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«American Barbecue: Le grand défi», un condensé de folklore américain garanti 100% matière grasse

Cette semaine, on pleure des larmes de cholestérol.

La viande rouge, c'est comme l'asphyxie érotique: c'est honteux, mais qu'est-ce que c'est bon. | Capture d'écran <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81057855">via Netflix</a>
La viande rouge, c'est comme l'asphyxie érotique: c'est honteux, mais qu'est-ce que c'est bon. | Capture d'écran via Netflix

Temps de lecture: 6 minutes

Bienvenue dans Anaïs regarde la télé. Le principe de cette chronique hebdomadaire est simple: son autrice s'appelle Anaïs Bordages et parfois, elle regarde la télé.

Il m'est arrivé pour cette chronique de regarder des émissions sous la contrainte («Les Marseillais vs le Reste du monde», au hasard). Mais vu qu'on est en janvier 2022, que tous les enfants sont devenus des clusters humains et que le monde ressemble de plus en plus à un mauvais film d'Adam McKay, cette semaine j'avais envie de me faire plaisir. Alors un soir, en rentrant chez moi frigorifiée et les pieds trempés, j'ai ouvert la poubelle de l'âme (Netflix) et j'ai tapé «barbecue» dans la barre de recherche.

Le barbecue, c'est l'appareil de cuisson que votre père sort du garage tous les étés, mais c'est aussi et surtout une spécialité culinaire, que dis-je, un mode de vie, un état d'esprit, un système de croyances –à base de viande grillée. Aux États-Unis, les ribs, le brisket ou encore le pulled pork font partie de ses plats phares, généralement accompagnés de sauce piquante, de pain de mie, de mac and cheese, de biscuits, de haricots en tous genres, de salade de pommes de terre et j'en passe. Or, quiconque a déjà eu une conversation de plus de douze secondes avec moi sait que j'ai vécu au Texas et que depuis, comme tous les Blancs parisiens sans personnalité, je nourris une passion démesurée pour le barbecue américain.

Juste de la nourriture réconfortante, ça fait un bien fou

Ces dernières années, la cuisine traditionnelle du sud des États-Unis, et notamment les spécialités BBQ, ont gagné en popularité non seulement dans le reste du pays, mais aussi chez nous, où les restos de brisket pullulent et où l'on peut trouver de la sauce Stubbs au supermarché du coin. Une fascination culturelle parfaitement illustrée par la programmation de Netflix, où l'on peut découvrir «20 ans et plus: Austin», une nouvelle télé-réalité basée au Texas, mais aussi un nombre croissant de programmes sur la soul food, la friture ou le barbecue (qui a récemment eu droit à sa propre édition de «Chef's Table»).

C'est donc avec curiosité et salivation excessive que j'ai lancé «American Barbecue: Le grand défi», une compétition de barbecue en huit épisodes. Avant d'aller plus loin, je tiens à m'excuser auprès de tous les végétariens et toutes les végétariennes qui liront ce texte. De même qu'Ennis n'arrive pas à se passer de Jack dans Brokeback Moutain, je reste à ce jour incapable de me passer de viande, malgré tous mes efforts. La viande rouge, c'est comme l'asphyxie érotique: c'est honteux, mais qu'est-ce que c'est bon. Et aussi très dangereux.

 

Attention, votre empreinte écologique triple à chaque fois que vous regardez ce GIF.

Dans «American Barbecue», huit pitmasters (des chefs, mais spécialisés en barbecue) s'affrontent dans une série d'épreuves culinaires. Et je dois vous dire que c'est pour l'instant la meilleure alternative que j'ai trouvée à «Top Chef», c'est-à-dire une émission où l'on voit les gens cuisiner et manger, plutôt que raconter leur life (bonjour «Chef's Table»). Le tout avec concision: contrairement à «Top Chef», un épisode d'«American Barbecue» ne dure qu'une quarantaine de minutes, alors que leurs épreuves prennent souvent six heures!

Par ailleurs, contrairement à «Top Chef», tous les plats préparés ont l'air bons. Eh oui, ici, pas de kebab de céleri ou de trace de pneu au fond de la cuvette en trompe-l'œil. Juste de la nourriture réconfortante, et ça fait un bien fou. C'est comme si dans «Top Chef», toutes les épreuves consistaient à faire des pâtes carbo –OK, idée gratuite: il faut absolument que quelqu'un crée une compétition télévisée de pâtes carbo.

La viande, c'est kinky

Mais revenons à nos côtes de moutons: «American Barbecue: Le grand défi», c'est un condensé de folklore américain garanti 100% matière grasse. Les candidats sont majoritairement originaires de Louisiane, de Georgie ou du Mississipi, et disent «y'all» toutes les cinq minutes. Ils portent des bermudas. Ils disent «potaters» au lieu de potatoes. Et ils utilisent plus de beurre en quatre heures que Maïté dans toute sa vie. Vous pensez peut-être que j'exagère. Mais il y a un candidat qui s'appelle Grubbs, il a un «BBQ» tatoué sur le bras avec des flammes oranges, un bandana sur le crâne, et il surnomme ses plats «grubbecue» ou «grillbilly special».

