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Affaire DSK: le mystère du Blackberry piraté et disparu et d'une scène de liesse au Sofitel

Temps de lecture: 4 minutes - Repéré sur The New York Review of Books

Rebondissement dans l'affaire DSK du Sofitel? Edward Epstein, fait état, au terme de ses recherches, de nouvelles zones d’ombres concernant Dominique Strauss-Kahn et l’affaire du Sofitel à New York.

Dans un long article à paraître pour la New York Review of Books, que nous avons pu nous procurer et désormais accessible en ligne, le journaliste d’investigation américain retrace le fil de la fameuse journée du 14 mai 2011 et soulève de nouvelles questions à propos de ce dossier déjà très enchevêtré.

Le journaliste d'investigation fait ressortir trois nouveaux points, comme le souligne sur Twitter Stéphane Jourdain, journaliste pour l'AFP à Washington:

A la lecture de cet article, William Taylor, l'un des avocats américains de Dominique Strauss-Kahn, a affirmé dans un communiqué que le comportement des représentants du Sofitel et du groupe Accor était «sérieusement mis en question», et a relancé la thèse d'un complot contre son client:

«Nous ne pouvons plus exclure la possibilité que Dominique Strauss-Kahn ait été la cible d'un effort délibéré de le détruire en tant que force politique.»

Douglas Wigdor, l'un des avocats de Nafissatou Diallo, a qualifié l'article de «grotesque», «basé ni sur des faits, ni sur des preuves», ajoutant :

«C'est plus que grotesque et irresponsable de dire que Mme Diallo fait partie d'un complot gouvernemental pour faire tomber DSK.»

Voilà ce que l'article raconte, dans le détail:

1. Le piratage

Dans la matinée, DSK apprend par une amie «qui travaille temporairement comme documentaliste au siège parisien de l'UMP» qu'«au moins un de ses e-mails privés récemment envoyés depuis son BlackBerry à son épouse, Anne Sinclair, a été lu dans les bureaux de l'UMP à Paris».

Le journaliste souligne que la façon dont l'UMP aurait pu recevoir cet email n'est pas claire (depuis, l'UMP, par la voix de Jean-François Copé dans Les Inrocks, a démenti formellement l'«article et les allégations»).  

«Mais s'il provient de son BlackBerry, il a des raisons de croire qu'il est sous surveillance électronique à New York. Il a déjà été prévenu par un ami du corps diplomatique français que l'on pourrait essayer de l'embarrasser avec un scandale.»

DSK, toujours selon Epstein, téléphone à Anne Sinclair, depuis le fameux BlackBerry, à 10h07. Il lui explique qu'il a «un gros problème» et lui demande de contacter un de ses amis, Stéphane Fouks, pour lui demander au retour de DSK à Paris d’analyser le portable et son iPad pour savoir s’il est sur écoute.

Viennent ensuite les 6 à 7 minutes, entre 12h06-07 et 12h13 durant lesquelles Nafissatou Diallo est dans la chambre 2806 avec lui et qu'Epstein décrit selon les mots du rapport du procureur de New York: «un rapport sexuel hâtif».

A 12h13, il appelle sa fille Camille, depuis son BlackBerry, pour la prévenir qu'il aura du retard pour leur déjeuner. A 12h28, les caméras de l'hôtel montrent DSK partant du Sofitel.

A 12h51, selon BlackBerry, le téléphone est déconnecté et «la circuiterie du GPS désactivée». «Si on excepte la possibilité d'un accident, pour qu'un téléphone soit mis hors service de cette façon, il faut, selon un expert légal, une connaissance technique du fonctionnement du BlackBerry», précise Epstein.

A 12h54, les caméras du restaurant montrent DSK arriver.

2. La scène de liesse à l'hôtel

A 12h26, Nafissatou Diallo entre dans la chambre 2820 dans laquelle elle serait déjà allée «plusieurs fois» plus tôt dans la matinée.

Une à deux minutes après être passée par la chambre 2820, elle re-rentre dans la suite présidentielle 2806 que DSK a quittée. Quand elle sort, elle rencontre son superviseur dans le couloir et lui demande ce qui se passerait si un client abusait d'une employée.

A 12h52, elle est prise en charge par le service de sécurité de l'hôtel. A 13h03, John Sheehan, un expert des questions de sécurité «identifié sur son profil LinkedIn comme "directeur de la sûreté et de la sécurité chez Accor", est appelé par le Sofitel.

Son supérieur, rappelle Epstein, est René-Georges Querry, un ancien membre de la brigade antigang, qui «a travaillé dans la police avec Ange Mancini, coordinateur national du renseignement du président Sarkozy».  En route, il passe au moins un coup de fil (avec le préfixe 646).

A 13h33, Brian Yearwood, ingénieur en chef du Sofitel (qui est entré dans la suite présidentielle à 12h51, souligne Epstein), et l'homme –anonyme– qui a accompagné Nafissatou Diallo jusqu'au bureau de la sécurité s'éloignent du groupe qui s'est formé autour de Diallo. A regarder les bandes vidéo de l'hôtel, ils se félicitent, frappent dans leurs mains et se lancent dans «ce qui ressemble à une extraordinaire danse de fête qui dure trois minutes».

La police arrivera sur place à 14h05.

D'après Le Figaro, qui cite «une source proche du groupe» Accor, ni le Sofitel ni Accor ne communiquant officiellement, la direction américaine du groupe ferait «procéder à un revisionnage de toutes les vidéos» depuis ce jeudi 24 novembre, et «aucune scène correspondant à cette "danse" n'aurait été retrouvée sur les bandes» pour l'instant.

3. Le BlackBerry disparu

Comme on l'a vu plus haut, DSK appelle sa fille à 12h13. Puis ne se sert plus de son BlackBerry. Peu après 14h15, alors qu'il quitte le restaurant pour se rendre à l'aéroport, DSK se rend compte qu'il n'a plus le téléphone, qu'il voulait faire analyser.

Il appelle sa fille pour savoir s'il ne l'a pas oublié au restaurant. A 15h01, il appelle en vain son BlackBerry avec un autre téléphone. A 15h29, il appelle l'hôtel pour savoir s'il n'a pas oublié son BlackBerry chez eux. C'est lors de ces échanges qu'il dit qu'il est à l'aéroport JFK. La police l'arrête à 16h45. Le BlackBerry n'a pas été retrouvé.

Edward Jay Epstein est un journaliste américain d'investigation. En 1966, il a publié Inquest, une critique de la Commission Warren sur l'assassinat de John F Kennedy, auxquels il a consacré deux autres livres.

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