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Aux Etats-Unis, une «surprise d'octobre» peut affecter le cours d'une présidentielle

Capture d'écran de la cassette de Ben Laden diffusée sur Al Jazeera le 29 octobre 2004
Capture d'écran de la cassette de Ben Laden diffusée sur Al Jazeera le 29 octobre 2004

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Quel impact peut avoir une crise majeure de politique étrangère sur l'élection présidentielle américaine? Quand un événement imprévu pouvant en changer le cours, aussi bien en faveur du sortant que du challenger, survient peu avant l'élection, on appelle ça une «October surprise» («la surprise d'octobre»). Même si elle a eu lieu le 12 septembre, la mort de l’ambassadeur américain en Libye, qui a déclenché un débat acerbe entre Obama et Romney, pourrait en être une —jusqu'ici, on l'attendait plutôt du côté d'Israël et de l'Iran.

Comme l'expliquait Slate.com en 2004, l'expression a commencé à être utilisée en 1980, lors de l’élection qui opposait Carter à Reagan. A l'époque, 42 Américains étaient retenus en otage en Iran depuis un an. Les Républicains pensaient que la Maison Blanche ferait tout pour les faire libérer à la dernière minute.

Carter annonça finalement que les otages ne seraient pas libérés avant l’élection et perdit largement, donnant naissance à une théorie parmi ses partisans, selon laquelle Reagan se serait entendu avec l'Iran pour différer la libération —qui eut finalement lieu le jour de son investiture, le 20 janvier 1981. Dans Conspiracy Theories in American History: An Encyclopedia, Daniel Pipes explique que «la théorie du complot de la surprise d’octobre soutient qu’en 1980, Ronald Reagan a comploté avec la République islamique d’Iran pour battre Jimmy Carter lors de l’élection présidentielle du 4 novembre».

En 1962, 1968, 1972...

Mais on trouve des «surprises d'octobre» avant 1980. En 1962, la crise des missiles de Cuba survient quelques jours avant les élections de mi-mandat, durant lesquelles les Démocrates ne perdent quasiment aucun siège au Congrès, contrairement à ce qui était attendu. Kennedy venait de voir sa popularité augmenter lorsque les Soviétiques ont fini par retirer les missiles de Cuba.

En 1968, le président sortant Lyndon Johnson annonce un arrêt des bombardements sur le Nord-Vietnam quelques jours avant l'élection, décision interprétée comme un coup de pouce à son vice-président Hubert Humphrey, qui perdra finalement face à Richard Nixon.

Même histoire quatre ans plus tard, lors de l’élection qui oppose Nixon au démocrate George McGovern. Le 26 octobre 1972, sept jours avant le scrutin, le conseiller à la Défense nationale Henry Kissinger annonce que «la paix est à portée de main». Nixon écrase sans surprise McGovern et les accords de Paris, qui mettent fin à la guerre du Vietnam, sont signés le 27 janvier 1973.

Cassette de Ben Laden en 2004

Les guerres menées par les Etats-Unis après le 11-Septembre ont aussi donné lieu à des surprises d'octobre. Le 29 octobre 2004, al-Jazeera diffuse une vidéo de Ben Laden revendiquant les attentats du 11-Septembre et affirmant: «Votre sécurité ne repose pas entre les mains de Kerry, Bush ou al-Qaida. Votre sécurité est dans vos mains.» John Kerry a attribué une partie de sa défaite à cette cassette, mais son impact réel est discuté par les experts.

Lors des élections de mi-mandat de 2006, la publication par The Lancet d’une étude sur le caractère meurtrier de la guerre en Irak a pu être qualifiée de surprise d'octobre par certains, comme le relevait le Washington Post. Cette année-là, les Républicains ont perdu leur majorité au Congrès lors d’une défaite historique.

Enfin, en 2008, «l'October Surprise» n'a pas concerné la politique étrangère, mais l'économie: c'était l'aggravation de la crise financière avec la faillite de Lehman Brothers, le 15 septembre, et l'élaboration en catastrophe par l'administration Bush d'un plan de sauvetage du secteur financier, adopté en octobre. Au coude-à-coude avec Obama, John McCain, qui avait qualifié l'économie américaine de «fondamentalement robuste», avait alors vu ses sondages plonger.

Certains estiment cependant que le concept est devenu quelque peu galvaudé. En 2006, le Washington Post estimait que ces dernières années, la surprise d'octobre «est devenue si prévisible, un tel lieu commun, qu'elle devrait être surnommée la bonne vieille non-surprise d'octobre».

P.M.

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