Politique / Life

Faut-il être malade mental pour diriger un pays?

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The New York Observer, Wall Street Journal, New Scientist

Selon le pyschiatre Nassir Ghaemi, il existerait des liens plus ténus qu'on ne le pense entre les maladies mentales et ce qui fait l'étoffe d'un dirigeant. C'est en tout cas la théorie qu'il développe dans son nouveau livre, Une folie de première classe: les liens entre esprit dirigeant et maladie mentale (A First-Rate Madness: Uncovering the Links Between Leadership and Mentall Illness), critiqué sur plusieurs sites web.

«On pourrait l'appeler la Loi inverse de santé mentale», écrit l'auteur dans le Wall Street Journal:

«Lorsque les temps sont bons et que le vaisseau de l'État n'a besoin que d'aller de l'avant, alors les gens sains d'esprit sont de bons leaders politiques. Mais en cas de crise et de tumulte, ceux qui sont anormaux mentalement, voire malades, deviennent les plus grands leaders. […]

Abraham Lincoln était célèbre pour ses périodes dépressives, il a même fallu le surveiller pour qu'il ne se suicide pas; il était par ailleurs traité pour sa mélancolie par des docteurs. La maladie mentale a touché y compris des icônes saintes comme Mahatma Gandhi et Martin Luther King Junior, tous deux ayant fait des tentatives de suicides pendant leur adolescence et ayant connu au moins trois périodes dépressives à l'âge adulte.»

«Je n'essaie pas de spéculer sur la relation des figures historiques avec leur mère, ou leur secrets sexuels les plus sombres», continue-t-il. «J'essaie au contraire de baser mes diagnostics sur des sources largement acceptées de preuves psychiatriques: les symptômes, l'histoire de la famille, la trajectoire de la maladie, et les traitements».

Adolf Hitler, par exemple, avait comme Winston Churchill un problème de sommeil:

«[Hitler] avait développé, comme Churchill, des cycles de sommeil inversés. Il restait éveillé tard dans la nuit, parlant et travaillant sans relâche, mais dormait chaque matin jusqu'à midi. Hitler voulait être en forme le matin et dormir plus tôt. Morell avait juste ce qu'il lui fallait.»

Théodore Morell était le médecin d'Hitler, précise The New York Observer. Il lui prescrivit alors (en 1937) des «injections magiques», en vérité des amphétamines en intra-veineuse. En 1941, «Hitler prenait constamment trois types de drogues psychoactives: des opiatés, des barbituriques, et des amphétamines».

Cette prise de drogues n'était pas sans conséquences, notamment sur son énergie. Nassir raconte ainsi qu'à une occasion «en décembre 1942, [Hitler] a crié pendant pas moins de trois heures sans s'arrêter».

Ces faits étaient toutefois connus; ce qui l'est moins c'est la manière de Nassir Ghaemi de voir les choses. Pour lui, la chute d'Hitler n'est pas une histoire de troubles mentaux exacerbés par la drogue, mais de troubles mentaux «gâchés» par la drogue: jusqu'en 1937, son état maniaco-dépressif a influencé sa carrière politique en bien, augmentant entre autres son charisme et sa créativité politique. Mais avec les amphétamines, ses épisodes maniaco-dépressifs ont empiré, et avec eux son leadership.

(Ghaemi n'est pas un sympathisant nazi, il émet simplement la théorie que l'état mental d'Hitler était un atout pour ses ambitions politiques).

Pour le New York Observer, le livre «est un travail complexe de psychologie, mais c'est aussi un travail de commérages sur l'histoire des célébrités, un "who's who" des éminents dérangés».

Michael Bond est toutefois plus négatif, sur le New Scientist:

«L'un des buts avoués de [Nassir] Ghaemi est de démanteler le stigmate culturel qui entoure la maladie mentale. Ce serait bienvenu, mais il s'approche au contraire trop de la glorification de cette maladie mentale, ce qui semble difficilement la meilleure réponse alors que sa matière première reste basée sur des suppositions.»

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