«Fabriquer un crayon est un processus étonnamment complexe»
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«Fabriquer un crayon est un processus étonnamment complexe»

Fanny Arlandis -

Entre 2015 et 2017, le photographe Christopher Payne s'est rendu plus de trente fois à General Pencil, l'une des dernières usines américaines de fabrication de crayons. «Le crayon est un objet si simple et pourtant omniprésent dans nos vies, raconte-t-il, à tel point que nous le prenons pour acquis. Mais les fabriquer est un processus étonnamment complexe et quand j'ai vu toutes les étapes nécessaires, dont beaucoup sont réalisées à la main, je savais que cela ferait un récit visuel puissant.»

«J'ai une formation d’architecte et j'ai toujours été fasciné par le design, l'assemblage et les procédés industriels, en particulier les anciens. J'ai découvert la fabrique de crayons General Pencil en 2010, mais à ce moment-là, les propriétaires n'étaient pas à l'aise avec l'idée de laisser un photographe pénétrer à l'intérieur. Sur cette photo, un employé s'occupe des filtres qui séparent la suspension de graphite ou de charbon de bois de l'eau. Dans cette partie de l'usine, presque chaque surface est revêtue d'une nuance de gris monochromatique et l'absence de couleur est frappante.»

«Je suis resté en contact avec les propriétaires et ils m'ont accordé l'accès, cinq ans plus tard. Entre l'automne 2015 et l'été 2017, j'ai visité l'usine au moins trente fois. Sur cette photo, on voit des extrusions de graphite qui ont été collectées pour être recyclées. Juste après l'extrusion, le graphite est humide et malléable.»

«Sur cette photo, l’employé déballe les creusets après avoir chauffé les noyaux de graphite dans le four. C'est l'une de mes images favorites, grâce à l'éclairage dramatique et au sens de l'action.»

«General Pencil est une entreprise familiale qui dure depuis six générations. Elle a été fondée en 1889 à Jersey City, dans le New Jersey, et fabrique une variété de fournitures scolaires, artistiques et artisanales de haute qualité. Alors que la plupart des fabricants américains ont délocalisé leur production à l'étranger, General Pencil s'engage à soutenir la communauté locale et à maintenir ses activités et ses emplois aux États-Unis. Ici, les noyaux de graphite refroidissent, après avoir été trempés dans de la cire chaude. J'ai essayé de montrer le crayon avant qu'il ne soit reconnaissable, en le dévoilant d'une manière jamais vue auparavant.»

«Le crayon “mine” est fait d'un mélange de graphite et d'argile, en ajoutant de la cire pour la douceur. Plus de graphite rend le crayon plus noir et plus doux; plus d'argile le rend plus dur. Cet employé travaille chez General Pencil depuis quarante-sept ans. La machine derrière lui mélange des ingrédients pour faire du pastel blanc.»

«Les morceaux de graphite et d'argile sont broyés et mélangés dans un énorme tambour rotatif rempli de roches. De l'eau est ensuite ajoutée à la poudre obtenue pour produire une suspension. Après le séchage de la suspension, celle-ci est de nouveau mélangée avec de l'eau pour produire une pâte, qui est alors extrudée à travers une presse en fines tiges ou noyaux. Les noyaux sont chauffés dans un four pour les rendre plus durs et éliminer l'humidité. Après le séchage, les noyaux sont trempés dans de la cire chaude, ce qui leur confère une consistance lisse. Les noyaux de pastel, utilisés pour les crayons de couleur, sont extrudés par une presse et posés à la main sur des planches de bois rainurées. L’employée sur l’image assortit toujours la couleur de ses ongles et de sa chemise à la couleur du pastel qu’elle produit cette semaine-là.»

«Les viroles, les bandes de métal qui entourent la gomme, sont chargées dans ce bac de transport qui alimente la benne basculante. Vue de près et d'en haut, cette machine a l'air à la fois ancienne et nouvelle, en partie analogique et en partie futuriste.»

«Lors de l’étape finale, le crayon est entouré de quatre couches de peinture. Voici la machine de basculement, qui ajoute les viroles et les gommes aux pointes et qui taille les crayons. J'attendais que les crayons soient peints en jaune pour photographier la bascule, car je savais qu'ils se détacheraient du métal sombre de la machine.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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