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J-17. La fin du monde et ce qui se passera vraiment le 21 décembre selon le calendrier maya

Cette date, mêlant mystère et calculs brillants, laisse entrevoir la fin d'un cycle. Ce qui permet de tout imaginer et de fasciner les accros à l’Apocalypse.

Hello le soleil. Le 1er janvier 2010 à Cancun, dans le Yucatan. REUTERS/Stringer
Hello le soleil. Le 1er janvier 2010 à Cancun, dans le Yucatan. REUTERS/Stringer

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Allons-nous, oui ou non, tous mourir le 21 décembre 2012 comme l’aurait prédit le calendrier maya? Alignement maléfique du soleil avec le centre de la Voie lactée; inversion des pôles magnétiques; collision de la Terre avec une planète; cataclysmes dont l’ouragan Sandy ne serait qu’un avant-goût …

L’apocalypse promise par des experts et prophètes plus ou moins illuminés revêt des formes variées. Le mouvement  New Age se focalise depuis la fin des années 70 sur cette date maya de fin du (d’un?) monde. Une affirmation théorisée par Roger Argüelles dans son livre «Le facteur maya» paru en 1987, mais qui ne pourra malheureusement jamais vérifier la véracité de sa thèse puisqu’il est mort l’an dernier.

Depuis, au gré des découvertes archéologiques et d’élucubrations astronomiques et astrologiques diverses, la date théorique de la fin des temps ne cesse de faire débat. Au fur et à mesure que l’échéance se rapproche, certains la reportent à 2020 ou 2036, d’autres à 2116 (ouf). En tout cas, anthropologues, linguistes et historiens semblent aujourd’hui presque tous d’accord sur un point: les Mayas ne voyaient dans cette date que la fin d’un cycle (d’un peu plus de 5.000 ans), et non la fin du monde.

«Comme la plupart des peuples mésoaméricains, les Mayas avaient une notion du temps très différente de nos sociétés», souligne l’anthropologue et historienne Danièle Dehouve. A la conception cyclique de ces civilisations anciennes s’oppose celle, apocalyptique, de la nôtre. «Mais notre société est dépourvue de dates conventionnelles. Elle a certes un début, qui n’est que probable, et ne dispose d’aucune échéance future. Les courants apocalyptiques vont donc chercher ces dates dans d’autres sociétés».

Au point que, récemment, des populations mayas du Guatemala se sont publiquement indignées de cette dénaturation de leur culture passée.

Le 21 décembre 2012 n’en est pas moins une date fondamentale, comme l’a confirmé une découverte récente, même si le décryptage de la langue des Mayas et la découverte de leur calendrier spécifique, «le compte long», ont été très laborieux, et conservent encore une part de mystère. Il faut dire que la «splendeur maya» n’a duré qu’une courte période, entre 250 et 900 après Jésus-Christ. Autrement dit, à l’arrivée des Conquistadors en 1521, les puissantes cités mayas du sud du Mexique,  du Guatemala, du Honduras ou du Salvador étaient désertées, à l’abandon depuis plusieurs siècles.

Ne restaient plus, comme témoignages de cette civilisation, que des inscriptions sur des pierres (glyphes). D’autant qu’un moine franciscain Diego de Landa, envoyé vers 1550 au Yucatàn évangéliser les peuples indigènes, s’était empressé d’organiser de terribles autodafés, brûlant des tonnes de précieux documents mayas. Mais paradoxalement, c’est aussi ce moine pyromane qui, à partir d’informations recueillies auprès des derniers lettrés, a compilé, dans un célèbre rapport, les premières bases nécessaires pour tenter de décrypter la langue et l’écriture maya.

Le compte long et le zéro mayas

«Toutes les sociétés mésoaméricaines avaient une vie rituelle intense, rythmée par un grand nombre de cycles différents», explique Danièle Dehouve. Elles utilisaient deux types de calendriers, le «haab», calendrier solaire de 365 jours, et le «tzolkin», calendrier rituel de 260 jours (13 mois de 20 jours, permettant  de coordonner les cycles de Mars, Vénus, Saturne et Mercure). Ces deux cycles s’articulaient parfaitement entre eux et «tombaient le même jour» une fois tous les 52 ans, durée qu’on a appelé le «siècle mexicain».

Or, si la civilisation maya était déjà éteinte lors de l’arrivée des Espagnols, celle des Aztèques était encore bien vivace. Les Espagnols ont donc pu déchiffrer leurs calendriers en mettant de grandes dates en correspondance avec le calendrier chrétien. «En 1521, le long compte maya était oublié depuis longtemps. Mais lorsqu’on a découvert son existence au XIXe siècle, la maitrise des deux calendriers solaire et rituel a permis d’en déchiffrer les dates», explique Danièle Dehouve.

Selon elle, ce long compte était d’abord destiné à situer les rois mayas dans un contexte «mythico-historique». Construit à partir de mois de 20 jours, d’années de…360 jours, de katuns (20 ans) et de baktuns (400 ans), ce calendrier complexe, complémentaire des deux autres, est unique puisqu’il invente le chiffre zéro, ou du moins un point de départ correspondant selon la plupart des spécialistes au 12 août 3.114 AVJC. Une date corrigée à plusieurs reprises au fil des découvertes. «La nature du zéro maya est encore sujet à controverse», reconnait Jean-Michel Hoppan, ingénieur d’Etudes au CNRS. En 20 ans, il y a eu des avancées considérables dans la compréhension de l’écriture, mais nous ne disposons pas, hélas, d’une pierre de rosette maya».

