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Trayvon Martin: 5 articles à lire sur l'Amérique d'Obama

Lors d'une manifestation pacifique après le verdict, à Los Angeles, le 15 juillet 2013.  REUTERS/Jonathan Alcorn
Lors d'une manifestation pacifique après le verdict, à Los Angeles, le 15 juillet 2013. REUTERS/Jonathan Alcorn

Temps de lecture: 5 minutes

Depuis l'acquittement de George Zimmerman, l'homme qui a abattu Trayvon Martin, 17 ans, en Floride en février 2012, ce samedi 13 juillet, l'affaire ne s'est pas terminée, bien au contraire.

Le département de la Justice américain va recommencer son enquête sur le cas pour voir s'il serait possible de poursuivre George Zimmerman pour «crime de haine», (autrement dit, le ministère de la Justice veut voir s'il peut prouver que George Zimmerman a poursuivi Trayvon Martin puis lui a tiré dessus lors d'une bagarre parce que le jeune homme était noir).

Et une des jurées vient de signer avec un agent littéraire, ce qui mènera sûrement à un livre.

Mais si vous voulez prendre un peu de recul, voilà quelques articles et sites passionnants pour mieux comprendre l'Amérique de Barack Obama et de George Zimmerman dans laquelle ce verdict a été prononcé:

1. Notre vrai problème, c'est la fureur des blancs (Salon)

Le site revient sur ce qui s'est passé le soir de la mort de Trayvon Martin, quand la police de Sanford, Floride, est arrivée, et a laissé repartir George Zimmerman sans l'inculper, estimant son récit de légitime défense logique. Les policiers n'ont pas vérifié si Zimmerman était sous l'influence de drogues, d'alcool ou de médicaments (alors qu'il en prenait deux sortes), ce qui aurait pu jouer lors du procès. Et à la veille du verdict dans l'affaire, la même police a tenu une conférence de presse pour affirmer qu'elle «ne tolèrerait pas qu'on utilise ce verdict comme excuse pour violer la loi».

«La police de Sanford a laissé Zimmerman partir, tranquillement dans la nuit, comme il est également parti samedi. Mais la même police menace désormais de répondre rapidement et avec force à toute violence qui aurait lieu en réaction à l'injustice causée par son propre département.»

La possibilité d'«émeutes raciales» a été évoquée après la mort de Trayvon Martin et après ce verdict –c'est la crainte sous-entendue dans les mots de la police de Sanford–, mais aux Etats-Unis les pires exemples d'«émeutes raciales» sont des attaques violentes de blancs contre des noirs, notamment à Tulsa en 1921, ou un groupe d'hommes blancs armés sont entrés dans un quartier noir, ont tué 300 personnes et laissé 8.000 personnes sans abri.

«Et pourtant la police américaine ne parle jamais de la rage blanche comme d'une chose à craindre ou contre laquelle il faut s'organiser stratégiquement. Les hommes blancs ne sont pas arrêtés en nombre disproportionné par la police, ou fouillés avant d'entrer au cinéma ou dans des classes [...]

Mais ce qui est le plus déconcertant, c'est qu'un homme noir qui choisit de participer à une émeute a autant de chance de faire face à une force violente et mortelle que s'il rentrait tranquillement chez lui avec un paquet de Skittles et un ice-tea. C'est la tragédie ultime que le procès de Zimmerman a lâché dans cette ère soit-disant “post-raciale”.»

2. Trayvon (The audacity of despair)

David Simon, le créateur –blanc– de Sur Ecoute (The Wire), géniale série qui suit la police de Baltimore, et Treme, à la Nouvelle-Orléans, a posté un billet aussi court que violent sur son blog après le verdict:

«Si j'étais un noir en Floride, j'attraperais une brique et je commencerais à marcher vers le tribunal à Sanford. Ceux qui ne le font pas, ceux qui gardent la douleur et la trahison en eux et réussissent à résister à la violence –ces citoyens font preuve d'une tolérance stoïque au-delà de ce que le reste d'entre nous méritons. Je le confesse, leur patience et leur patriotisme vont bien au-delà des miens [...]

Je ne peux pas regarder un parent africain-américain dans les yeux quand je pense à ce qu'il ou elle doit dire à leurs fils à propos de ce qui peut leur arriver dans les rues de leur pays. Ce soir, quiconque comprend réellement ce qu'est la justice et ce qu'elle demande à la société a honte de se dire Américain.»

