Life / Santé

Réparer et régénérer le cœur

La chirurgie cardiaque accomplit des prouesses grâce à de nouveaux gestes du chirurgien qui s’appuie sur des technologies novatrices. En attendant des innovations de rupture, coeur artificiel ou cellules souches.

REUTERS/Swoan Parker
REUTERS/Swoan Parker

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Après «quarante cinq années glorieuses» pour la cardiologie, où les succès thérapeutiques ont permis de diminuer de moitié la mortalité cardiovasculaire, la chirurgie cardiaque espère bien accomplir de nouvelles révolutions. Ainsi, quarante-cinq ans après la première transplantation cardiaque et trente-cinq ans après la pose du premier stent métallique, c’est tout d’abord les projets de cœur artificiel qui font rêver les cardiologues. Une innovation de rupture, un cœur qui tiendrait entièrement dans la cage thoracique avec des batteries rechargeables la nuit grâce à un influx transmis par le lit du malade… Aujourd’hui, on en est encore loin du compte: les assistances circulatoires qui soutiennent les cœurs défaillants sont alourdies d’un dispositif de contrôle et de batteries externes d’une durée maximale de 14 heures.

Nouvelle alliance thérapeutique

Autre piste, celle des xénogreffes animales. Cela fait déjà trente ans que des valves cardiaques de porc sont implantées chez l’homme mais là, on parle d’un cœur de cochon vivant! «Le problème, explique le professeur Christian Cabrol, n’est plus tant le rejet que les risques de transmission de grippe porcine qui pourraient créer des épidémies incontrôlables chez l’homme.» Les virus effraient et, depuis l’affaire de la vache folle, «la recherche a pris dix ans dans la vue», confirme le professeur Matthias Kirsch, chirurgien à l’hôpital Bichat, à Paris.

Troisième perspective d’avenir, la voie des cellules souches. Recoloniser un myocarde nécrosé par l’infarctus par l’injection de ces cellules capables de se transformer en tissus humains à la demande? «Mais voilà quinze ans qu’on en rêve. Alors, les cardiologues sont aujourd’hui moins excités même si les études se poursuivent», estime Philippe Abastado, cardiologue à Paris.

En attendant le cœur artificiel ou les cellules souches, la cardiologie avance. Tout d’abord grâce à une nouvelle alliance thérapeutique entre spécialistes de différents horizons. « Comme dans le domaine du cancer, les décisions font l’objet d’échanges entre le médecin, le cardiologue interventionnel et le chirurgien. Les indications pour chaque cas sont ainsi mieux posées», souligne Matthias Kirsch. Par exemple: faut-il réaliser un pontage chirurgical ou poser un stent sur une coronaire sténose?

La seconde solution est beaucoup moins lourde. Le cardiologue interventionnel est aujourd’hui en mesure de simplement inciser et d’introduire des instruments jusqu’au cœur via un cathéter (on appelle cela la voie percutanée). Il peut passer par l’artère rétrofémorale, sous clavière ou plus récemment, si toutes les artères sont très abîmées, par la pointe du cœur. Bien moins invasif que la traditionnelle opération à cœur ouvert. Si l’angioplastie a permis de soigner plus confortablement, la chirurgie ne s’est pas démodée pour autant. « Le nombre de pontages a diminué. Mais la chirurgie s’occupe toujours des patients les plus graves et les plus fragiles, ceux qui ont aussi du diabète par exemple», explique Matthias Kirsch.

A ciel ouvert, à cœur battant

La chirurgie, de son côté aussi, fait évoluer ses gestes. «On opère toujours à ciel ouvert, mais parfois à cœur battant, sans arrêter l’organe, poursuit le chirurgien. C’est assez rocambolesque, comme lire sur une route pavée. À éviter quand l’artère est trop petite. Mais le bénéfice est sensible: il y a moins de complications neurologiques.». À savoir, 12 % des pontages se réalisent ainsi en France. Du côté des techniques, on mise aujourd’hui sur la robotique, qui procède au pontage par un simple trou sur le côté du thorax. Le chirurgien introduit dans l’orifice un robot miniature qui coupe et suture, l’homme de l’art contrôlant l’opération sur écran.

Coûteux et délicat, ce procédé est en cours d’évaluation. Dans le domaine de la chirurgie des valves, on utilise la voie percutanée pour appareiller de prothèses des valves cardiaques rétrécies et calcifiées et qui fuitent. D’abord mécaniques, les valves aortiques sont désormais à 72 % des bioprothèses. La valve mitrale, entre l’oreillette et le ventricule gauches, peut aussi recevoir un miniclip qui vient fermer la fuite. Le biodégradable est une autre avancée majeure. Dans ce déploiement de techniques, la mécanique n’a pas dit son dernier mot. Quatre équipes dont une chinoise travaillent sur une valve aortique dynamique, une sorte de petite turbine. Et, en Belgique, une petite pompe placée sous le thorax, de la taille d’une pile, vient déjà soulager le ventricule gauche d’une vingtaine de patients, aidant à faire circuler de deux à trois litres de sang sur le flux total de cinq litres.

B. H.

Des stents biodégradables

En juillet 2012, un premier patient a bénéficié de la pose d’un stent biodégradable dans l’artère coronaire. «L’artère cicatrise autour du support mécanique. Ce processus terminé, le stent en polymère d’acide lactique, matière biodégradable et transparente, se fragmente en parcelles. Il disparaîtra complètement en un an et demi. C’est mieux de ne pas laisser de corps étranger dans l’organisme!», explique son inventeur, le professeur Antoine Lafont, cardiologue à l’hôpital Georges-Pompidou, à Paris, associé à Michel Vert, chimiste au CNRS. Un vrai progrès car la pose de stents classiques est devenue banale et souvent répétée. «On voit des patients avec une dizaine de stents sur les 45 centimètres de coronaires», poursuit Antoine Lafont. Or il arrive que l’artère se rebouche au niveau du stent. «L’angioplastie est alors impossible à réaliser car la “cage” du stent est rigide. Avec le matériau biodégradable, la cage disparaît quand elle devient inutile.» Trente patients expérimentent ce dispositif avec validation espérée pour début 2014.

 

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