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Euro 2012: les marronniers des compétitions sportives

Afin de vous épargner de fastidieuses lectures, voici l’essentiel des marronniers déjà parus ou à venir pour que vous puissiez briller en société.

Lors d'Espagne-Italie le 10 juin 2012 à Gdansk, REUTERS/Juan Medina
Lors d'Espagne-Italie le 10 juin 2012 à Gdansk, REUTERS/Juan Medina

Temps de lecture: 6 minutes

L’actualité est un éternel recommencement. Ceci est particulièrement vrai pour les compétitions sportives. Rien ne ressemble plus à un tournoi de foot qu’un autre tournoi de foot. On change juste les couleurs, le folklore et le panorama. Sinon tous les deux ans, les même articles reviennent. Afin de vous épargner de fastidieuses lectures, voici l’essentiel des marronniers déjà parus ou à venir pour que vous puissiez briller en société.

La polémique sur le ballon de la compétition

Marketing oblige, Adidas crée pour chaque compétition un ballon officiel. Cette année, c’est le Tango 12. Jusque-là, rien de bien méchant, surtout qu’il ne peut pas être plus moche que le ballon rose de la Ligue 1. Cela fera un bon sujet pour Telefoot, au plus près des gardiens de l’équipe de France, sur le modèle de ce reportage à Monaco:

Mais comme d’habitude, les gardiens ne seront pas totalement satisfaits par le ce nouvel outil de travail. Ils le trouveront trop flottant, aux trajectoires changeantes et avantageux pour les attaquants.

Pour le moment, le ballon n’a pas encore fait scandale. C’est peut-être parce que Gianluigi Buffon, le champion de la polémique, n’est pas encore tout à fait rentré dans son Euro. Le gardien transalpin avait qualifié le ballon de la Coupe du monde 2002 de «ridicule ballon pour gosse». Celui de l’Euro 2004 était, selon lui, encore pire avec «ses effets bizarres et ses réactions inattendues». Enfin le ballon de la dernière Coupe du monde était jugé «honteux et inadapté» par le portier, et Fabien Barthez avait qualifié le Jabulani de «ballon de plage». A cette époque, Franck Lampard avait même dit: «On peut marquer de n’importe où sur le terrain, ou presque.» Oui Francky, encore faut-il que l’arbitre voie le ballon rentrer...

L’Euro est une compétition plus relevée que la Coupe du monde

Voilà de quoi mettre du baume au coeur de tous les pro-européens malmenés en cette période de crise. Le football est né sur le Vieux continent (ou presque). En toute logique, les meilleures équipes du monde sont européennes. D’ailleurs trois des quatre derniers demi-finalistes de la Coupe du monde sont européens!

Débarrassée des faibles –mais sympathiques–  équipes asiatiques et africaines, la compétition n’en est que plus intéressante. Les groupes sont plus resserrés. Dès les premier tour l’Allemagne, le Portugal ou les Pays-Bas sera éliminé. N’en déplaise aux grincheux, ça a plus de gueule qu’une poule France, Uruguay, Mexique, Afrique du Sud. Les dirigeants sont tellement fiers d’offrir une compétition dense, intense, pleine de suspens et de spectacle que, dès la prochaine édition, on passera à 24 équipes contre 16 aujourd’hui, histoire d’être sûr de diluer ce spectacle trop plaisant. Une chance pour les Iles Féroé.

Les filles de l’Est sont jolies

Une compétition internationale, c’est l’occasion de partir à la découverte d’un pays via le JT de 20 heures. En 2010, le monde entier redécouvrait les bidonvilles sud-africains, et on nous donnait du township à tout va. En 2011, les rubymen français se frottaient à la culture maori. Cet été, les médias nous entraîneront donc vers les particularités culturelles de l’Est, à savoir... euh... la vodka? Non c’est pas assez grand public... Les camps de la mort et les pogroms? Non ça va casser l’ambiance.... Il ne reste plus que les jolies blondes alors.

Malgré la retraite de Thierry Roland, on compte encore sur les services sports de France et les réalisateurs de TF1 pour nous présenter les plus beaux minois qu’ils trouveront dans les rues et en tribunes. On aura peut-être même droit à un sujet sur le tourisme sexuel. On nous dira bien sûr que c’est inadmissible de vendre son corps à des touristes anglais rouquins bourrés aux oreilles décollées, mais en tout cas, ça fait tourner le business. (Note aux lecteurs: ceci n’est pas une apologie de la prostitution.)

Le mystère des retombées économiques

Est-ce que ça vaut bien le coup de dépenser des milliards pour un tournoi de foot? C’est la question posée, à chaque Mondial, à chaque Euro, à chaque CAN, à chaque JO, été comme hiver, ou à chaque Coupe du monde de rugby... Surtout en temps de crise mon bon m’sieur, est-ce que ce n’est pas balancer de l’argent par les fenêtres?

Autant l'avouer tout de suite, on s'est penché sur la question cette année encore. Selon la chanson habituelle des autorités, et leur bon créneau keynésien de la relance par la demande, évidemment non. On va la faire courte: la compétition est l’occasion d’investir dans les infrastructures (aéroport, rail, routes, stades à construire ou retaper, etc) et d’espérer des retombées directes (tourisme, rentrées fiscales) ou indirectes (image)... Si vous êtes l’Allemagne triomphante de 2006, que votre tournoi est un succès et que vous en profitez pour faire des stades ultra-modernes permettant d'asseoir votre championnat au sommet économique européen, alors là, ok, allez-y.

