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Le Premier ministre turc Erdogan récompensé pour sa «tolérance»

Tayyip Erdogan, le 1er mars 2012 à Ankara. REUTERS/Umit Bektas
Tayyip Erdogan, le 1er mars 2012 à Ankara. REUTERS/Umit Bektas

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Der Spiegel, La Lettre ouverte, RP Online

Ça a tout l'air d'une plaisanterie, mais ce n'en est pourtant pas une. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan devrait recevoir ce samedi 17 mars un prix qui salue sa «tolérance», son «humanité» ainsi que son engagement en faveur de la consolidation européenne.

«Son pays brime les médias et oppresse les minorités», s'indigne le Spiegel, qui rappelle que la Turquie est tombée de la place 148 à 179 dans le dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, devançant désormais de peu le Pakistan.

Initié en 2005 par une entreprise d'info-com allemande basée à Bochum, dans la Ruhr, le Steiger Award rend hommage aux personnalités «qui se distinguent par leur droiture, leur ouverture d'esprit, leur humanité et leur tolérance».

Le Premier ministre turc a été nommé dans la catégorie Europe. L'an dernier, c'est José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, qui s'était vu décerner cette distinction. Erdogan devait se rendre à Bochum pour assister à la soirée de gala, mais il a finalement annulé son déplacement, officiellement à cause du crash d'un avion militaire turc en Afghanistan, qui a tué 12 soldats hier vendredi 16 mars.

Le Conseil central des Arméniens d'Allemagne s'est fendu cette semaine d'une lettre ouverte adressée aux autres nominés, parmi lesquels la reine Silvia de Suède, Horst Köhler, l'ancien président allemand, qui avait démissionné en 2010, ou encore la légende rock Lou Reed, dans laquelle il leur demande de se poser la question de savoir s'ils doivent vraiment accepter ce prix.

Enumérant les manquements au respect de la liberté d'expression du Premier ministre, le Conseil central des Arméniens conclut:

«Nous ne pouvons pas nous imaginer que vous puissiez vous réjouir de recevoir votre prix pendant qu'une telle distinction est remise à une personnalité si éloignée des principes défendus par le fondateur de ce prix.»

Comme si ça ne suffisait pas, c'est Gerhard Schröder, l'ancien chancelier allemand (SPD), qui devrait remettre le prix à Recep Tayyip Erdogan. Le célèbre journaliste et écrivain juif allemand Ralph Giordano a également pris sa plume et vivement critiqué Schröder dans une lettre ouverte publiée jeudi 15 mars, dans laquelle il estime qu'Erdogan «incarne comme personne d'autre aujourd'hui le mensonge turc» à propos du génocide arménien.

Rejoint par des associations kurdes et alévites, le Conseil central des Arméniens d'Allemagne appelle à manifester le jour de la cérémonie à Bochum. Selon l'agence RP Online, la police se prépare à voir débarquer 20.000 manifestants.

Nerveux, les organisateurs ont publié un communiqué sur leur site internet, indiquant que le prix accordé au Premier ministre turc récompensait non pas Erdogan lui-même mais «50 ans d'amitié turco-allemande» et demandent aux invités «de donner au Premier ministre le droit de s'expliquer» lors de la cérémonie.

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