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Le Cern quasi-sûr d'avoir découvert le boson de Higgs

Habemus Higgs! Quasi... Le Cern a annoncé de nouveaux résultats, le 14 mars 2013. Il se confirme que la nouvelle particule découverte en juillet 2012 est «un» boson de Higgs. Mais pas «le» boson de Higgs avec certitude.

Simulation de la désintégration d'un boson de Higgs dans les futures expériences du Cern - Image : Cern
Simulation de la désintégration d'un boson de Higgs dans les futures expériences du Cern - Image : Cern

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Les physiciens ont l’art de couper les particules en quatre. Et même plus… Prenez le titre du dernier communiqué du Cern, publié le 14 mars 2013: «De nouveaux résultats indiquent que la particule découverte au Cern est un boson de Higgs».

En lecture rapide, cela peut se traduire par: « Eureka ! Peter Higgs a gagné! On a trouvé le boson dont il avait prédit l’existence en 1964! Vive Higgs! Le Nobel! Le Nobel en 2013!»

Mais si l’on prend la peine de relire ce titre, on découvre le grain de poussière qui peut bloquer la machine à applaudir et conduire les membres du Comité Nobel à se gratter la tête. Le Cern parle d’«un» boson de Higgs et non «du» boson de Higgs... A un article près, c’était le jackpot. Et, en fait, pas tout à fait.

Une ressemblance grandissante

«Après avoir analysé deux fois et demie plus de données que ce qui était disponible au moment de l'annonce de la découverte, en juillet, les chercheurs arrivent à la conclusion que la nouvelle particule ressemble de plus en plus à un boson de Higgs, cette particule liée au mécanisme qui donne une masse aux particules élémentaires», explique le Cern. D’une simple différence d’article, on passe à une ressemblance, certes de plus en plus forte, mais une simple ressemblance tout de même. Patatras!

«La question reste toutefois ouverte de savoir s’il s’agit bien du boson de Higgs du Modèle standard de la physique des particules, ou plutôt du plus léger d'un ensemble de bosons prédits dans certaines théories au-delà du Modèle standard. Répondre à cette question prendra du temps», note le Cern.


L'expérience Atlas - Image Cern

Une masse de données analysées

Des mois de calculs (deux fois et demi plus de données analysées) après la première annonce de sa découverte le 4 juillet 2012, les physiciens du Cern sont passés, pour qualifier cette 25e particule, de l’expression: «a tous les traits», à «ressemble de plus en plus». Ce qui fait une grande différence sémantique... 

D’où vient cette prudence qui laisse assez pantois? De la difficulté, à l’évidence, de mesurer les propriétés d’une particule impossible à observer directement. Son existence n’est révélée que par l’intermédiaire de sa désintégration en d’autres particules. De plus, il ne faut pas moins de quelque mille milliards de collision entre deux protons pour avoir la possibilité de détecter un seul boson de Higgs. D’où la délicate identification précise des propriétés de la nouvelle venue.


L'expérience CMS - Image Cern

Certes, la masse enregistrée, exprimée en énergie, semble bien d’environ 125 giga-électronvolts (GeV). Cela parait éliminer les rumeurs sur l’apparition de deux particules au lieu d’une. Mais le dernier communiqué ne lève pas les derniers doutes qui restent tout de même assez fondamentaux. La 25e particule est-elle une particule ayant les propriétés du boson de Higgs ou bien est-ce la particule imaginée, de façon purement théorique, par Peter Higgs et quelques collègues en 1964 pour résoudre un grave problème du modèle standard, la grande théorie décrivant l’ensemble des interactions entre les particules élémentaires composant la matière.

Suivant cette théorie, trois bosons, baptisé W+, W- et Z0, n’ont pas de masse dans cette théorie. Or, l’expérience montre qu’ils en ont une. Et même une sacrée puisqu’ils pèsent 100 fois plus que les protons. Pour résoudre cette incompatibilité entre la théorie et la réalité, Peter Higgs et quatre autres physiciens imaginent l’existence d’une nouvelle particule qui apporterait la solution. Depuis cette époque, les chercheurs tentent de vérifier l’hypothèse hardie formulée en 1964. Sans le grand accélérateur de particules du Cern, le LHC, ils n’auraient jamais pu créer les conditions nécessaires à cette vérification. Et ils y sont parvenus l’an dernier. Enfin, presque...

Spin nul et parité positive

Pour quelles raisons un doute subsiste-t-il? Pour que le nouveau boson, dont la découverte est indéniable, soit bien celui prédit par Peter Higgs, outre une masse autour de 125 GeV, il faut qu’il possède deux autres propriétés: un spin nul et une parité positive.

Deux propriétés quantiques, ce qui signifie qu’elles ne correspondent pas à celles que nous connaissons dans la physique classique. Néanmoins, le spin, qui représente le moment angulaire d’une particule, a une application pratique très visible: le cinéma en 3D. Grâce à l’utilisation de photons de spin +1 ou -1, propriété liée à la polarisation, on peut superposer deux images dont chacune n’est vue qu’à travers l’un des verres des lunettes des spectateurs.

Le boson de Higgs ne doit avoir qu’une seule valeur de spin: 0. Et il s’agit de la seule particule découverte ayant cette propriété.

Pour la parité, ce n’est guère plus simple. La représentation la plus simple est celle du miroir. Si l’original et son image sont identiques, la parité est positive. En cas de différence, elle est négative. Un objet entièrement symétrique, comme une sphère d’une seule couleur, aura ainsi une parité positive. Comme le boson de Higgs.


Evénement enregistré en  2012 par le détecteur de l'expérience CMS lors d'une collision proton-proton - Image Cern

«CMS et ATLAS [les deux expériences qui traquent le boson de Higgs au Cern] ont comparé plusieurs hypothèses concernant les possibles combinaisons spin-parité de cette particule, et tous les éléments disponibles vont dans le sens d’un spin nul et d’une parité positive.  Si l’on ajoute à cela les interactions mesurées entre cette nouvelle particule et d’autres particules, on a une forte indication qu’il s’agit d’un boson de Higgs», indique le communiqué du Cern.

Des résultats magnifiques, fabuleux

Toutes ces réserves faites et précautions prises (on se souvient de la mésaventure des neutrinos plus rapides que la lumière...), le Cern affiche une grande satisfaction pour le chemin déjà parcouru. Joe Incandela, porte-parole de l’expérience CMS, estime que «les résultats préliminaires portant sur l’ensemble des données 2012 sont magnifiques». Pour lui, nul doute qu’il s’agit d’un boson de Higgs, «même si nous sommes encore loin de savoir de quelle sorte de boson de Higgs il s'agit». Prudence... Dave Charlton, porte-parole d'ATLAS, parle, quant à lui, de «résultats fabuleux».  

Désormais, il faudra attendre 2015 et le redémarrage du LHC, arrêté depuis le 13 février 2013 après trois années d’exploitation. L’accélérateur devrait alors atteindre sa pleine puissance, 7 TeV contre 4 TeV aujourd’hui. On pourra alors peut-être déterminer quel article utiliser devant «boson de Higgs». On saura si Peter Higgs a obtenu le prix Nobel de physique en 2013. Et si une fumée blanche sort enfin de la cheminée du Cern.

M.A.

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