Sinon, l’expérience peut se révéler douloureuse si vous claquez votre budget comme des nouveaux riches. Les JO de Londres ne boosteront pas la croissance de l’Empire jubilatoire, pas plus que la dernière Coupe du monde ne l’a fait pour l’Afrique du Sud. On cherche encore le développement induit par la CAN 2010 en Angola et les échéances 2014-2016 ne semblent pas profiter à quiconque au Brésil, à part aux corrompus.

Pour un pays en difficulté, ce peut même être une balle tirée dans le pied (voir la Grèce et ses JO). Prenons ainsi l’exemple de l’Ukraine, qui partait de très loin pour satisfaire aux standards de l’UEFA, de bien plus loin encore que la Pologne en voie de convergence avec l’Ouest. Pour plaire à Platoche and co, les Ukrainiens ont injecté dix milliards d’euros dans la construction d’un nouveau terminal aéroportuaire à Kiev, des lignes de trains à grande vitesse entre quatre villes hôtes, des travaux autoroutiers et bien sûr, des nouveaux stades.

La facture a gonflé au fur et à mesure: le coût du stade de Lviv est ainsi passée de 100 à 200 millions d’euros et la réalisation d’un tronçon de 80 bornes d’autoroute vers cette même ville, de 150 à 400 millions  (vous avez dit corruption?). Surtout, le rapport coût-avantage, comme on dit dans les tribunaux administratifs, semble bien déséquilibré. Le gouvernement de Kiev espère un million de visiteurs mais n’en aura vraisemblablement pas plus de la moitié.

A peine quelques milliers de Français et d’Anglais vont ainsi s’y balader, les autres ayant été refroidis par la crise, la distance (c’était plus simple d’aller aux Pays-Bas), le manque de curiosités touristiques (quoi, tu ne connais pas Donetsk?), la situation politique ou le prix des hôtels. En fin de compte, l’Ukraine va payer très cher son Euro, surtout que le FMI ne veut même plus lui débloquer ses aides financières en raison du cas Timochenko et qu’il va lui falloir trouver 9,5 milliards d’euros de remboursements de dettes cette année.

La Pologne, à la croissance plus ferme et qui s’est assignée des objectifs plus réalistes (entre 500.000 et 800.000 visiteurs), devrait mieux s’en sortir pour la première parade sportive est-européenne post-communiste, mais pas de quoi non plus hurler de joie.

Polémiques sur l’arbitrage

L’euro est une rencontre entre pays de cultures footballistiques différentes, du moins c’est ce qui est dit. Le folklore perd de son charme quand les matchs commencent et que les arbitres entrent en scène. En effet, leur prestation est systématiquement analysée par le prisme de leur nationalité.

En 2012, le sujet s'est invité particulièrement tôt dans la compétition, dès le premier match avec un Pologne-Grèce entaché de quelques décisions douteuses de l'arbitre espagnol. Il n'en fallait pas plus pour que notre Raymond Domenech national estime que «l'Espagne a déjà raté son Euro avec son arbitre».

L’Anglais Webb sera forcément permissif au niveau des contacts «parce qu’on connaît l’engagement de la Premier League». Le Turc Cakir ne sera pas au niveau «parce que ce n’est pas vraiment l’Europe». Enfin, le Français sera mauvais «parce qu’il est Français». Un dernier point qui sera âprement contesté par les professionnels du milieu. Ceux-ci remettront la faute sur l’organisation du football français qui ne les aide pas vraiment. Bref, de quoi alimenter 1 ou 2 heures de débat dans les magazines sportifs.

Le foot de l’est est tout pourri

La plupart des gens qui se réveillent aux choses du foot au mois de juin tous les deux ans (et peut-être toi, ami lecteur), n’ont pas vraiment idée de ce à quoi ressemblent les championnats de foot en Europe de l’Est. Nous non plus, parce qu’on ne va pas non plus streamer Legia Varsovie-Wisla Cracovie pour le plaisir, hein.

Mais résumons quand même. Sportivement, l’Ekstraklasa (division 1) polonaise n’a aucun intérêt, et la Premier Liga ukrainienne ne sert qu’à savoir qui du Dinamo Kiev ou du Shaktar Donetsk viendra faire le beau en Ligue des champions, et qui ira éliminer piteusement un club français en coupe de l'UEFA. Autour d’eux, la Russie grandit, mais la Roumanie, la Tchéquie ou encore la Serbie (on parle de leurs championnats) ne sont plus que l’ombre de ce qu’ils furent.

Le foot de l’est brille surtout par son «environnement», que l’on qualifiera de «déstabilisant» dans le meilleur des cas, ou de «pourri» le reste du temps. Un rapport, disséqué ici il y a quatre mois, en faisait ressortir les bas-fonds: les joueurs sont traités comme du bétail, parfois menacés et corrompus, les arbitres peuvent être achetés, les dirigeants sont véreux, les actes de racisme et de hooliganisme autour des matchs sont monnaie courante. Bref, on souhaite bon courage à nos amis polono-ukrainiens qui vont tenter de donner une bonne image de leur pays à la face du continent, car le potentiel de dérapage de cette compétition est assez important.

Olivier Monod et Ludovic Job

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