Un petit coin: les enjeux de la défécation en plein air et de l'assainissement
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Un petit coin: les enjeux de la défécation en plein air et de l'assainissement

Fanny Arlandis -

«Selon l’ONU, près de 60% de la population mondiale n’a pas de toilettes à la maison ou ne jette pas ses déchets humains en toute sécurité, tandis que 1,8 milliard de personnes boivent de l’eau provenant de sources contaminées», explique Andrea Bruce. En 2016, cette photographe américaine est missionnée par le National Geographic pour travailler sur la défécation en plein air et l'assainissement en Inde, à Haïti et au Vietnam. Ses images sont visibles au festival Visa pour l'image jusqu'au 16 septembre.

«J’ai commencé à travailler sur ce projet en 2016, quand le National Geographic m'a passé commande. J'ai d’abord été intriguée par le sujet, puis je m'y suis consacrée pleinement quand j’ai compris à quel point il est important à l'échelle planétaire. En Inde, des installations collectives sont une réponse à la pénurie de toilettes, mais sans système organisé pour le nettoyage et l’entretien, la défécation reste un problème de santé publique. Ces femmes attendent l’ouverture de la seule cabine en état de marche.»

«De jeunes Indiennes font la queue pour l'école, où il n'y a pas de toilettes. La plupart des filles abandonnent l'école lorsqu'elles commencent à avoir leurs règles, à cause du manque de toilettes et d'intimité. Dans le village de Peepli Kheera, qui compte environ 800 habitantes et habitants, il n’y a qu’un seule toilette gardé sous clef. Toute la communauté défèque à l'extérieur –les hommes dans les champs d'un côté du village, les femmes de l'autre. Selon l’Unicef, c'est la raison pour laquelle les enfants attrapent des parasites et des infections chroniques qui nuisent à la capacité des intestins d'absorber les nutriments. Toujours d'après l’Unicef, 117.000 enfants meurent chaque année de la diarrhée en Inde.»

«Les toilettes qui éliminent les déchets en toute sécurité sauvent des vies, car les excréments humains propagent des maladies comme le choléra, la diarrhée, la typhoïde et l'hépatite. Près d'un milliard de personnes dans le monde, dont plus de la moitié en Inde, se soulagent régulièrement à l'extérieur. Dans les bidonvilles d’Haïti, la plupart des habitantes et habitants font leurs besoins dans les ruelles, entre les maisons. Les rues sont régulièrement inondées, ce qui favorise le risque de choléra, une maladie qui s’est propagée dans le pays depuis le séisme de 2010.»

«Fritznel Xavier, 15 ans, reçoit un traitement de réhydratation en intraveineuse dans un centre de traitement du choléra (CTC) à Jérémie, l'une des villes haïtiennes les plus touchées par l'épidémie de choléra. La maladie est maintenant très présente dans le sud du pays, avec la pluie qui transporte les eaux usées jusqu'aux rivières et qui répand de l'eau infectée. Les foyers de choléra correspondent aux zones touchées par les ouragans.»

«Jhilli Pradhan prépare le petit-déjeuner pour la famille de son mari avec de l'eau du robinet fournie par une organisation humanitaire, Sulabh Das. La famille a maintenant l'eau courante, après avoir construit une dépendance dans sa cour arrière. Sans un assainissement adéquat, il est difficile de trouver une bonne eau. La plupart des villages prennent leur eau dans des puits qui sont souvent contaminés par la défécation à l'air libre. Si un ménage partage le coût de la construction d'un toilette, l'organisation lui donne un robinet d'eau courante dans sa maison.»

«La défécation à l'air libre a un impact profond sur l'approvisionnement en eau dans les bidonvilles de l'Inde. Des organisations comme Water Aid travaillent pour fournir des toilettes dans ces quartiers, par exemple à New Delhi. Mais cela ne représente qu'une petite fraction de ce qui est nécessaire pour maintenir un approvisionnement en eau et des conditions sanitaires saines. L'eau est souvent fournie par le gouvernement, pendant une heure chaque matin, ce qui provoque une ruée folle vers les robinets. Environ la moitié de la population indienne défèque à l'extérieur sans utiliser de toilettes.»

«L'Inde a été sélectionnée pour mon projet parce que le gouvernement fait de l'assainissement et de la défécation en plein air une priorité. Nous voulions voir comment un pays avec une population aussi nombreuse s'attaque à cette problématique. J’ai ensuite choisi Haïti, car ce pays subit de nombreuses catastrophes naturelles, ses infrastructures sont médiocres et le choléra y est présent. Sur cette photo, une petite fille de 10 ans nommée Baby est assise devant chez elle dans un bidonville de New Delhi. Sa famille dit qu'elle souffre d'une diarrhée constante.»

«Un village vote en faveur de l'utilisation de toilettes au lieu de déféquer à l'air libre, en raison du déclenchement de la procédure “d'assainissement mené par la communauté” par Smarten, une association locale à but non lucratif.»

«Exilian Cenat, 44 ans, travaille comme bayakou depuis près de vingt ans. Le bayakou rampe dans les trous des toilettes pour vider les selles à la main avec un seau, en s'immergeant complètement dans les eaux usées.»

«Dao Thannh Lam, 5 ans, utilise les toilettes de son école, l'ABT Nursury School, dans la paroisse de Tan Thach. Au Vietnam, une grande partie de la lutte pour l'accès à des toilettes a été menée par les écoles. Dans toutes celles construites au cours des dix dernières années, la plomberie intérieure et les rituels de nettoyage des mains sont obligatoires. Dans les régions montagneuses du nord et des hauts-plateaux du centre du pays, les taux de retard de croissance et de pauvreté sont élevés et l’accès à l’assainissement est parmi les plus bas du pays; 21% de la population rurale de ces régions défèquent à ciel ouvert. Une autre dimension de l'inégalité de l'assainissement existe au Vietnam, celle de l'ethnicité. Dans les régions évoquées, le taux de défécation à l'air libre s'élève à 31% pour les minorités ethniques.»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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