Économie

Le sauvetage de l'Irlande, un «scandale»?

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur Libération, Challenges.fr, AFP, Coulisses de Bruxelles

Les ministres des Finances de l'Union européenne ont formellement adopté ce mardi le plan d'aide de 85 milliards d'euros à l'Irlande, rapporte Challenges.fr. Celle-ci devient ainsi le deuxième pays de la zone euro à bénéficier d'un soutien extérieur de grande ampleur, après la Grèce en mai dernier.

Sur les 85 milliards d'euros prévus par ce programme de prêts échelonnés sur trois ans, 50 milliards seront destinés à couvrir les besoins budgétaires du pays. Les 35 milliards restants seront consacrés au seul secteur bancaire, très fortement endetté à la suite de l'éclatement de la bulle immobilière qui a plongé l'Irlande dans la récession.

Alors que d'importants acteurs du monde économique et financier, comme Dominique Strauss-Kahn, Jean-Claude Trichet ou le département du Trésor américain, avaient salué le projet de plan d'aide à l'Irlande, l'économiste Thomas Piketty les prend à contre-pied. Dans sa chronique publiée dans Libération (accès payant), il s'insurge contre le sauvetage des banques irlandaises, qualifié de «scandale». Motif: l'Union européenne n'a pas demandé la fin du dumping fiscal pratiqué par le pays:

«Il est invraisemblable que l'Union européenne prête aujourd'hui quelque 90 milliards d'euros pour sauver les banques et les finances publiques irlandaises sans exiger au préalable un relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés - actuellement de 12,5%, et qui devrait être au moins de 25-30%.»

Pour Piketty, les stratégies de développement fondées sur le dumping sont nocives aussi bien pour les pays qui les pratiquent que pour les pays voisins. D'où la nécessité d'une réponse européenne à ce problème:

«Chaque pays individuellement est pris dans un engrenage: comme dans la course aux armements, les Irlandais ont intérêt à maintenir un taux faible d'impôt sur les sociétés tant que les Polonais, les Estoniens etc. maintiennent le leur. C'est bien pour cela que seule l'Union européenne peut mettre fin à ce ridicule jeu à somme nulle. On peut imaginer un IS totalement européen, ou bien un système dual avec un taux minimal de 25% dans chaque pays, complété par une surtaxe européenne de 10%. Cela permettrait à l'UE de reprendre à son compte le surcroît d'endettement public créé par la crise et de permettre aux finances publiques nationales de repartir du bon pied.»

Le sauvetage programmé de l'Irlande n'a pas satisfait les marchés, qui redoutent la contagion de la crise de la dette à d'autres pays fragiles, notamment le Portugal et l'Espagne, notait l'AFP peu après l'annonce du plan d'aide. La crise de l'euro est donc loin d'être terminée.

«L'euro est en guerre», affirme (à l'instar d'Eric Le Boucher) d'ailleurs sur son blog le journaliste Jean Quatremer, qui publie un récit détaillé des coulisses de la crise de la monnaie unique. En remontant au début de l'année 2009, il raconte les négociations menées entre les gouvernements et les responsables des institutions économiques pour tenter de préserver la survie de la zone euro. Et pose cette question: «Presque douze ans après son lancement, le 1er janvier 1999, l’euro, la monnaie unique de seize pays européens, parviendra-t-il à gagner la mère de toutes les batailles?»

Photo: Drapeau irlandais. Shaun Dunphy via Flickr, CC Licence By

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