La découverte en 1980 d’un glyphe sur le site de Tortuguero au Mexique, fut en tout cas déterminante pour éclairer le «long compte» maya. La date de fin de cycle y est découverte pour la première fois. Il s’agit de l’achèvement de 13 baktuns depuis le point zéro (13 x 400 ans de 360 jours, soit 5.126 de nos années) correspondant donc au 21 décembre 2012. C’était la seule référence —d’ailleurs très énigmatique— dont disposaient les experts jusqu’à très récemment.

Mais en mai dernier, une autre mention de cette date est découverte sur le site de La Corona, au Guatemala. Déchiffrée par l’épigraphiste américain David Stuart, cette inscription datant de 696 après JC, est, cette fois, beaucoup plus lisible. La stèle parle d’un roi, de la cité de Calakmul, qui aurait présidé des cérémonies marquant la fin d’un cycle de 13 katuns (13 X 20 ans). David Stuart a estimé que l’inscription du 21 décembre 2012 correspondait au cycle suivant, soit 13 baktuns (13 étant un chiffre très important dans la subtile mathématique maya).

Rendez-vous en  4772… ou plus tard

La thèse de la fin du monde en 2012 a, en revanche, été déboulonnée dès 2010 par une autre découverte scientifique, cette fois dans la cité mexicaine de Palenque. Sur l’inscription d’un temple, on peut lire une évocation du roi Pakal, qui enchaine les rituels pour mettre fin à une série de malheurs. Il recommande à ses successeurs de faire de même régulièrement et ce, jusqu’à une date anniversaire de sa propre intronisation (615), se situant 20 baktuns (20X 400 ans) plus tard; soit le 14 octobre 4772!

Pour Danièle Dehouve, «cela montre qu’ils pouvaient toujours passer à un cycle plus grand s’ils en avaient besoin [20 est un autre nombre clé des Mayas, ndlr]. La démarche pouvait se reproduire à l’infini, mais il est peu probable que la notion d’infini les intéressait. Ce qu’ils voulaient, c’était situer leur roi sacré au centre d’un cycle toujours plus long».

Exit, donc, l’hypothèse d’une fin du monde d’ici la fin décembre. Même si le petit village audois de Bugarach (censé être, selon certains gourous ésotériques, l’un des seuls endroits sur Terre échappant à l’apocalypse) se prépare déjà à une invasion de visiteurs jouant pour la plupart à se faire peur. «En France, la prophétie ne «prend pas», constate  Danièle Dehouve avec amusement. J’ai fait récemment plusieurs conférences sur les calendriers mésoaméricains en France et au Mexique(1). Ici, j’ai eu très peu de questions sur la fin du monde alors qu’au Mexique, au moins la moitié du public se passionnait pour l’apocalypse. Je pense que cette sensibilité est liée à la forte progression des évangéliques dans le pays, et à l’importance du mouvement New Age». L’intérêt est également très fort aux Etats-Unis, sans doute pour les mêmes raisons.

 Des cycles très dangereux

Certes, la flamboyante et brève civilisation maya a tout pour alimenter les fantasmes. Ses calendriers offraient donc ces combinaisons hallucinantes de multiples de 13 ou de 20 permettant de jongler avec les cycles cosmique, de prévoir des éclipses voire même, selon certains chercheurs, la précession des équinoxes (2) même si on n’a encore rien retrouvé prouvant ce dernier point. Au Chiapas et au Guatemala où les Mayas sont encore très nombreux «on continue d’utiliser le calendrier de 260 jours à des fins divinatoires», raconte Jean-Michel Hoppan.

Autre facteur de fascination, la nature dangereuse et maléfique attribuée par les anciens Mayas à chaque fin de cycle, qu’il s’agisse du jour et de la nuit, des saisons ou du cycle de Vénus de 584 jours, particulièrement redoutable. D’où la nécessité des rituels, des offrandes et des sacrifices humains pour s’attirer la bienveillance des dieux et enrayer de possibles catastrophes planétaires. «L’objectif était de deviner pour tenter ensuite d’agir sur les choses, ce qui n’a rien à voir avec la notion de prophétie», ajoute Danièle Dehouve.

Les rites les mieux connus sont ceux qui survenaient de la fin de chaque «siècle» de 52 ans. «On cassait la vaisselle, on jetait les vieux vêtements, les prêtres allumaient un nouveau feu rituel et chacun faisait de même chez soi. Le principe était de nettoyer les “saletés” du vieux cycle et de repartir sur de nouvelles bases, comme on réinitialise un disque dur». Ce que Jean-Michel Hoppan appelle un «réallumage de l’univers par les dieux».

A défaut d’apocalypse, les adeptes New Age peuvent donc s’attendre à un terrible cataclysme le 21 décembre prochain. Ou espérer, au contraire, que le monde reparte sur des bases plus saines…

Anne Denis

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