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Toutes les fins du monde auxquelles on a déjà réchappé

Il y en a déjà eu 182, mais on vous a sélectionné les meilleures.

Une super Lune, vue à Phoenix en Arizona, le  5 mai 2012. REUTERS / Darryl Webb
Une super Lune, vue à Phoenix en Arizona, le 5 mai 2012. REUTERS / Darryl Webb

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182c’est le nombre de fois où la fin du monde a été annoncée avant celle du 21 décembre d’après l’historien Luc Mary. Puisque vous lisez cet article, vous vous doutez bien qu’aucune de ces prédictions ne s’est accomplie.

«Je suis certain qu'en cherchant bien on peut trouver des prédictions de fin du monde chaque année depuis des siècles, notamment dans les milieux protestants évangélistes», estime Jean-Noël Lafargue, auteur de Les Fins du Monde: de l’Antiquité à Nos Jours.

Très présentes dans les textes religieux, les prédictions apocalyptiques ont aussi inspiré des chefs-d'œuvre tels le Jugement dernier de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine à Rome, le Quatuor pour la fin du temps d'Olivier Messiaen ou encore le jardin des Délices de Jérôme Bosch.

Il y a donc fort à parier que ce mythe survivra au 21 décembre 2012, et que de nouvelles prédictions viendront encore s’ajouter aux 183 existantes. En les attendant, voici les plus emblématiques des fins du monde qui ne se sont pas produites:

1.La toute première

La toute première prédiction d’apocalypse bien renseignée est celle du Livre de Daniel dans l'Ancien Testament. D’après Luc Mary, historien et auteur du livre Le mythe de la fin du monde:

«Elle aurait été écrite aux environs de 167 av. JC dans le Livre de Daniel, à la suite de la profanation du Temple de Jérusalem par le roi Antiochos IV.» 

A son arrivée au pouvoir, le roi Antiochos IV qui règne sur l'empire des séleucides (un empire syro-iranien instauré entre -305 et -64 av.JC) tente d'éradiquer le judaïsme et applique une politique d’hellénisation forcée de la Judée. Il interdit le sacrifice juif, les fêtes et la circoncision, avec peine de mort pour ceux qui font chabbat.

«Cela a déchaîné la colère des juifs et déclenché la révolte des Maccabées. Le prophète Daniel prophétisa alors la fin des temps et l'avènement d'un temps meilleur pour les juifs, où aurait lieu le règne éternel de Dieu. Pour les juifs, c'était un message d'espoir, une révélation de temps plus prospères, plus divins.»

D'après la prophétie de Daniel, «le temps de la fin» devait commencer «1.290 jours après la fin du sacrifice perpétuel». Personne ne s'est  jamais mis d'accord sur sa date exacte.

2.Les chrétiens et la peur de l’an mille

Pour les historiens, l’idée selon laquelle il aurait pu exister «une grande peur de l’an mille» fait débat.

Cette date à trois zéros n’a peut-être pas provoqué autant d’angoisses que sa date cousine l’an 2000, malgré ce que laisseraient supposer de nombreux textes. Jean-Noël Lafargue précise:

«Les historiens débattent du sujet mais un consensus tend à écarter l'idée d'une "grande peur de l'an mille". Les chroniques de l'époque font état d'un intérêt pour la question parmi les religieux, mais pas d'une panique et encore moins d'une panique générale.»

A l’époque, le calendrier n’était pas encore très répandu et les gens n’ont probablement pas eu conscience du passage au nouveau millénaire:

«Peu de gens connaissaient la date à laquelle ils vivaient. […] Les premiers textes faisant état d'une grande peur datent effectivement de deux siècles plus tard, et seront repris pendant la Renaissance, et surtout à l'époque romantique, deux périodes qui ont eu un intérêt politique, philosophique et esthétique à véhiculer une image du Moyen-Age sombre et superstitieuse.»

3.Les prophéties du XXe siècle

Les nombreuses prophéties du XXe siècle sont plus faciles à répertorier, et ont eu un impact avéré sur les populations. D’après Luc Mary, «il y en a eu 18, dont une dizaine sont comprises entre 1945 et 1991 à cause de la peur de la Guerre froide et de l’apocalypse nucléaire. A partir du XXe siècle, les hommes ont progressivement moins peur des dieux mais plus peur d’eux-mêmes».

La crainte de l’apocalypse nucléaire, qui atteint son paroxysme avec l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl en 1986, a aussi été une source d’inspiration pour les scénaristes du cinéma. Après la chute du Mur de Berlin, la peur du nucléaire reste ancrée mais s’y ajoutent des peurs liées à toutes sortes de catastrophes naturelles. Luc Mary explique:

«C’est une peur plus rationalisée, basée sur des phénomènes observés: l’univers est périssable, des astéroïdes ont déjà détruit d’autres planètes, les dinosaures aussi ont été exterminés.»

  4.Celles des témoins de Jéhovah

Les témoins de Jéhovah aiment beaucoup les prophéties: ils en ont formulé au moins huit et détiennent ainsi le record des annonces de fin du monde ratées. Bernard Blandre, auteur du livre Les témoins de Jéhovah, raconte leur fin du monde de 1914:

«Ils avaient prévu l’effondrement complet de tous les systèmes politiques, économiques, sociaux et religieux ainsi que la fin des guerres. Tout ce qui était méchant devait disparaître. Ne devaient rester sur Terre que les témoins de Jéhovah et les futurs convertis.»

