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Usain Bolt: Carl Lewis a-t-il raison de douter de l'antidopage jamaïcain?

Comme l'ancienne légende du sprint, nombreux sont ceux qui doutent des performances de Bolt et consorts.

Usain Bolt. 36"84, nouveau record du monde du 4X100m, samedi à Londres. REUTERS/Max Rossi
Usain Bolt. 36"84, nouveau record du monde du 4X100m, samedi à Londres. REUTERS/Max Rossi

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Usain Bolt a confirmé lors des JO de Londres son statut de meilleur sprinter de tous les temps, en devenant le premier homme à remporter le «doublé» – les 100 et 200 mètres – sur deux olympiades. Après sa victoire au 200, Bolt a pris un moment pour critiquer un autre athlète historique. «Carl Lewis, je n'ai plus aucun respect pour lui», a-t-il déclaré, expliquant que les commentaires du sprinter américain sur les Jamaïcains et le dopage l'avaient énervé.

En 2008, Lewis avait publiquement douté de la législation jamaïcaine antidopage, en affirmant que des «pays comme la Jamaïque n'ont pas de programme aléatoire, ce qui fait qu'il se passe parfois des mois sans que personne ne soit contrôlé. Je ne dis pas que leurs athlètes sont sous substance, mais tout le monde devrait être logé à la même enseigne».

Et il n'est pas le seul à douter des protocoles antidopage jamaïcains. En 2011, dans une interview donnée à la La Gazetta dello Sport, le fondateur du laboratoire Balco, Victor Conte, avait déclaré qu'à son avis, les Jamaïcains n'étaient pas loin de bafouer les règles. (Conte a aussi affirmé cette semaine que 60% des athlètes des JO prenaient de la drogue). Mais en dehors de ces sous-entendus, peut-on prouver que la législation antidopage jamaïcaine n'est pas conforme aux standards internationaux?

Dans un article publié le 9 août sur le site jamaïcain RJR News, Paul Wright, agent de contrôle au sein de la Commission jamaïcaine antidopage (Jadco), réfute ces allégations. Selon Wright, les administrateurs de la Jadco effectuent jusqu'à 5 tests quotidiens pendant les 40 semaines que dure la saison athlétique. Et en totale négation des dires de Lewis en 2008, Wright affirme aussi que la Jadco effectue des tests inopinés.

Sur un plan international, la Jamaïque se conforme aux législations antidopage définies l'Agence mondiale antidopage (Wada), un organisme indépendant créé en 1999 et financé partiellement par le CIO.  En 2003, la Jamaïque a ratifié la Déclaration de Copenhague contre le dopage dans le sport et a accepté de reconnaître un standard international de législations antidopage définies par la Wada et de s'y conformer. Les États-Unis ont aussi signé cette convention, avec 191 autres pays.

Cependant, il fallut attendre 2008 – soit quelques jours avant la cérémonie d'ouverture des JO de Pékin – pour que le Congrès jamaïcain approuve une loi sanctionnant le dopage dans le sport, à l'origine de la création de la Jadco. (Avant cela, les athlètes américains subissaient des tests effectués par des succursales régionales de la Wada). Quand Lewis a donné son interview à Sports Ilustrated en 2008, la Jadco n'avait pas encore deux mois d'existence.

A cette époque, d'aucuns s'interrogeaient aussi sur le nombre de tests effectués hors compétition en Jamaïque. Et Frank Shorter, le coureur de fond américain qui passa un mandat à la tête de l'Agence américaine antidopage, avait fait part dans les colonnes du Denver Post de ses doutes sur l’indépendance de la commission jamaïcaine. «Si un de leurs athlètes est contrôlé positif, que font-ils? Est-il poursuivi, sanctionné, peut-il faire appel? Ou est-ce que c'est la fédération jamaïcaine qui s'en charge [et l'enterre]?»

Aujourd'hui, cela fait quatre ans que la Jadco a pu exercer son influence. Durant cette période, un nombre honorable de stars des pistes jamaïcaines ont été interdites de compétition, définitivement ou provisoirement, après avoir été testées positives à diverses drogues.

Des cadors jamaïcains déjà suspendus

En 2011, le sprinter Steve Mullings a été suspendu à vie de la compétition après qu'un diurétique interdit a été retrouvé dans son organisme. (Mullings avait été auparavant suspendu pendant deux ans pour des taux trop élevés de testostérone).

Un an avant, Shelly-Ann Fraser avait été suspendue pendant six mois pour avoir pris de l'oxycodone, une drogue qui n'est pas considérée comme dopante. La médaillée d'or au 100m des JO de Pékin et de Londres était le huitième membre de l'équipe jamaïcaine à être sanctionné pour violation des législations antidrogue.

Il y avait aussi le partenaire d'entraînement de Bolt et double médaillé d'argent à Londres, Yohan Blake, qui dut rester dans les vestiaires pendant trois mois pour avoir pris un stimulant interdit. (Pour sa part, Bolt n'a jamais été testé positif).

Après la suspension de Fraser en 2010, le directeur général de la Wada, David Howman, avait défendu le programme antidopage jamaïcain en déclarant que «rien ne prouve que l'agence [jamaïcaine] n'est pas en conformité avec les règles de la Wada». L'an dernier, dans un rapport mandaté par la Wada pour son conseil d'administration, la Jadco avait là aussi été considérée comme conforme. (Les organismes locaux doivent effectuer un certain nombre de tests hors-compétition pour satisfaire aux critères de conformité de la Wada).

Et après la victoire au 200m de Bolt, Sebastian Coe, président du comité d'organisation des JO de Londres, a voulu à son tour rassurer les esprits chagrins en déclarant que la législation antidopage jamaïcaine était parfaitement conformes aux standards olympiques. 

Carl Lewis, qui a remporté la médaille d'or lors du 100m des JO de 1988, après la destitution de Ben Johnson pour usage de stéroïdes, n'est pas lui-même blanc-bleu en matière de  dopage. Si on en croit des documents publiés en 2003 par l'ancien directeur des contrôles antidopage de la Commission olympique américaine (Usoc), Lewis avait été testé positif pour des stimulants et des broncho-dilatateurs à trois reprises pendant la préparation des jeux de Séoul. Mais l'Usoc avait finalement décidé d'ignorer ces résultats après que Lewis avait affirmé avoir pris ces substances par erreur. 

Natasha Geiling

Traduit par Peggy Sastre

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