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Pourquoi l’Egypte n’a plus aucune importance

Ce pays n'est plus, et depuis longtemps, le centre politique, idéologique et culturel du monde arabe.

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Time Magazine, Forbes

La tragédie égyptienne mobilise depuis des semaines les diplomaties occidentales. Il ne se passe pas une journée sans que les Etats-Unis, l’Union européenne ou la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ne fassent part de leur «préoccupation» et critiquent la brutalité de l'armée égyptienne et l'intransigeance des Frères musulmans. Les affrontements sanglants au Caire et dans les grandes villes égyptiennes font la une des journaux presque quotidiennement.

Mais, comme le souligne Time, il s’agit plus d’un réflexe et d’une référence aux années 1960 et 1970, quand l’Egypte était le centre du monde arabe, que d’une appréciation objective de l’importance, devenue aujourd'hui négligeable, de ce pays.

Il y a un quarante ans, explique le magazine américain, l'Egypte était «le pivot du monde arabe, sans le moindre doute son plus important pays. Elle était la source de l’idéologie post-coloniale la plus influente: le nassérisme. Le Caire était le centre culturel des peuples arabes, la source de grand films, de séries télévisées populaires, de musique, d’art, de littérature,avec une scène médiatique vibrante. Même si l’Egypte n’avait pas les ressources naturelles de l’Arabie saoudite et de l’Irak, elle avait, en comparaison avec ces pays, un capital intellectuel abondant: c’était le centre de l’enseignement de haut niveau de la région avec les meilleures universités, à la fois séculaires et religieuses. La main-d’œuvre égyptienne était recherchée dans les Etats du Golfe… Et enfin, l’Egypte était une menace pour Israël».

L’Egypte aujourd’hui n’est plus rien de tout cela, à la fois parce que le Moyen-Orient a beaucoup changé depuis les années 1970 et parce que dans le même temps, le pays a régressé.

Le Caire n’est plus le centre culturel du monde arabe. Les universités égyptiennes ont une piètre image. Les téléspectateurs arabes regardent les soap operas turcs, les vidéos musicales libanaises et les chaînes satellitaires qataris. Les Etats du Golfe préfèrent la main d’œuvre indienne, pakistanaise et philippine.

Après des décennies de corruption, de bureaucratie et de pouvoir militaire, l’Egypte n’a cessé de s’affaiblir économiquement, diplomatiquement, culturellement et militairement. Et dans le même temps, la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Qatar, les Emirats... ont pris une autre dimension.

Ce qui reste à l’Egypte aujourd’hui, résume Time, c’est son pouvoir de nuisance:

«Il semble maintenant que le principal souci avec l’Egypte sur le plan régional et mondial est que ce pays est une source potentielle de problèmes. Sa combinaison d’instabilité, de corruption et d’incompétence fait de l’Egypte une terre fertile pour le radicalisme et l’islamisme…»

Et le magazine américaine de conclure que le gouvernement américain doit cesser de verser 1,3 milliard de dollars d’aide annuelle à l’armée égyptienne et doit se préparer à une crise humanitaire qui ne peut que survenir avec les brutalités militaires et la misère économique.

Allant encore un peu plus loin dans cette logique, Robert D. Kaplan, analyste géopolitique et militaire reconnu, écrit dans Forbes que le chaos politique qui gagne un certain nombre de pays arabes comme l'Egypte, la Libye, la Syrie, le Yémen voire la Tunisie n’est pas en soi un problème. Il ne représente, d'un strict point de vue géopolitique, aucune menace pour les Etats-Unis et les pays occidentaux tant qu'il n'affecte pas la Turquie et les pays du Golfe persique et leur production d'énergie .

Il considère que la menace terroriste, associée au chaos, est en fait surtout dirigée vers les Etats défaillants et les affrontements internes, davantage que vers l’extérieur. Il ajoute:

«Est-ce que le chaos ne menace pas la transition d’autocraties illégitimes vers des démocraties? C’est un argument moral, pas géopolitique. Et même l’argument moral est contestable, car il méprise les leçons de l’histoire.»

Il rappelle qu'il a fallu des siècles aux pays européens pour devenir des démocraties apaisées et qu'ils ont aussi traversé des périodes de chaos et de guerre civile.

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