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La vraie recette italienne des lasagnes bolognaises

Pourquoi se faire du mal et s'inquiéter en achetant des surgelés alors ce plat est si bon fait maison? Voici une recette à cheval sur la tradition, cela va de soi.

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Ragù alla bolognese | Katrin Gilger via Flickr CC License by

Temps de lecture: 5 minutes

Je constate que l’Europe, les Anglais, les médias, les pseudos-fabricants de plats italiens 100% made in Italia avec des vraies vaches grattant leurs mandolines en chantant O Sole Mio mais qui n’ont jamais vu un cm2 d’herbe italienne et la terre entière se sont donc ligués pour ce vaste complot visant à l’anéantissement du patrimoine gastronomique italien.

Désolée, mais ce coup-là, je le prends encore personnellement. Voilà, paf, des Roumains ont mis des restes de chutes de canassons dans une lasagne 100% bœuf, et ça y est, c’est de nouveau le visage de l’Italie qui est piétiné et traîné dans la boue.

Il y aurait presque quelque chose de drôle dans cette histoire. Les «lasagnes à la bolognaise», qui sont les plus connues en dehors des frontières italiennes, viennent d'Emilie-Romagne. Dont de nombreux plats très traditionnels sont faits à base de... viande de cheval!

En Emilie-Romagne, on mange du cheval sous toutes ses formes. Cru ou poêlé dans un tartare qu’on appelle «Il Pesto di Cavallo», à la grille simplement, ou dans un ragù, ou même dans un simple panino.

Du cheval? Ben...

Donc, techniquement, faire des lasagnes à la viande de cheval, il n’y a pas de quoi fouetter un chaton.

C’est quand même moins choquant que d’acheter des lasagnes surgelées. D’abord c’est cher. Ensuite c’est dégueulasse. Le goût est dégueulasse, c’est blindé de matières grasses dégueulasses, et on doit y chercher les nano-cellules de viande et de fromage au microscope. Qui sont dégueulasses, de toute façon.

Au risque de paraître snob, ce n’est pas bien compliqué de faire ses propres lasagnes, avec un tout petit peu de patience, puis de les congeler. Enfin, moi je suis Italienne, donc c'est surtout la mamma qui me fait des plateaux entiers de lasagnes fraîches que je congèle ensuite en mono-portions et que je ressors dès que j’ai la flemme de me faire à manger. Parce la mamma, si elle m’imagine ouvrir une barquette en plastique pour la balancer 2 minutes au micro-ondes, elle fait une syncope. Il y a des cellules de soutien psychologique dédiées aux mammas italiennes qui découvrent que leurs enfants font ce genre de truc!

Mais comme tu n’as sans doute/peut-être pas de mamma italienne, je veux bien partager avec toi le processus de réalisation de ce petit chef d’œuvre que sont les lasagnes, cette chose absolument merveilleuse que nos amis les Etrusques ont imaginé il y a longtemps, bien longtemps, dans l’Italie antique, au coeur du bassin que se partageaient l'Emilie-Romagne et la Toscane.

Emilie-Romagne. Le berceau du ragù alla bolognese et de la pasta all’uovo –pâtes aux œufs. C’est donc tout simplement des feuilles de pâtes aux œufs (mais on acceptera avec bienveillance les feuilles de pâtes de semoule de blé dur) et un bon ragù alla bolognese dont on a besoin pour préparer des succulentes, des ravissantes, des –u’signur’ je vais pleurer– lasagnes.

1. Pour des lasagnes garanties 100% a regola d’arte italiana, il faut... du ragù alla bolognese; une ou deux carottes; quelques branches de céleri; un ou deux oignons blancs; et du laurier.

Il faut bien nettoyer tout ça, y compris le céleri qu’on épluche pour enlever la partie trop fibreuse. Couper les légumes en très petits morceaux. Et mettre tout ça avec le laurier dans une casserole qui frémit déjà de son huile d’olive. Si tu aimes que ce soit riche, une noix de beurre (la demi-plaquette quoi, à l’italienne).

2. Sel, poivre, et tu laisses quasi frire. D’ailleurs en italien, on appelle ça «il soffritto», quand pour confectionner la base d’un plat, on prépare des légumes dans de l’huile ou du beurre. C’est ce qui donnera tout le goût à ton ragù. Toutes les mammas ont leur propre manière de faire le soffritto, tu trouveras bien la tienne.

Tu laisses bien cuire tes légumes, et une fois qu’ils sont devenus moelleux, tu saisis la viande.

La viande, parlons-en.

3. Les lasagnes typiques italiennes sont toujours –toujours– un mix de différentes viandes. Ça ferait bien marrer un Italien si je lui présentais des «lasagnes typiquement italiennes 100% pur-bœuf» –musique de gondoles en carton-pâte en fond.

