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Un «test d’homosexualité» pour les réfugiés en République tchèque

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Der Spiegel, The Global Post, Têtu, Queerty

Les autorités tchèques avaient besoin d'une preuve tangible. Or, pour vérifier si un demandeur d'asile est réellement homosexuel, quoi de plus concret que de mesurer son érection quand il regarde un porno?

C'est en tout cas ce qu'a décidé le docteur Ondrej Trojan quant au sort de deux iraniens réfugiés à Prague, d'après Der Spiegel. Poursuivis dans leur pays pour «conduite immorale», les deux hommes risquaient la peine de mort. Ils avaient apporté leurs convocations de la police iranienne pour prouver qu'ils étaient en danger. Des documents officiels insuffisants pour les Tchèques, qui les ont envoyés chez le docteur Trojan pour certifier leur orientation sexuelle via un «test phallométrique».

Inventé dans les années 1950 par Kurt Freund, ce test consiste à mesurer l'afflux de sang vers le pénis (ou le vagin) d'un individu qui regarde des films X mettant en scène alternativement des hommes et des femmes. L'idée étant qu'un gay ne peut pas être excité par du porno hétérosexuel. Une «théorie idiote», selon Queerty, «ainsi que n'importe quel homosexuel qui [en] a déjà regardé pourra vous le dire». Le gouvernement tchèque a pourtant utilisé ce test pour vérifier que les demandeurs d'asile n'invoquaient pas de faux motifs dans leur recours.

L'agence des droits fondamentaux de l'Union Européenne a vivement critiqué cette méthode dans un rapport sur les droits des LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) en Europe car «cette procédure touche à la partie la plus intime de la vie privée d'un individu». En plus d'être humiliant, ce test n'apparaît pas sans faille, selon l'agence, citée par Têtu:

«Nous voyons de nombreux problèmes avec cette technique, au-delà de la simple fiabilité des "tests phallométriques" et la possibilité d'en tirer des conclusions dans le cadre d'un dossier juridique. Notamment, son inefficacité dans le cas où la personne est bisexuelle.»

A sa suite, la Commission Europénne a déclaré le 10 décembre que le test phallométrique viole la Charte européenne des droits fondamentaux, qui interdit la torture et les traitements dégradants.

Côté tchèque, la réaction ne s'est pas faite attendre. Le ministre de l'Intérieur a répliqué que ce test n'avait été appliqué qu'à une dizaine de cas et uniquement avec le consentement des demandeurs d'asile. Après la polémique, la République tchèque a fini par déclarer que ce type de test ne sera plus effectué que sur la demande du requérant. Une maigre consolation, selon Queerty: ne pas demander ce test jettera probablement le doute sur le dossier du demandeur d'asile, et le rendra plus vulnérable.

Le test de phallométrie reste en vigueur dans certains pays pour d'autres raisons. Au Canada, il fait partie des batteries de test permettant de déceler les penchants pédophiles. Utilisé dès l'incarcération, il continue d'être administré à certains détenus même après leur libération. Dans ce cas de figure, il s'agit de mesurer l'érection du prisonnier quand il voit des photos d'enfant. Un examen qui permet aux médecins d'évaluer précisément les types d'excitation du pédophile et donc d'adapter le traitement à son profil.

Photo: gay with one eye./Homo Eяectus via Flickr CC License by

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