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Le data mining, l'arme secrète d'Obama pour gagner

Celle de Franklin D. Roosevelt, c’était la radio. Celle de John F. Kennedy, la télé. Dans le cas de Barack Obama et de sa première élection, c’était Internet et, en particulier, Facebook. A chaque grand scrutin, des moyens technologiques ont contribué à la victoire du candidat qui a su en tirer profit mieux que les autres.

Installation de l'artiste Sep Kamvar en 2009. REUTERS/Danny Moloshok
Installation de l'artiste Sep Kamvar en 2009. REUTERS/Danny Moloshok

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Quelle sera l’innovation technologique qui pèsera le plus sur l’issue électorale de novembre aux Etats-Unis? Il s’agit du data mining (l’exploration de données) et, plus précisément, du microtargeting (le microciblage).

Les spécialistes s’accordent à dire que sur ce terrain-là, l’équipe de campagne du président en exercice surclasse largement celle de Mitt Romney. C’est l’arme secrète d’Obama, dont les principaux conseillers sont convaincus que dans une élection aussi disputée que celle qui approche, leur supériorité en matière de nouvelles technologies sera décisive dans la réélection de leur candidat.

Branche des technologies de l’information, l’exploration de données repose sur des algorithmes et des méthodes statistiques complexes, qui permettent d’identifier d’éventuels modèles au sein d’immenses bases de données –de plus en plus nombreuses aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies. L’objectif est de transformer ces informations en renseignements utiles pour la prise de décisions.

Comment ça marche?

Dans le privé, on utilise cette technique depuis longtemps. Elle est d’ailleurs très évoluée: lorsque vous vous connectez à Internet et qu’une pub apparaît, il est probable que son contenu en soit le résultat. Le message qui s’affiche a été sélectionné dans une liste d’annonces.

La machine calcule laquelle est pertinente pour vous, à partir de renseignements sur vous (femme de 37 ans, mariée, avec enfants, qui vit dans tel pays, telle ville et tel quartier); vos goûts (vous avez acheté ci et ça); vos activités (vous consultez régulièrement tel ou tel site Internet). Ces renseignements sont combinés à ceux provenant d’une base de données de personnes présentant les mêmes caractéristiques, goûts et habitudes. Autant de données qui permettent de dégager les modèles les plus courants sur ce qui motive un achat dans un segment donné. La pub que vous recevez correspond donc à vos motivations, à vos moyens et à vos désirs. C’est cela, le microciblage: le fait de cibler non pas «un marché», «le public» ou «les électeurs», mais des segments bien plus précis au sein de ces catégories.

Et en politique?

Moins utilisées dans le monde de la politique, ces technologies sont finalement devenues indispensables. On a d’abord constaté l’avantage d’Obama dans ce domaine lors des primaires de 2007. Puis pendant sa campagne présidentielle de 2008. Sa candidature a attiré un nombre sans précédent de jeunes, novices en politique mais surdoués d’Internet!

Terry McAuliffe, l’ancien chef du Parti démocrate et directeur de campagne d’Hillary Clinton en 2008, m’a confié:

«Obama dispose des meilleurs spécialistes mondiaux des campagnes sur le Web. Je le sais pour en avoir moi-même fait les frais: j’ai dirigé la campagne d’Hillary lors des primaires [de 2008] contre Obama. [Son équipe] a été extraordinaire. Ces personnes ne sont même pas du parti [démocrate], ils font seulement partie de l’équipe d’Obama.»

Beaucoup sont des salariés à plein temps, débauchés d’entreprises telles que Google, Facebook ou Amazon. A l’heure actuelle, c’est Harper Reed, ancien hacker et prospère vendeur de T-shirts par Internet, qui dirige l’opération de data mining d’Obama.

Pas d’interviews accordées à la presse, il travaille dans l’ombre et a mis en place la plus ambitieuse et efficace structure technologique qui permet de savoir à qui s’adresser, quoi dire et quoi demander. D’accorder leur suffrage, d’effectuer un don, d’encourager leurs amis et leurs proches à voter pour Obama, de faire campagne par téléphone, d’accompagner en voiture certains électeurs aux urnes, etc. Ce système est si élaboré qu’il permet d’envoyer des messages distincts à deux personnes d’un même foyer.

Une conjonction de facteurs fera le vainqueur

Romney cherche lui aussi à exploiter très largement ces technologies. Mais ceux qui sont chargés de sa campagne Web sont pour la plupart issus d’entreprises privées auxquelles le candidat avait fait appel –et qui lui avaient donné satisfaction– lorsqu’il était dans les affaires.

Le taux de chômage, le budget dont disposent les candidats pour leur campagne et les SuperPac (ces comités d’action politique qui consacrent des montants colossaux pour soutenir ou discréditer l’un ou l’autre candidat), les débats, la personnalité des candidats et leur programme électoral ne sont que quelques-uns des facteurs qui feront le prochain président des Etats-Unis. Une chose est sûre, la capacité à convertir un gigantesque amas confus d’informations en renseignements intelligibles et générateurs de votes sera cruciale.

Moisés Naím

Traduit par Micha Cziffra

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