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Le sprinteur américain Justin Gatlin, qui a été suspendu de compétition pendant quatre ans en 2006 pour utilisation de stéroïdes anabolisants, a remporté le 60 mètres au championnat du monde d’athlétisme en salle, qui s’est tenu en Turquie en mars dernier. L’ancien champion olympique, aujourd’hui âgé de 30 ans, s’est qualifié pour les Jeux olympiques de Londres et a déclaré à la radio publique américaine NPR qu’il courait plus vite que jamais. Un sportif peut-il continuer à tirer avantage des stéroïdes quatre ans après avoir arrêté d’en prendre?
En théorie, c’est possible. Certaines substances, comme la testostérone, sont éliminées du corps en quelques jours, d’autres, comme la nandrolone, en plusieurs semaines, voire plusieurs mois. À la fin de cette période, il n’y a plus aucun bénéfice direct pour la masse musculaire, et le corps recommence à fonctionner normal.
Mais personne ne sait exactement combien de temps cela prend. Certains chercheurs estiment que le bénéfice du dopage s’arrête au bout d’un an. D’autres pensent que les produits dopants altèrent l’expression des gènes des années durant, et que les athlètes anciennement dopés gardent plus de facilité à gagner du muscle que ceux qui n’ont jamais rien pris, et ce, bien après la fin du dopage à proprement parlé.
Mais, pour l’instant, aucun test ne vient corroborer cette théorie, et cela n’est pas près de changer. Les organismes susceptibles de les financer sont peu nombreux, et les comités d’éthique des hôpitaux n’autoriseraient jamais des médecins à prescrire d’importantes doses de stéroïdes anabolisants à des patients sans justification clinique.
Comme l'entraînement
En fait, la théorie selon laquelle les stéroïdes produisent des effets à long terme s’appuie sur l’observation d’un phénomène naturel. Un entraînement normal, sans produits dopants, continue à avoir des effets sur le corps des années après.
Prenez un haltérophile non dopé qui s’entraîne dur pendant des années et finit par soulever 225 kg. Un jour, il se blesse et arrête de s’entraîner pendant un an, au bout duquel il ne peut plus soulever que 160 kg. Dès qu’il reprendra l’entraînement, notre haltérophile arrivera à soulever 225 kg plus vite, et avec moins d’efforts, qu’un débutant partant de 160 kg en même temps que lui.
Les chercheurs ne s’expliquent pas très bien ce phénomène, mais certains croient qu’un entraînement intensif et prolongé provoque des modifications épigénétiques qui améliorent la production des protéines à l’origine du développement de la masse musculaire. Bien que ces modifications ne soient pas permanentes (un sportif à la retraite finit par perdre les bénéfices de son ancienne hygiène de vie), les effets d’un entraînement intense semblent durer très longtemps.
Chez un athlète qui a pris des produits pour améliorer ses performances, cette modification pourrait être plus longue ou plus importante, ne serait-ce que parce qu’il a pu s’entraîner plus durement et plus longuement pendant toute la période où il se dopait.
Des durées de suspension aléatoires
Toutefois, la durée des suspensions pour dopage n’a aucun rapport avec la durée supposée des produits dopants. De toute façon, personne ne sait calculer cette durée avec certitude, et il n’est pas dit que les effets indirects du dopage ne bénéficient pas au sportif pendant toute sa carrière.
En athlétisme, les suspensions sont assez aléatoires. L’agence anti-dopage américaine a recommandé une suspension de quatre ans pour Justin Gatlin, ne le privant ainsi que des Jeux olympiques de Pékin en 2008, parce qu’il avait accepté de coopérer dans d’autres affaires de dopage.
En se dopant, Justin Gatlin ne visait sûrement pas ces avantages à long-terme. Les suppléments de testostérone qu’il a pris, et pour lesquels il a été condamné, font que le corps arrête d’en produire naturellement.
Or, lorsque après un contrôle positif, un sportif arrête brutalement de prendre de la testostérone, son taux retombe bien plus bas que la normale, ce qui rend l’entraînement très difficile pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que le corps recommence à produire l’hormone par lui-même. Les athlètes se sentent souvent horriblement mal pendant cette période. Il est possible de se sevrer soi-même progressivement, mais c’est très difficile, et les dérèglements hormonaux sont inévitables.
Traduit par Florence Curet
L’Explication remercie Keith Baar de l’université UC Davis, Anthony Butch et Don Catlin de l’université UCLA, et Gary Wadler de l’Agence Mondiale Antidopage. Merci également à Aaron Arnold d’avoir posé la question.
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