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De quand date le tatami de judo

Pour enseigner l’art martial qu’il invente en 1882, le Japonais Jigoro Kano s’installe dans un temple dont le sol est couvert de tapis de paille. Un revêtement apparu au pays du Soleil-Levant à partir de 794.

Teddy Riner  aux Mondiaux de Paris 2011. REUTERS/Charles Platiau
Teddy Riner aux Mondiaux de Paris 2011. REUTERS/Charles Platiau

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Ce n’est pas pour la pratique des arts martiaux que les Japonais ont inventé ce revêtement de sol souple, composé de larges tapis de forme rectangulaire. Le tatami – un mot dérivé du verbe japonais tatamu, « plier » – apparaît en effet dans l’histoire de l’architecture bien avant que ne s’empoignent les judokas.

À l’origine, le mot ne désigne qu’un seul petit tapis rectangulaire – constitué de couches de paille de riz croisées, comprimées et recouvertes d’une couche plus précieuse de jonc – qui, durant l’époque de Heian (794- 1185), sert de siège sur les parquets des résidences aristocratiques. Lorsque vers 1300 s’affirme le pouvoir féodal des samouraïs, ceux-ci prennent l’habitude de faire entièrement recouvrir de tatamis le sol des salles de réception de leurs palais. Ainsi naissent les washitsu, pièces intégralement couvertes de tatamis combinés en damier, qui deviennent au fil des siècles l’élément de base de l’architecture shoin, inspirée du bouddhisme zen. À la fin du XVIIe siècle, la plupart des classes sociales japonaises mangent et dorment dessus. Seule la modernisation qui accompagne l’ère Meiji (1868-1912), sous laquelle les sols des constructions contemporaines sont de plus en plus recouverts de ciment ou de parquet, va réduire la place des washitsu.

Reste que, lorsque Jigoro Kano invente le judo, en 1882, les tatamis occupent toujours une place prépondérante dans la culture japonaise. En créant le premier des arts martiaux japonais modernes – les budo, qui comprendront également le karaté, l’aïkido et le kendo –, cet homme petit et chétif, qui a appris le très agressif ju-jitsu des samouraïs pour mieux répliquer aux brimades de ses camarades, le transforme en un ensemble de techniques défensives.

Judo signifie « voie de l’adaptation » : plutôt que de résister à l’adversaire, cet art incite à retourner sa force contre lui. C’est aussi une philosophie, que Kano destine à l’éducation de l’esprit et du corps. Ainsi installe-t-il son premier dojo – « lieu où l’on étudie la voie » – dans un temple bouddhiste… dont le sol est recouvert de tatamis.

En s’exportant dans le monde entier au cours du XXe siècle, le judo a conservé tous ses préceptes et codes originels. Dans les dojos modernes, en France ou au Brésil, le sol est pareillement tapissé de tatamis, qui forment un vaste carré – la zone de combat –, dont chaque côté mesure de huit à dix mètres. Les tatamis, qui sont désormais le plus souvent composés de mousse agglomérée, ont une taille de un mètre sur deux, contre 91 cm sur 182 cm dans la culture japonaise traditionnelle : il en faut donc entre 32 et 50 pour constituer la zone de combat, suivant un assemblage bien précis.

Et chaque côté de ce carré conserve une valeur symbolique : le kamiza, théoriquement situé au nord, est celui par lequel pénètre l’enseignant. Recevant en plein visage la lumière venue du sud, il doit la transmettre aux élèves, qui, dos au soleil, encore dans l’ombre, entrent par le côté opposé, le shimoza. L’enseignement peut commencer.

Cet article extrait de l'ouvrage collectif de la revue Historia «De quand ça date».

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