Pour le reste de l’humanité, cette date correspondra plutôt au début de la Première Guerre mondiale (et ses 9 millions de morts en quatre ans).

Cet échec cuisant ne les empêchera pas de présager d’autres fins du monde, un moyen pratique et rapide de recruter des fidèles, selon Bernard Blandin:

 «La peur de la fin du monde est un stimulant pour eux. Ils en ont prédit une pour 1975 par exemple. Entre 1966 et 1975, le nombre de baptêmes a beaucoup augmenté, les témoins étaient galvanisés et très motivés pour recruter. Mais après 1975, ils ont déçu et perdu 551.000 fidèles sur les 2.179.000 dans le monde.»

5.Les peurs «scientifiques»

Les prédictions à caractère «scientifique» sont souvent prises très au sérieux par la population. En mai 1910, des astronomes prévoient que la Terre est sur la trajectoire de la queue de poussière de la comète de Halley. La population s’affole: la queue pourrait contenir un gaz toxique, le cyanogène, susceptible de les intoxiquer. Très médiatisée, cette prophétie provoqua des mouvements de panique décrits par Eugen Weber dans son livre Apocalypses et Millénarismes:

«La comète suscita des angoisses qui s’exacerbèrent jusqu’à la panique. Certains continuaient en effet d’y voir un présage des plus funestes. A Londres, le général William Booth, de l’Armée du Salut, qui s’attendait à la fin de toutes choses, prédisait la destruction par l’eau et le feu. A Paris, une prophétesse en vogue, Mme de Thèbes, (…)  prévoyait que le destin de l’humanité allait être rougi de sang, une crise financière allait éclater.»

(Carte postale de 1910)

Dans la nuit du 18 au 19 mai 1910, la population mondiale a vraiment cru mourir intoxiquée:

«Dans le monde entier, prières et panique allèrent de pair: les églises se remplirent, les mineurs refusèrent de descendre dans les puits, les femmes obturèrent portes et fenêtres, pour empêcher le gaz mortel de rentrer dans les maisons.»

Autre mystère de la science, en 2008, le Cern inaugure le Grand collisionneur d’hadrons (LHC). Malgré les publications rassurantes du Cern, l’accélérateur de particules continue, encore aujourd’hui, de susciter l’effroi avec l’avènement d’un possible «mini-trou noir planétaire» potentiellement capable d’engloutir la Terre:


Le trou noir du CERN - Insolite

A ce jour, aucun trou noir n’a été observé. A la place, on a même découvert le Boson de Higgs.

Enfin, un des plus éminents scientifiques de tous les temps, Sir Isaac Newton, à l’origine –entre autres– de la loi universelle de la gravitation et du calcul infinitésimal, a prévu la fin du monde pour 2060. D’après Haaretz, qui consacre un article à ce sujet:

«Pour  calculer la fin des temps, Newton se base sur la date du sacre de Charlemagne en tant qu’empereur romain, en 800 ap. JC et sur des informations recueillies dans le livre de Daniel, qui selon lui prévoyait la fin du monde 1260 ans plus tard, soit en 2060.»

6.Le 11 août 1999 de Paco Rabanne

Impossible de conclure une compilation de prophéties de fin du monde sans mentionner le couturier Paco Rabanne, auteur de 1999, le feu du ciel, qui avait annoncé l’apocalypse pour le 11 août 1999. Il expliquait avoir fondé sa théorie sur une réinterprétation croisée entre numérologie, Nostradamus et aéronautique:

«C'est précisément le 11 août qu'aura lieu la plus grande éclipse du siècle. Celle-ci s'accompagne d'une conjonction astrale particulièrement inquiétante pour notre pays. Je vous rappelle qu'en inversant 1999 on obtient 6661, soit 666, le nombre de la Bête, accolé à 1, le chiffre de Dieu: l'affrontement entre le Christ et l'Antéchrist annoncé dans l'Apocalypse! (…) Je n'ai su exactement ce qui allait causer la catastrophe qu'il y a deux ans, lors d'une conversation avec un chercheur en aéronautique du CNRS. C'est lui qui m'a mis sur la voie de Mir, ensuite j'en ai eu la confirmation chez Nostradamus.»

Pour Luc Mary, pourtant, Nostradamus n’aurait jamais annoncé de fin du monde:

«Le livre sur les soi-disant prophéties de Nostradamus est sorti en 1980, j’ai acheté sa traduction, et comme par hasard toutes les prédictions d’avant 1980 étaient vraies et toutes celles d’après se sont révélées fausses.»

Et après?

Ceux qui survivront au 21 décembre 2012 auront droit à mai 2014, date de «la vengeance du diable» pour la Kabbale ou encore à 2029, année où un astéroïde doit s’écraser sur la Terre. Sans oublier la prophétie de Saint Malachie alias «prophétie des papes», selon laquelle l’arrivée du 112e pape coïnciderait avec la fin du monde. Benoît XVI est le 111e.

France Ortelli

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