Slate.com note que les réponses de David Simon dans les commentaires de son blog sont encore plus intéressantes.

3. Le jury Zimmerman a dit aux jeunes hommes noirs ce que nous savions déjà (Gawker)

Cord Jefferson se souvient d'une expérience de racisme humiliante dans sa jeunesse, avant d'analyser:

«C'est compliqué d'être jeune, noir et homme en Amérique. Non seulement vous savez que beaucoup de gens ont peur vous –vous les voyez s'accrocher à leur sac à main ou se raidir dans leurs sièges du métro quand vous vous asseyez en face d'eux– mais vous devez aussi vous rappeler que les gens s'attendent à ce que vous vous excusiez de leur peur [...]

Si vous êtes un homme noir et que vous ne restez pas vigilant et obséquieux face à la panique des gens blancs –si, par exemple, vous tapez un mec qui vous approche pendant votre dîner en amoureux et hurle «Nègre!» dans votre tête ou si, par exemple, vous tapez un mec qui vous suit sans raison dans le noir avec un pistolet sur lui– vous devez être prêt à être arrêté, battu, à ce qu'on vous tire dessus et à mourir alors que vous rentriez chez vous pour regarder un match de basket en famille [...]

Trayvon Martin est mort –et tant de jeunes hommes comme lui sont morts ou en prison– parce qu'en Amérique c'était sa responsabilité de le supporter. C'était sa responsabilité de laisser un inconnu avec un flingue le poursuivre la nuit dans son propre quartier en le suspectant d'être louche. C'était sa responsabilité de s'excuser d'être un garçon noir qui faisait peur aux gens. Ce n'était pas la responsabilité de George Zimmerman de laisser un garçon rentrer chez lui voir sa famille.»

4. Nous ne sommes pas Trayvon Martin (Tumblr)

Sur ce Tumblr, des centaines de personnes réfléchissent aux privilèges qu'ils ont en n'étant pas Trayvon Martin, en n'étant pas un jeune homme noir. Chacun peut envoyer un post et expliquer en quoi il ou elle n'est jamais arrêté(e) par la police / jugé(e) sur autre chose que ses qualités etc, tout ça parce qu'il ou elle n'est pas un homme noir. 

Le blog a été créé en réponse à la fois au slogan «We are Trayvon Martin» (qui est un peu l'équivalent de notre "Nous sommes tous des XXX"), et au post sur Facebook d'un homme intitulé «I am not Trayvon Martin» et qui expliquait:

«Je vois partout des gens dire "Je suis Trayvon Martin". Je comprends l'idée.

Je ne suis pas Trayvon Martin. Je suis un mec blanc en surpoids, la cinquantaine, de classe moyenne. Je suis aussi un professeur et en 20 ans d'enseignement, j'ai vu plein de Trayvon Martin.[...]

Voilà ce que je veux dire: pas besoin d'être Trayvon Martin pour savoir que c'est injuste. Pas besoin d'être noir, ou jeune, ou un "étudiant en difficulté" ou un fumeur de hash pour savoir que c'était un meurtre. Et pas besoin d'être les parents de Trayvon Martin pour savoir qu'il y a eu une vulgaire parodie de justice.

Ce genre d'injustice continuera jusqu'à ce qu'assez de types comme moi –des types qui ne sont pas Trayvon Martin– en auront eu assez et diront enfin "Ça suffit".

Vous n'avez pas besoin d'être Trayvon Martin»

Vous avez juste besoin d'être humain.»

5. La peur d'un président noir (The Atlantic)

Cet article a beau dater de septembre 2012, il est toujours autant d'actualité. Ta-Nehisi Coates y revient sur le moment où Barack Obama a parlé de l'affaire Trayvon Martin, en disant entre autres «Si j'avais eu un fils, il ressemblerait à Trayvon». Avant ce moment, d'après l'auteur, il y avait un consensus sur l'idée que George Zimmerman était le méchant de l'histoire. Après, la situation s'est inversée, dans un débat racialement et politiquement enflammé.

«L'ironie de Barack Obama est celle-ci: il est devenu l'un des hommes politiques noirs avec le plus de succès de l'histoire américaine en évitant les thèmes raciaux radioactifs– et pourtant sa couleur noir indélébile irradie tout ce qu'il touche.»

Ta-Nehisi Coates part de l'affaire Trayvon Martin pour évoquer beaucoup plus largement le racisme qui a entouré l'élection de Barack Obama et qui continue d'exister aux Etats-Unis.

C.D.

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