Déjà, en Italie, s’il n’y a pas ne serait-ce qu’un petit bout de cochon dans le ragù, c’est louche. Les Italiens trouvent toujours le moyen de te refourguer un peu de leur cochon magique, c’est comme ça, c’est génétique, et si tu te hasardes à un petit «Mais c’est gras, non?», ils vont te regarder avec des yeux tous ronds: «C’est pas gras, c’est du cochon!»

Certes.

Donc pour le ragù, il faut un beau morceau de bœuf, genre du paleron, mais de la viande hachée fera parfaitement l’affaire aussi (150g). Que tu associes à une belle saucisse 100% porc (émiettée évidemment, tu n’utilises pas la peau, 150g aussi).

Tu fais saisir donc dans ton soffritto les deux viandes en même temps, tu remues bien entendu, tu ne voudrais surtout pas faire brûler ces merveilleux légumes au fond, et tu fais bien évaporer toute l’eau que vont rejeter la viande et les légumes.

4. UNE FOIS SEULEMENT que toute l’eau s’est bien évaporée, il faut verser un bon verre de vin (du rouge normalement, mais rien n’interdit le blanc) et laisser tout ça s’imprégner correctement. Le secret d’un bon ragù, c’est que tous les ingrédients ne deviennent qu’un ensemble unique, harmonieux et parfait.

Ensuite, c’est d’une simplicité à l’italienne.  

5. On ajoute 90g de tomate concentrée, on couvre généreusement d'eau. Si tu aimes le goût prononcé de la tomate, remplace l’eau par une boîte de tomates pelées préalablement mixée. Tu choisis des tomates italiennes, s’il te plaît. Oui, ça existe. Cirio, ou Mutti par exemple, n’utilisent que des tomates cultivées en Italie et caressées par notre soleil du Mezzogiorno.

6. Laissons mijoter pendant une bonne heure à feu doux. Le ragù doit faire ploc sans trop bouillir. S’il cuit 2h, 3h, ou plus, ça deviendra un stracotto –littéralement ça veut dire «trop cuit»–, et ce sera encore plus délicieux.

C’est en écoutant les jolies grand-mères italiennes que j’ai appris des petits secrets comme ça. Si ça ne tenait qu’à moi, elles seraient illico classées au patrimoine mondial de l’Unesco, les grand-mères italiennes.

Le ragù chante, il a embaumé toute la maison, on dirait même que j’entends l’hymne italien au loin.

Il suffit de faire l’effort une fois, de le produire en grande quantité, pour pouvoir le congeler en vue de jours heureux. Des fois, j’oublie même que j’en ai au freezer. Quand soudain, j’ouvre et «OH MON DIEU JE VAIS FAIRE DES LASAGNES». Le tout complété par une petite danse de la joie autour de mon frigo dont j’ai le secret.

Tu auras toujours sous la main de quoi faire des lasagnes et en mettre plein la vue à ton amoureu(se)x. Les lasagnes, c'est une arme de séduction massive.

A partir de là, c’est un jeu d’enfant. Sauf si tu tiens à ta 4e étoile d’apprenti gastronome italien et que par conséquent tu comptes te lancer dans la production de la pâte fraîche toi-même. Sinon, tu peux les trouver sèches, ou fraîches, assez facilement dans n’importe quel supermarché.

7. Et là, il suffit de faire des petits étages.

Une louche de ragù au fond du plat, les feuilles de lasagnes, tu alternes parmigiano reggiano et ragù, et le tour est joué.

Tu termines par une généreuse poignée de parmigiano, qui va bien griller au four et qui donnera sa jolie couleur aux lasagnes. Puis, comme disent les Italiens en français dans le texte: «Voualà

Au sujet de la béchamel, la guerre fait rage en Italie entre le Nord et le Sud. Il paraît –j’utilise le conditionnel– que la béchamel serait arrivée au XIXe siècle en Italie avec Marie-Louise d’Autriche, femme de Napoléon Ier, lorsqu’elle est devenue Duchesse Souveraine de Parme.

Bon.

Moi, je viens du sud de l’Italie, donc cette histoire de Marie-Louise et d’influence française sur la cuisine italienne, ça ne me convient pas du tout. Je préfère prétendre que les lasagnes se font avec de la mozzarella. Et je conspue les Italiens qui lui préfèrent la béchamel.

Mauvaise foi mise à part, les lasagnes, l’Italie a inventé ça pour réconcilier les gens. Personne ne peut s’étriper autour d’un bon plat de lasagnes. J’ai vu des famiglie s’entretuer pour ensuite se tomber dans les bras après avoir partagé un bon plat de lasagnes.

Le vrai scandale, il est là: les lasagnes, ça NE PEUT PAS être un sujet de discorde. Il faut faire les lasagnes soi-même dorénavant, il en va de la paix dans le monde.  

Buon appetito!

Floriana

Retrouvez Floriana sur son blog MangiareRidere

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