Quand y a plus rien dans le frigo, pensez comme Grubbs.

Il y a aussi Sylvie, la doyenne pas très commode, qui porte également un bandana et que tout le monde appelle «Miss Sylvie» (signe ultime de respect sudiste). Et «Miss Tina»: elle, c'est juste la version bien peignée de Red dans Orange Is the New Black. Vraiment, j'ai passé les huit épisodes à me demander ce que Kate Mulgrew faisait là et où était passé son accent russe.

Tina fait griller ses énormes carcasses de bœuf en portant un rouge à lèvres très rouge et un double collier de perles. À un moment, elle décide de cuisiner avec un ingrédient très chic: des herbes de Provence («euwb di pwoveynce»). Elle précise: «Il faut lever son petit doigt quand on le prononce».

Moi quand j'emploie le mot «suranné».

Dans le casting, on trouve aussi Georgia, le prototype parfait d'une soccer mom du Maryland, avec son polo bleu ciel, son serre-tête et ses boucles d'oreille en perles. Évidemment, elle ne sait absolument pas quoi faire avec des épices. Georgia n'aura pas droit au titre honorifique de «Miss».

Quant au jury, il est composé de deux spécialistes. Tout d'abord, le chef Kevin Bludso: lui, c'est le juge hyper sympa avec qui tout le monde aimerait être ami. Littéralement tous les plats qu'il goûte sont «pretty damn good» (sacrément bons), bref, c'est un peu le Michel Sarran de l'émission. Et puis il y a Melissa Cookston: elle, c'est la Philippe Etchebest du barbecue. Je ne sais pas qui c'est, mais elle est terrifiante et tous les candidats la vénèrent –apparemment, elle a été sept fois championne du monde de barbecue, et c'est la seule femme à avoir remporté ce titre. J'ai à la fois très peur d'elle et envie que ce soit ma mère.

Quand elle ne parle pas de nervures, de température interne de cuisson ou de graisses intramusculaires, Melissa se laisse parfois aller à des envolées lyriques sur la viande et sur ce qu'elle veut ressentir en mordant dans un sandwich: «Je veux qu'il me regarde avec un air qui dit “hmm, tu veux me manger, parce que je suis un vilain sandwich au barbecue”». Vous voyez que la viande, c'est kinky.

Câlins et limonade

Oui parce qu'on n'a pas trop parlé de bouffe, mais mon Dieu: chaque plat de cette émission est merveilleusement juteux, gras et fondant. D'ordinaire, je dirais que c'est mieux de regarder un programme sur sa télé ou sur grand écran que sur son ordi, mais dans ce cas précis, non: regarder sur ordinateur, ça permet d'être au plus près de la nourriture qui suinte, crépite et gigote.

 

Astuce: ajoutez du sucre, du beurre et du miel sur votre viande pour avoir la garantie de mourir avant l'âge de 60 ans.

Devant l'épisode 4, consacré à un tournoi de sandwichs, j'ai tellement hurlé qu'on se serait cru à une projection du dernier Spiderman. Ce volet rend effectivement hommage à l'une des plus grandes spécialités américaines: les plats tellement gargantuesques qu'on ne peut pas les manger sans se déboîter préventivement la mâchoire.

À un moment, Tina a fait un sandwich au porc avec un donut entier à la place de chaque tranche de pain, et j'ai instantanément senti toutes mes artères se boucher. Mais ce n'est rien comparé à Sylvie et son sandwich contenant du bœuf, de la saucisse, un œuf frit, du bacon, et en guise de sauce, de la FONDUE SAVOYARDE. S'il voyait ce plat, le cholestérol lui-même dirait sans doute «non merci, c'est trop pour moi».

Mais le plus réconfortant dans «American Barbecue», c'est que contrairement à la majorité des émissions de télé-réalité où l'on croise souvent des personnalités... euh... particulières... tous les candidats de ce programme sont extrêmement attachants et bienveillants. Ils se font des câlins au moins douze fois par épisode et après chaque élimination, tout le monde trinque avec de la limonade ou du thé glacé.

Quand Ashley, le grand gaillard qui a récemment perdu son meilleur ami Big Worm (oui vraiment) fait une crise de panique en grillant une queue d'alligator (oui vraiment), tous les autres candidats se mettent à l'aider à finir son plat, dans un superbe moment de solidarité. Est-ce que j'ai pleuré devant un concours télévisé de barbecue? Peut-être, ET ALORS? Quand le monde va mal, certains vont chercher du réconfort dans la fiction, un bon bain chaud ou une grosse tablette de chocolat. Moi, cette semaine, je me suis réfugiée dans des images de viande juteuse. Chacun sa stratégie.

Retrouvez chaque semaine Amies, le podcast d'Anaïs Bordages et Marie Telling dans lequel elles (re)découvrent des séries cultes.

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