Quand le gouvernement britannique décide de s’attaquer à la pornographie sur le Web, il ne fait pas les choses à moitié. Le ministre de la Communication, Ed Vaizey, a prévu de rencontrer le mois prochain British Telecom, Virgin Media et Talk Talk, les trois principaux fournisseurs d’accès Internet du Royaume-Uni, pour leur «demander de changer la manière dont la pornographie s'invite dans les foyers britanniques», a-t-il déclaré au Sunday Times (article payant). Le gouvernement souhaite en effet permettre aux utilisateurs de choisir ou non d’accéder à du contenu pornographique, en bloquant par défaut les sites concernés. A l’inverse du contrôle parental, qui reste obscur pour un grand nombre d’internautes et qu’il faut installer puis paramétrer, le blocage proposé par le ministre s’effectuerait a priori, et les utilisateurs devraient décider ou non de le désactiver.
Et en France?
Une
proposition qui survient quelques semaines après l’intervention de la
députée conservatrice Claire Perry au Parlement britannique où elle
affirmait qu’un enfant de 10 ans sur trois avait déjà été exposé à de la
pornographie et demandait la mise en place d’un système de filtrage du
contenu explicite basé sur la vérification de l’âge de l’internaute.
Pour l’Ispa, l’association des fournisseurs d’accès à Internet, une
telle solution est extrêmement coûteuse et très complexe à installer. De
plus, il faut prendre en compte une marge d’erreur qui risquerait de
bloquer ou de permettre l’accès à certains sites à tort. TalkTalk, par
exemple, propose un système d’évaluation des sites à la manière des
films ou des jeux vidéo (tous publics, interdit aux moins de 14 ans,
aux moins de 18 ans), mais il faudrait alors classer la pornographie, un
véritable casse-tête. Ed Vaizy a d’ores et déjà déclaré que les FAI qui
ne respecteraient pas le filtrage par défaut seraient sanctionnés.
Cette
démarche du gouvernement s’inscrit dans la continuité de la politique
britannique de protection de l’enfance sur Internet, et fait écho aux
mesures prises précédemment pour renforcer la lutte anti-pédophilie sur
le Web, notamment la mise en place en juillet dernier d’une application
installant un bouton d’alerte sur Facebook,
destiné aux Britanniques de 13 à 18 ans qui détecteraient un
comportement suspect de la part d’un autre utilisateur. En 2006, le
Royaume-Uni avait également voté un amendement autorisant la police à
informer les établissements bancaires de transactions vers des sites
pédophiles effectuées par leurs clients, pour qu’elles bloquent
immédiatement les cartes incriminées.
Une
nouvelle proposition de censure dans l’air du temps, puisqu’en France,
l’Assemblée nationale a fini par adopter la semaine dernière le très
controversé article 4 de la Loppsi2, qui permet le blocage de certains
sites Internet (sous prétexte de lutte contre la pédo-pornographie) aux
internautes français sans l’intervention préalable d’un juge. Un article
que Nicolas Sarkozy lui-même découvrait le lendemain du vote, à l’occasion du déjeuner organisé à l’Elysée où il rencontrait «les acteurs de l’Internet», comme le racontait sur Slate.fr :
Sur Loppsi, alors qu’on était au lendemain d’un vote ubuesque et stupide, d’une loi qui installe pour la première fois un filtrage du web, sous le prétexte (légitime) de la lutte contre la pédopornographie, j’ai été surpris: le président n’était pas au courant de l’article 4 de la loi. Il ne savait pas que son pays avait rejoint un petit club de nations emblématiques (Tunisie en tête) dans ce filtrage sans juges. Nos protestations (polies, mais assez fermes) ont été prises en notes.