Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Le Monde, Owni, Les Inrockuptibles
L’Assemblée nationale a adopté, le 6 mars, la loi sur la protection de l’identité, qui prévoit la mise en place d’une nouvelle carte d’identité biométrique. La carte sera dotée d’une puce obligatoire, dans laquelle seront insérées des données personnelles: nom, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, domicile, taille, couleur des yeux, deux empreintes digitales et photographie, détaille Pierre Piazza sur le blog de Laurent Mucchielli hébergé sur le site du Monde. Une autre puce, facultative, permettra l’identification du porteur de la carte dans le cadre de démarches administratives en ligne et du commerce électronique. Une base centralisée conservant ces données sera également créée: le plus gros fichier biométrique jamais mis en place en France.
La raison d'être de ce «fichier des gens honnêtes» est de lutter contre l’usurpation d’identité, comme l’écrit Pierre Piazza:
«La proposition de loi prévoit l’exploitation des données dactyloscopiques contenues dans cette base centralisée à des fins de police judiciaire, dans des limites fixées par le législateur: notamment sur réquisition judiciaire dans le cadre de recherches relatives à la fraude identitaire.»
Si «plusieurs “garde-fous” ont toutefois été prévus en la matière à la suite des recommandations émises par le Sénat (…)» l’histoire montre que «les détournements de finalité sont extrêmement fréquents», s’inquiète Pierre Piazza.
La biométrie, solution miracle?
Car ce futur fichier biométrique soulève au moins deux problèmes. D’abord, l’usurpation d’identité est-elle un phénomène si fréquent qu’il faille ficher 60 millions de Français pour s’en prémunir? Loin des 210.000 cas estimés par un sondage financé par une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, le chiffre serait beaucoup plus faible et, de plus, en baisse, selon Jean-Marc Manach qui a consacré à la loi plusieurs articles fouillés sur Owni:
«L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) estime de son côté que le nombre de “faux documents d’identité” est passé de 8.361 en 2005 à 6.342 en 2010, soit une baisse de 24% en 5 ans, chiffres que se sont bien gardés de mentionner Claude Guéant et les partisans du fichier des “honnêtes gens” au Parlement (...)»
Et la police aux frontières n’a recensé pour l’année 2010 que 651 cas d’usages frauduleux de cartes d’identité, écrit Pierre Piazza.
Au-delà des inquiétudes sur les libertés publiques, l’autre problème soulevé par le fichier biométrique concerne tout simplement l’efficacité souvent surestimée des techniques des «experts» scientifiques et techniques de la police.
Jean-Marc Manach rappelle qu’un rapport accablant de l’Académie des Sciences des Etats-Unis a remis en question cette efficacité dès 2009:
«Erreurs humaines, de calcul, de prélèvement, de conservation ou de comparaison des échantillons, biais méthodologiques ou scientifiques, les “experts” ont de très nombreuses raisons de se tromper… sans parler de ceux qui condamnent ainsi des innocents à plusieurs années de prison.»
Le blog du Monde cite le G29, groupe des responsables des autorités de protection des données en Europe, qui «a par exemple pu souligner que la possibilité de retrouver les données d’un individu dans une base biométrique diminue proportionnellement à l’augmentation du nombre de données qu’on traite dans cette même base».
Bonne nouvelle, la nouvelle carte biométrique est facultative, et les Inrockuptibles donnent quelques astuces à l’usage des honnêtes gens souhaitant se soustraire à ce fichier généralisé…
Les socialistes ont par ailleurs annoncé qu'ils allaient saisir le Conseil constitutionnel pour faire invalider la loi.