«Salis», le sel d'Australie vu du ciel
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«Salis», le sel d'Australie vu du ciel

Fanny Arlandis -

«Le paysage australien est ancien, unique, dur et stérile», explique la photographe Leah Kennedy. Depuis Perth, elle a survolé une longue chaîne de rivières et de lacs salés de la région de Wongan Hills jusqu'au Lake Moore, situé à environ 400 km au nord-est de la capitale de l'État d'Australie-Occidentale, avec un but d'exploration: le sel. Sa première série d'images, appellée «Salis», suit la trajectoire de ce vol de la côte à l'intérieur des terres australiennes.

«Je suis Australienne, je suis née et j'ai grandi en Australie-Occidentale. J’ai donc une affinité avec ce paysage. Il est unique, dur et stérile. Depuis le sol, ce ressenti est peut-être difficile à photographier et à transmettre. Mais vu du ciel, le paysage revêt toutes ces caractéristiques et plus encore. Ce projet m'est venu de manière tout à fait organique: je faisais des recherches sur les zones à photographier localement à l’aide de la vue par satellite de Google Maps. Lorsque vous regardez le paysage de l’Australie-Occidentale, ce qui saute aux yeux ce sont les anciens systèmes fluviaux qui s’y tissent.»

«Ce fut le début d'une idée vouée à explorer l'abstraction et la dualité du paysage aérien en utilisant le thème du sel qui prévaut abondamment dans le paysage australien, de la côte à l'intérieur des terres. D'impulsion première, ce projet s'est mué en préoccupation environnementale. Il permet de se démarquer de la destruction et des problèmes causés par la salinisation. Mais encore de mettre en avant la beauté abstraite du paysage.»

«La zone photographiée pour cette partie de la série est soumise à un climat semi-aride où la salinité primaire est un processus naturel. Les précipitations apportent de petites quantités de sel sur plusieurs milliers d'années et peuvent s'accumuler avec le temps. La salinisation secondaire est due à un changement dans l'utilisation des terres. Dans le cas de l'Australie-Occidentale, elle résulte du défrichement des terres au tournant du siècle. En fin de compte, cette salinité accrue menace les écosystèmes.»

«Ces images ont été prises à partir d’un avion monomoteur Cessna 210 qui ne comporte pas d’aile ni de support de roue rétractable, ce qui permet un champ de vision plus large lors de la prise de vue. Comme nous parcourions une grande distance et que la gestion de l’alimentation en carburant était un sujet de préoccupation et la plus grande difficulté de ce travail, la porte n’a pas été retirée et les vols sont préparés avec minutie. Cependant, cet avion dispose d’une fenêtre que l’on peut ouvrir, ce qui m’a permis de photographier depuis cet interstice.»

«Il s’agit d’un processus d’entente conjointe entre le pilote et moi-même. Je lui communique l'objectif que j’essaie d’atteindre afin qu’il puisse positionner l’avion en conséquence. Il faut ensuite prendre en compte les aspects techniques de la photographie, tels que la vitesse d'obturation et l'ouverture, qui sont des facteurs importants pour la prise de vue aérienne. La vitesse d'obturation doit être élevée, au moins 1/2.000e de seconde pour atténuer les vibrations de l'avion.»

«Une fois que je suis de retour devant mon ordinateur et que je regarde, sélectionne et édite, ma vision artistique de ce travail va plus loin. J'éclaircis et j'assombris certaines zones pour attirer le regard, en améliorant les couleurs et les textures pour donner plus de vie à l’image. C’est pour moi une partie amusante du processus: j'aime améliorer les fichiers et, finalement, les préparer à l'impression.»

«Le processus d’enquête, de planification et d’exécution de la première partie de cette série semblait évoquer les premiers explorateurs, mais avec une technologie beaucoup plus avancée! Finalement, cela m’a évoqué la tendance à utiliser des noms latins pour nommer des découvertes scientifiques.»

«Je ne crois pas que le sel ait jamais été “exploité” en Australie. Il s'agit davantage d'une préoccupation environnementale en raison du défrichement des terres du début du siècle, qui a entraîné la salinisation secondaire. Il en résulte un environnement qui devient toxique pour la flore et la faune indigènes. Le sel est cultivé en Australie mais, à ma connaissance, ce n’est pas le cas du sel que j’ai photographié pour cette série. J'ai prévu de prendre des clichés de la culture du sel pour les parties suivantes de la série.»

«Ce travail est la premier volet d’un projet qui n’est pas encore terminé, je n’ai pas de plan précis quant au nombre de séries qu’il contiendra. J'ai une longue liste de coordonnées de sites potentiels pour une prochaine étape. Ce qui viendra ensuite est encore en train d'être décidé, mais c'est quelque chose de très excitant et motivant que d’avoir ce projet à l’horizon!»

Fanny Arlandis

Fanny Arlandis

Journaliste, elle écrit principalement sur la photographie et le Moyen-Orient pour Le Monde, Télérama et Slate.

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