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Militant d'al-Qaida, un travail précaire

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur New York Times, Wall Street Journal, David Marron

Des documents concernants l'organisation des finances d'al-Qaida dans la province d'Anbâr en Irak ont été retrouvés et utilisés par des chercheurs de Rand Corporation. Les premiers enseignements tirés soulignent l'efficacité de la structure mais le régime économique assez drastique concernant ses militants.

Les conclusions de l'étude de ces documents sont assez claires. Le groupe al-Qaida à Anbâr profite d'une organisation extrêmement compétente doublée d'un système bureaucratique largement profitable. Les statistiques portent sur la période allant de 2005 à 2006. Les comptes-rendus font état de bénéfices conséquents. Ainsi l'organisation aurait gagné environ 373.000 dollars par mois pendant ce laps de temps (environ 285.000 euros). Tous les moyens sont bons pour accumuler de l'argent: extorsion de fonds, chantage et revente de biens volés au marché noir. Les bénéfices effectués sont même assez importants pour être redistribués vers la caisse centrale d'al-Qaida en Irak ou des opérations à l'étranger.

À la manière d'une entreprise auto-suffisante, al-Qaida présente un bilan sain et ne dépendrait que de ses ressources. Les chiffres tendent à confirmer les théories émises par Steve Kiser en 2005. L'idée que la maison mère d'al-Qaida fournit un capital à ses succursales tout en les encourageant à devenir rapidement autonomes financièrement.

Les revenus d'al-Qaida à Anbâr entre 2005 et 2006:

  • $2.302.188-(€1.757.490): Ventes d'équipement volés
  • $925,632-(€706.627): Transferts de secteurs
  • $546,107-(€416.898): Butin de guerre
  • $473,340-(€361.347): Ventes de voitures
  • $233.021-(€177.888): Donations

Donald Marron, financier américain, se réjouit de pouvoir profiter d'informations aussi précises. Il confie sur son blog:

«Suivre l'argent. Depuis Al Capone et le Watergate jusqu'à aujourd'hui, c'est le seul conseil qu'on puisse donner quand on étudie les rouages d'une organisation obscure.»

Certaines zones d'ombre persistent néanmoins. Si les revenus du pétrole apparaissent comme quantité négligeable, il se pourrait que les chiffres n'aient pas été répertoriés. Ce qui serait une surprise sachant qu'al-Qaida revendique dans son équipe administrative la présence d'un «ministre du Pétrole». Les dépenses de l'organisation sur la même période sont repartis de cette manière:

  • 56% réservé aux investissements
  • 11% aux dépenses administratives
  • 10% aux dépenses militaires
  • 9% à la trésorerie
  • 5% factures et frais médicaux

Le reste est divisé entre les dépenses en matière de sécurité, le financement du Conseil des moudjahidines de Shura, les investissements en termes de médias et communication, le coût du système judiciaire propre à l'organisation, de la corruption des douaniers et du courrier. Les chercheurs de Rand ont ensuite recoupé les comptes d'al-Qaida avec le nombre d'attaques terroristes perpétrées dans la région d'Anbâr. Ils ont conclu que chaque intervention avait coûté en moyenne $2.732 (€2.086). Il existe cependant une véritable disparité au niveau des salaires convenus par l'organisation.

Ainsi, al-Qaida verse environ $491 (€375) par an pour un militant sans famille. Le salaire varie selon l'implication de l'individu et le nombre de personnes à sa charge. Il est notable qu'un membre de l'organisation terroriste gagne moins en un an qu'un habitant de la même région. Les compensations versées par al-Qaida en moyenne atteignent $1.331 (€1.016) par an. Alors qu'un citoyen d'Anbâr reçoit $6.177 (€4.716). En parallèle, les revenus du militant sont accompagnés d'une hausse de 50% des risques de mort violente. Quant aux sommes versées à la famille d'un candidat à l'attentat suicide, elles oscilleraient entre $6.000 (€4.581) et $30.000 (€22.908).

Rand Corporation présente ses recherches comme une analyse financière pointue à partir de documents authentiques. Ils en arrivent aux conclusions que l'organisation hiérarchique de l'organisation entraîne des prises de décision décentralisée. L'importance des profits permet surtout une redistribution en partie vers la branche principale. Par conséquent et compte tenu de la régularité des attaques, les leaders ne conservent que peu de liquidités. La faiblesse des rémunérations prouve que les militants ne sont pas attirés par l'argent. En montrant que l'organisation des attaques ne peut se faire sans financement, les auteurs mettent aussi en exergue qu'attaquer le modèle économique d'al-Qaida ralentirait nécessairement son activité.

Photo : Afghan Soldier / DVIDSHUB CC License by

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