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Les sondages à la con des élections américaines

<a href="http://beta.abc.go.com/shows/dancing-with-the-stars/photos/seasons/15/episode-1502/media/DWS1502023Palin"> Photo de Dancing With the Stars</a>, diffusé sur ABC aux Etats-Unis
Photo de Dancing With the Stars, diffusé sur ABC aux Etats-Unis

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Rappelez-vous, pendant la campagne présidentielle française, nous avions eu droit à quelques sondages d'un intérêt douteux, du type «A quel(le) candidat(e) feriez-vous appel pour faire le ménage chez vous?».

Eh bien, les Américains aussi ont leurs sondages à la con, et même plus régulièrement que nous. Le sondage ABC News/Washington Post, réalisé par la société d'études Langer Research, se fait par exemple une petite réputation. Il faut dire que, en septembre, en plus des questions très sérieuses, les enquêteurs ont demandé à leurs sondés qui, de Mitt Romney ou Barack Obama, ils aimeraient «voir dans Danse avec les stars», «avoir comme invité à dîner», «comme capitaine de bateau» et «comme baby-sitter». Sans oublier la question: «Avec lequel préfèreriez-vous faire du camping?» et «De qui préfèreriez-vous écouter la playlist musicale?».

Ce n'est pas la première fois que l'équipe ABC News-Washington Post sévit. Le mois précédent, le sondage incluait des questions sur «qui serait un ami plus loyal», «qui vous préfèreriez avoir à votre chevet si vous tombiez malade», «qui vous voudriez inviter à dîner chez vous» (décidément une question de grande importance) et «qui vous voudriez comme capitaine de navire dans une tempête».

Mais pourquoi de telles questions? ABC News les considère comme tout à fait importantes, expliquant que, même si elles sont bêtes, «elles aident à expliquer un aspect des préférences électorales important et sous-jacent: la likability», la capacité de susciter la sympathie. Ainsi, Obama apparaît plus sympathique et aimable. Sauf que, dans ce cas, la question «Qui apparaît comme le plus sympathique et aimable?» se suffit à elle-même, nul besoin d'en appeler à Danse avec les stars.

Et que le responsable de Langer Research, Gary Langer, explique lui-même que ce n'est pas la sympathie mais l'empathie qui fait remporter une élection (voir, dans la photo ci-dessus, la question «Qui comprend mieux les problèmes économiques des Américains?»).

Chris Cilizza, du Washington Post, a lui défendu les questions idiotes dans les sondages mi-septembre:

«Si vous pensez que poser ces questions peu orthodoxes est une perte de temps, vous ne comprenez pas une partie importante de la façon dont les gens se décident quant au candidat qu'ils soutiennent.»

D'après lui, l'élection présidentielle est une élection à «sentiments»: les électeurs non décidés ne font pas un choix entièrement rationnel. Il estime qu'une question portant sur le meilleur capitaine de bateau dans une tempête nous en dit beaucoup plus sur la façon dont le public envisage les candidats que «Approuvez-vous l'action d'untel?».

Sur son blog, le politologue Jonathan Bernstein dit que Cilizza peut affirmer tout ce qu'il veut, «il n'y a pas de preuves» que l'élection présidentielle repose sur les sentiments. Il note que ça peut très bien être le contraire: les électeurs décident de la personne pour qui ils vont voter, puis plus tard s'inventent des justifications pour leur choix.

Ces justifications peuvent être fondées sur les positions politiques des candidats ou sur leur personnalité, elles ne sont pas nécessairement la cause de leur vote. On a en fait pour l'instant toujours autant de mal à être sûr de pourquoi quelqu'un vote pour tel ou tel candidat.

Chris Cilizza note également que les questions bébêtes ne sont qu'une minuscule partie de sondages complets et tout ce qu'il y a de plus sérieux. Certes, mais ce dont on parle le plus, ce sont ces questions sur les bateaux et les dîners. Et après tout, rien de très étonnant: des dizaines de sondages sortent chaque jour aux Etats-Unis, et ces questions du sondage d'ABC News/Washington Post lui permettent de sortir de la masse (la preuve, on en parle jusqu'en France!).

Personnellement, je pense que ces questions servent davantage à que les médias relaient le sondage plutôt qu'à essayer de comprendre pourquoi les gens voteront pour Mitt ou Barack (mais j'ai aussi la faiblesse de croire qu'on ne vote pas pour le candidat qu'on voudrait voir dans Danse avec les stars). Mais je suppose que je devrais arrêter de me plaindre des sondages à la con tant qu'on n'en arrive pas à ça:

C.D.

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