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Vous pouvez désormais étudier la diplomatie par l'assiette, ou «gastrodiplomatie», à l'université

<a href="http://www.flickr.com/photos/toasty/1540997910/">Old Globe</a>/ Kenneth Lu Flickr CC<a href="http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/deed.fr">Licence By</a>
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Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur NPR, Le Temps, Le Monde, Public Diplomacy Magazine

L’American University, à Washington, propose désormais des cours de «gastrodiplomatie».

C’est Johanna Mendelson Forman, politologue spécialiste des conflits internationaux, qui propose plusieurs sessions montrant que la «nourriture est un outil pour favoriser la compréhension culturelle entre les pays», raconte NPR. Les 19 places ont été prises d’assaut et de nombreux étudiants sont sur liste d’attente.

La jeune discipline a ses nuances conceptuelles. Alessandra Roversi, auteure d’une thèse sur le sujet, expliquait en janvier au Temps les différences entre deux grandes notions:

«La diplomatie culinaire désigne l’utilisation des repas, dans un contexte de relations intergouvernementales, pour transmettre un message non verbal. Cette définition ne se limite pas aux bons plats et aux vins fins servis pour détendre l’atmosphère et faciliter des négociations. Le repas peut aussi amener à mieux “ingérer” des paroles ou “digérer” un accord. Les historiens et chercheurs en sciences politiques évoquent de nombreuses situations où le choix des ingrédients, du lieu ou de la disposition des tables est fait sciemment en vue de faire passer un message. Par exemple en 1987, lors d’une réception à Washington, le président Reagan avait choisi un vin californien de la Russian River Valley, une référence à son Etat d’origine, mais aussi à l’histoire de l’immigration russe dans cette région».

C’est donc le repas comme briseur de glace, facilitateur et digestif politique. Entre autres traductions concrètes: réunis en juillet 2013 à New York, les membres du «Club des Chefs des Chefs» échangeaient sur leur manière de bien remplir les assiettes des chefs d’Etat et de leurs invités, mais aussi de bien représenter leur pays. Hillary Clinton a en outre lancé en 2012 un «Partenariat Diplomatique Culinaire», un programme visant à accroître le rôle de la cuisine dans la diplomatie américaine, en faisant intervenir des dizaines de chefs de tout le pays.

Seconde notion un peu différente mais finalement liée à la première, la gastrodiplomatie, expliquée au Temps par Alessandra Roversi:

«La gastrodiplomatie est une forme de relations publiques apparue plus récemment. Certains gouvernements décident de promouvoir leur nation comme une marque. Ils développent des stratégies, avec des institutions et des budgets ad hoc, afin d’exporter leur patrimoine culinaire. L’objectif est de faire connaître un pays via sa cuisine mais aussi, indirectement, d’encourager les investissements, de favoriser le commerce et le tourisme.»

Pour elle, les premiers programmes de gastrodiplomatie datent des années 2000, et les chercheurs s’y intéressent depuis 2 ou 3 ans. Et la diplomatie culinaire serait aussi ancienne que la diplomatie (on s’est toujours réconcilié autour d’un bon repas, en fait!), même si elle n'a pas vraiment été étudiée comme une discipline à part entière à l’université. 

Il s'agissait plutôt de saupoudrer certains cours d'histoire des relations internationales de petites anecdotes gastronomiques... Pourquoi cette prise de conscience universitaire plus tardive que la pratique effective? Jusqu’à présent, il y avait des résistances à amener la cuisine dans des champs académiques comme les relations internationales, explique Sam Chapple-Sokal à NPR, un autre chercheur en diplomatie culinaire qui intervient dans les cours de Washington.

«Les gens pensent que c’est trivial ou frivole, que la nourriture est juste un truc qu'on ingère pour rester vivants», souligne-t-il. Beaucoup de cours s’intéressent à la sécurité alimentaire, et très peu se penchent sur l’aspect culinaire des relations internationales.

Grâce à l'émergence de cursus plus transversaux, on commence donc petit à petit à étudier la chose, avec cette série de cours donnés à l'American University. Ou avec des conférences et interventions plus ponctuelles: par exemple, début mars, le chef de l’Elysée, Guillaume Gomez, était invité à Sciences Po, pour parler de «son expérience dans les coulisses du pouvoir et la place de la gastronomie dans les relations internationales».

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