.

Décédé en 2007, l'ancien colonel nazi n'a jamais évoqué l'histoire de cette armée de l'ombre, mais aimait se vanter de son influence au sein du pouvoir politique, comme le rapporte le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung. Peu de temps avant sa mort, il avait par exemple raconté comment il s'était permis, au début des années 1960, de lancer à Adenauer lors d'une réunion publique, alors que celui-ci évoquait les difficultés politiques liées à Berlin face aux forces soviétiques:

«Monsieur le chancelier, si vous abandonnez Berlin-Ouest, vous n'avez plus besoin de vous présenter lors des prochaines élections.»

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