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L'Euro 2012, l'Euro des bisous et du fair play

Sourires, accolades, flatteries, comportement exemplaire, l’Euro ressemble à un diner entre amis. Finis les tacles, les simulations et l’anti jeu?

Antonio Cassano et son fils, Riccardo Montolivo et Alessandro Diamanti fêtent la victoire de l'Italie sur l'Allemagne, le 28 juin 2012. REUTERS/Tony Gentile
Antonio Cassano et son fils, Riccardo Montolivo et Alessandro Diamanti fêtent la victoire de l'Italie sur l'Allemagne, le 28 juin 2012. REUTERS/Tony Gentile

Temps de lecture: 4 minutes

Une petite révolution est en marche dans le monde du ballon rond. Traditionnellement, les grandes compétitions de foot sont synonymes d’incontinence salivaire, d’attaques de karaté, d’agressions sauvages ou de baston presque généralisée. Voir de tricherie pendant ou avant la compétition, comme ce fut le cas de la France en 2006.   

Rien de tout ça dans cette édition 2012. Les équipes semblent infectées du virus de la courtoisie et l’élégance. Du «l’Espagne a été meilleure» (Blanc) par-ci, de «l’Italie fait du très bon football» (Low) par-là en passant par un peu de «l’Espagne est une équipe fantastique» (Prandelli) ou de «l’Italie nous impressionne tous» (Roy Hodgson), on nage en plein bain de louanges édulcorées. Bien loin de la «diplomatie» d’un Diego Maradona ou d’un Raymond Domenech.

Même schéma sur le terrain. Où sont passés les accrochages de maillot dans la surface lors des corners? Les fausses blessures en fin de match pour perdre du temps? Les joueurs criant sur l’arbitre pour lui réclamer un pénalty? Les joueurs qui ne «savent plus» où trouver le ballon en fin de match?

On a plutôt vu des équipes qui tentaient de construire le jeu, même à la dernière minute (la dernière action de l’Allemagne-Italie), des sportifs qui se félicitaient malgré la défaite et une Squadra Azzura (oui, des Italiens…) qui décidait de continuer à jouer au foot tout en menant au score 2-0. On est loin de l’efficacité allemande et de sa solidité défensive ou du catenaccio et de son penchant pour les gestes fourbes et les provocations extra sportives.

Pourtant l’Euro aurait pu avoir sa dose protocolaire de jeu dur et d’antijeu. Pepe et Alves en défense centrale portugaise promettaient de belles expulsions. De Jong et Van Bommel avaient déjà montré de quoi ils étaient capables en 2010. Et Balotelli était prédestiné à s’engueuler avec l’arbitre ou à agresser Terry (ou vice-versa). Que nenni.

La star italienne a choisi l’option des buts en pleine lucarne et des blagues pourries à Cassano, Pepe n’avait commis qu’une faute (!) avant la demi-finale ibérique et les Néerlandais ont été éliminés dans un mélange d’apathie, de résignation et de respect. 

Le sans faute

Les chiffres confirment ce climat bon enfant. L’Euro 2012 est la compétition internationale (Euro + Coupe du monde) avec la moyenne de fautes par match la moins élevées depuis 1978. Jusqu’à maintenant, il n’y a en eu que 28, 8 par match, très loin des 39,6 de la CDM de 1990 (record en la matière).

C’est d’ailleurs la première fois que l’on est sous la barre des 30. Même constat en ce qui concerne les cartons rouges avec seulement 3 expulsés. Un score comparable à celui des Euro 2008 et 1984 ou au Mondial de 1978 (3) mais légèrement moins bon qu’en 1980 ou 1992 (0). Et encore le show de Velasco Carballo, lors du match d’ouverture Pologne-Grèce, a faussé un peu les statistiques.

Un comportement exemplaire que l’on retrouve là encore dans la plus faible moyenne de tacles par matchs (35,1) depuis 1978. Seule l’Euro 96 a une moyenne comparable (36,1 les seuls en dessous de 40). Qui dit moins de fautes dit aussi moins de pénaltys. Seuls 4 joueurs ont profité d’un 16,50m pendant les 30 matchs de cette Euro. Soit à nouveau la meilleure moyenne avec 0,1 penalty par match.

C’est aussi en regardant les milieux défensifs ou les défenseurs qu’on se rend compte de ce changement. Pepe? 1 fautes par match de moyenne cette saison et 0,4 lors de l’Euro. Soit uniquement 2 fautes (!) en 5 matchs. Scott Parker? 1,6 en Premier League et 0,8 à l’Euro. Thiago Motta? 2 cette année au Calcio et seulement 1,3 lors de la compétition. Preuve que même les bad boys se tiennent à carreau.

La première explication pourrait être la sévérité des arbitres qui, dès le début, ont affiché assez clairement leur volonté de mettre fin à un jeu violent ou trop engagé. C’est peut-être aussi une explication de la moyenne de cartons jaunes par match (3,9), cette fois-ci plutôt comparable à celle des éditions précédentes. Pourtant on n’a pas vu d’affrontement dur ou agressif pendant la compétition.

Même l’Espagne-Portugal ne méritait probablement pas d’être le second match avec le plus d’avertissements de l’histoire de l’Euro (9, uniquement dépassé par l’Allemagne-République Tchèque de 1996).

La deuxième explication se trouve dans la hantise que le football moderne a du débordement (principalement sur les ailes). Après avoir vu le premier but de l’Espagne face à la France, le premier de l’Italie face à l’Allemagne ou celui du Portugal en quarts, on peut comprendre. Il ne faut pas se faire dribbler. Et pour cela rien de mieux que d’offrir un ou deux mètres à l’attaquant et attendre. On cherche alors moins à lui enlever la balle, comme avant, qu’à temporiser.

Combien de fois avez-vous vu le ballon repartir en arrière depuis l’aile pour tenter de reconstruire l’attaque lors de cet Euro? Vous savez maintenant pourquoi.

L'effet Guardiola

Il est aussi crédible de penser qu’il existe une certaine amitié entre les joueurs. Beaucoup plus qu’avant, les footballeurs changent de clubs et se côtoient avec les stars des autres sélections. L’exemple du France-Espagne, où de nombreux joueurs évoluaient dans le même club, est clair. Et il est toujours un peu plus dur de tacler sévèrement un ami qu’un inconnu.

Reste l’héritage de Pep Guardiola. L’entraineur catalan a montré depuis quelques années avec le Barça qu’il était possible de tout gagner en respectant ses adversaires, en proposant du beau jeu et en défendant avec un certain fair play. Mourinho a finalement eu raison de lui cette saison mais l’ombre de Pep semble planer sur cette Euro. 

«Mourinho ne rentrera pas dans l’histoire», a résumé sévèrement Xavi. Ce qui est clair c’est que Guardiola pourrait le faire par l’admiration qu’il réveille chez ses pairs. A commencer par Cesare Prandelli qui semble presque le plagier en affirmant que «les résultats ne sont pas une priorité» et que l’Italie doit «apprendre à perdre». Gonflé. Même discours chez Laurent Blanc (avec le résultat mitigé que l’on sait) et Joaquim Löw: «On ne peut pas bien jouer et mal se comporter (…). J’adore le Barça, le mélange de talent et de modestie de ses joueurs. La simplicité, le respect des autres, est primordial. (…) Gagner ne suffit pas».

Il reste un match pour retrouver le jeu à l’ancienne. Ou boucler la révolution du fair play.

Aurélien Le Genissel

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