Économie

Le mythe du chômeur fainéant

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Salon, La Tribune, L'Expansion

L’assertion est vieille comme l’Etat providence. Au moins. Et sans frontière. Pour de nombreux conservateurs, les chômeurs sont des feignants qui ne font que profiter des grasses indemnités qui leur sont accordées. La rengaine est bien connue en France, et aux Etats-Unis, comme le rappelle le magazine Salon, dans les mêmes termes. Le sénateur Judd Gregg estime ainsi que les allocations chômage encouragent les gens à ne pas rechercher de travail. L’éditorialiste conservateur Ben Stein ajoute même que les personnes qui ont été licenciées et ne retrouvent de travail étaient des gens qui avaient des mauvaises habitudes et mauvais caractère.

Si on applique ces critères au nombre de chômeurs aux Etats-Unis, cela voudrait dire que les «15 millions de sans emploi aux Etats-Unis sont comme George Costanzas — un des amis de Seinfeld particulièrement inapte au monde du travail: des  flâneurs parasites qui font semblant de chercher un boulot de testeur de matelas».

Bien sûr, conteste l’auteur de ce billet, ces affirmations sont contestées par les économistes sérieux, du prix Nobel d’économie de centre droit Paul Krugman au conservateur et ancien patron de la FED Alan Greenspan. Avec pour argument principal, un chiffre: aux Etats-Unis, il y a cinq demandeurs d’emploi pour une offre. Le problème principal vient d’un manque de postes disponibles –pas d’un manque d'initiative personnelle.

Pourquoi ces mythes perdurent-ils, s’interroge l’auteur? Parce qu’il est logique pour ceux qui pensent que le monde est fondamentalement juste et que tout le monde peut-être millionnaire (la force du poignet faisant la différence), pour ceux qui, arrogants, pensent que si vous conservez votre emploi, c’est parce que vous êtes meilleurs que les autres. Et enfin, estime Salon, parce que les nouvelles en provenance du marché de l’emploi —chaque jour plus effrayantes, avec des raisons complexes— introduisent chez ceux qui ont toujours un boulot une sensation apaisante de contrôle.

Ces idées de responsabilité personnelle des chômeurs ont connu une traduction récente dans la nouvelle politique sociale britannique, avec la décision du gouvernement de «casser le cycle de la dépendance» selon les mots du ministère du Travail et des Pensions rapportés par L’Expansion: «Le ministre Iain Duncan Smith veut que les chômeurs se réhabituent à se “présenter le matin à 9h et repartir l'après-midi à cinq heures”.»

Ceux qui sont au chômage depuis longtemps «ne sont pas là parce qu'ils sont mauvais, stupides ou paresseux, mais parce que les circonstances leur ont été défavorables», a réagi l'archevêque de Cantorbéry Rowan Williams. «Obliger un chômeur à faire des tâches qui n'ont aucun rapport avec ses qualifications, ses compétences et son projet ne va pas l'aider à se rapprocher d'un emploi», dit Yannick L'Horty, professeur d'économie à l'Université Paris Est.

Selon les experts du BIT, il y aurait désormais un phénomène de «découragement et d'inactivité prolongée», où les jeunes perdent tout espoir de trouver un emploi. Cette oisiveté de la jeunesse engendre l'apparition de nouveaux coûts, auxquels les économies ont encore du mal à faire face: des coûts administratifs (allocations, investissement dans l'Education), mais aussi moraux (soins contre les dépressions, par exemple). Ce serait donc le chômage qui engendrerait l'oisiveté, pas l'inverse.

Photo: CC by Flickr Autiscy

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